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FICTION - Pas de clim' dans cette ville, et pourtant elle ne surchauffe pas. Ici, on fait face au soleil à grands renforts d'arbres, de toits végétalisés et d'îlots de fraîcheur disséminés partout.

Plongeons dans le futur. 45 °C au petit matin. Ce 8 août 2050 marque le quinzième jour de canicule. Et pourtant, dans les rues de Paris, les passant-es, loin d'être accablé-es, déambulent entre les arbres-brumisateurs.

Il y a quelques décennies, quand le thermostat frisait les 35 °C, tout le monde vivait au ralenti. Mais les villes ont su tirer des leçons du passé. Elles se sont adaptées au réchauffement climatique à grands moyens de méthodes douces et bien souvent low-tech.

Bienvenue dans cette cité qui résiste aux plus fortes canicules !

Îlots de fraîcheur et sieste : la recette pour passer l'été

Aucun moteur de voiture ne vient troubler la tranquillité de la capitale. Il est bel et bien révolu, ce temps où les pots d'échappement crachaient leur gaz à effet de serre.

Oubliée également : la climatisation. L'Europe a renoncé à cette absurdité technologique, tellement énergivore, qui faisait descendre les appartements à 19 °C, mais rejetait de l'air chaud à l'extérieur, pour transformer les rues en fournaise.

Les employé-es ont troqué costume-cravate et tailleur, ces uniformes obsolètes du début du siècle, pour une tunique légère, bien plus commode. Ils attendent leur bus électrique sous un abri ombragé, guettant de l'oeil une place libre sur le banc en béton de sable du désert.

Ce banc est relié au réseau qui refroidit les machines des usines locales et les ordinateurs des bureaux : une eau à 2 °C y circule. Cette solution ingénieuse ne date pas d'hier, on l'expérimentait déjà à Paris en 2018.

Une petite minute assise est une façon plus qu'agréable de débuter sa journée. D'autant que cette journée sera entrecoupée d'une longue sieste, aux heures les plus chaudes, avant que le travail ne reprenne en fin d'après-midi !

Un peu plus loin, sur la place, les enfants font une halte avant l'école. Ils enlèvent leurs sandales en bioplastique et plongent leurs pieds dans une flaque climatique.

De l'eau, pompée depuis un bassin souterrain de récupération des eaux de pluie, s'échappe d'une bouche d'arrosage au sol. Elle s'étale délicieusement. Ce qui ne s'évapore pas est absorbé par la dalle, perméable, pour retourner dans le circuit. Rien ne se perd.

Des haltes fraîcheurs comme celles-ci, on en trouve tous les 500 mètres. Sans compter les bassins à ciel ouvert, alimentés par de petits canaux dans lesquels s'écoulent l'eau de pluie.

La nature pour rafraîchir la ville

L'autre grande transformation, c'est la nature omniprésente. Il était temps ! Depuis des décennies, les urbain-es réclamaient une ville plus verte. À présent, chaque personne dispose d'un espace vert à 5 minutes à pied de chez soi.

Avec la fin des voitures individuelles, les places de parking ont peu à peu disparu, libérant la place nécessaire pour planter des arbres. Pas d'alignement au cordeau, non ! Ils sont placés en quinconce, pour favoriser la circulation de l'air.

La végétation a conquis toutes les surfaces, des toits terrasses aux façades des immeubles. Pas un seul bâtiment qui ne soit au moins recouvert d'une vigne grimpante.

Mais le plus spectaculaire, ce sont les forêts verticales. Lorsque l'architecte Stefano Boeri a commencé à planter des arbres sur les gratte-ciels dans les années 2010, personne ne croyait que cette belle idée pouvait se généraliser. Et pourtant, les constructeurs sont allés encore plus loin.

Certains balcons forment de larges vagues autour des immeubles, et peuvent accueillir à la fois des arbres et de grands bacs de jardinage. Ainsi, chacun-e dispose d'un potager à demeure, comme dans le projet Arboricole de l'architecte visionnaire Vincent Callebeaut.

Cultiver en ville est devenu la norme. D'ailleurs, les enfants suivent des cours tout au long de leur scolarité, car chaque école dispose d'un potager, au milieu du grand carré de pelouse de la cour.

Ils apprennent aussi comment chacune de ces plantes contribue à rafraîchir l'air ambiant. “Les végétaux transpirent de la vapeur d'eau et cela rafraîchit l'air ambiant, c'est l'évapotranspiration”, répètent-ils en classe.

Des appartements traversants et bioclimatiques

Les immeubles haussmanniens ont bien changé. Derrière les feuilles, les façades sont toujours les mêmes (à part ces volets, qui s'accrochent désormais à toutes les fenêtres). Mais tous les murs ont été rénovés et isolés, pour faire barrière au froid de l'hiver comme au soleil ardent de l'été.

Quant aux appartements plus récents, ils sont construits selon les principes de l'architecture bioclimatique. Ils sont orientés pour tirer parti au mieux des apports du soleil.

Pas une seule unité d'habitation qui ne soit traversante. C'est la condition essentielle pour créer un courant d'air la nuit en laissant les fenêtres ouvertes de part et d'autre, et passer une bonne nuit.

Sur les toits terrasses, les panneaux solaires sont installés sur des pilotis, au-dessus des potagers. Ainsi, pas de surchauffe, l'air circule. Et cela crée encore une ombre appréciable, pour les habitant-es comme pour les salarié-es des fermes urbaines.

De là-haut, la vue sur la ville est saisissante. Touffue, dense, elle déroule ses rues vertes et blanches. Car le bitume s'est depuis longtemps éclairci. Plus d'asphalte noire, qui absorbe la chaleur. Les routes ont été repeintes pour réfléchir la lumière et gagner de précieux degrés.

Grâce à toutes ces solutions, si simples en apparence, mais qui ont mis du temps à s'imposer, les îlots de chaleur ont été maîtrisés. La différence de température entre le centre-ville et la campagne alentour ne dépasse plus les dix degrés.

C'est pourquoi les urbain-es sont resté-es et continuent même d'affluer. On construit toujours de nouveaux logements, mais seulement vers le haut. La ville se fait plus dense, mais pas question de repousser ses frontières et d'artificialiser toujours plus de sols.

Sinon, où ira-t-on se rafraîchir lorsque la température montera encore ?

Sources pour cet article

Toute ressemblance avec la réalité n'est pas une coïncidence, ces solutions contre la canicule existent déjà !

Végétalisation, isolation, volets, bâtiments bioclimatiques et ventilation naturelle : autant d'idées soulevées lors d'un entretien avec Amandine Crambes, ingénieure urbaniste à l'Ademe (Agence de la Maîtrise de l'Environnement et de l'Énergie), 6 août 2018.

Présence de l'eau, densité des habitations pour éviter l'étalement urbain, et toujours, la végétalisation : pistes explorées avec François Grether, architecte de l'éco-quartier de Clichy-Batignolles, au cours d'un entretien le 6 août 2018

Le nouveau rythme de vie avec les siestes quotidiennes ont été évoquées par le philosophe Thierry Paquot, pendant l'émission Les villes peuvent-elles s'adapter à la canicule ?, sur France Culture, le 2 août 2018.

Les cours d'école végétalisées sont l'une des solutions proposées par Anne Girault, Directrice générale de l'Agence Parisienne du Climat (APC), dans la même émission.

Les îlots de fraîcheur sont inspirés des solutions pour rafraîchir la ville, exposées dans cet article de 18h39, du 2 juillet 2018, et de ce mobilier urbain décrit dans un article du Moniteur, du 3 août 2018.

Les revêtements de sol repeints en blanc sont déjà de rigueur aux États-Unis, comme l'explique cet article du Monde, du 20 juin 2017.

Les températures envisagées dans cet article sont déduites des prévisions du climatologue Jean Jouzel, qui craint des températures records en France de plus de 50°C après 2050, dans cette interview sur Europe 1, le 22 juillet 2018.

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