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DEUX TROIS BRICOLES - Qu'est-ce qui se cache derrière cet indice en faveur duquel les associations écologistes ont milité ?

Depuis janvier 2021, un indice de réparabilité de 0 à 10 est visible à côté de certains produits électroniques. Passant du rouge foncé pour les produits impossibles à réparer jusqu'à vert foncé pour les produits les plus réparables, il a été conçu pour aider les consommateurs dans leur choix de produits plus durables. Mais comment est-il calculé ? A quoi correspond-il exactement ? Maud Simon, Responsable Qualité chez Castorama, nous aide à y voir plus clair.

D'où vient cet indice et à quoi sert-il ?

D'un point de vue législatif, l'indice de réparabilité a été mis en place par la loi du 10 février 2020 dite anti-gaspillage et pour l'économie circulaire (AGEC), mais son origine conceptuelle remonte à la lutte plus ancienne des écologistes contre l'obsolescence programmée et pour le droit à la réparation des objets électroniques, un mouvement très actif aux Etats-Unis, où il est porté par The Repair Association ou encore la plateforme en ligne iFixit, qui propose des tutoriels pour réparer du matériel électronique, mais aussi de l'électroménager et de l'automobile.

L'indice se présente sous la forme d'une note accompagnée d'un code couleur, qui doivent être obligatoirement affichés par les entreprises à proximité du prix d'achat. Pour le ministère de la Transition écologique, "cette information sensibilise les consommateurs sur la possibilité d'allonger la durée de vie et d'utilisation de leurs appareils, notamment en orientant leurs comportements d'achat vers des produits plus facilement réparables".

Il est à noter que le calcul de cet indice est assuré par les entreprises elles-mêmes, sous le contrôle d'associations indépendantes qui pourront vérifier quand elles le souhaitent la fiabilité des données calculées, qui sont accessibles gratuitement. En 2022, une étude de HOP (Halte à l'Obsolescence Programmée) estimait que les notes étaient globalement un peu surévaluées, tout en tirant un bilan positif de l'instauration de cet indice.

Exemple d'indice de réparabilité indiquée sur la fiche d'une tondeuse proposée par Castorama.

Les 5 critères de l'indice de réparabilité

Comme nous l'explique Maud Simon, l'indice est calculé sur la base de 5 critères :

  • La documentation :  "Il faut s'assurer que le client a toutes les infos pour réparer son produit. Une simple notice n'est pas suffisante pour changer un condensateur ou un interrupteur, du coup on a développé des guides de réparabilité, c'est un gros travail en plus pour les équipes qualité, SAV et nos fournisseurs, mais c'est la condition pour avoir une bonne note."
  • La démontabilité du produit et l'accessibilité des outils. "Ce critère est calculé à partir d'une liste définie de pièces essentielles et la capacité à démonter le produit pour accéder à cette pièce. Dans le calcul, on intègre les outils nécessaires pour le démonter : s'il faut juste un tournevis, c'est facile, mais si vous devez démonter un interrupteur, il vous faudra sans doute retirer les cosses électriques, ce qui nécessite des outils plus spécifiques et moins facile à trouver chez soi."
  • La disponibilité des pièces détachées : "C'est le plus grand défi pour les entreprises comme la nôtre. Le SAV doit réaliser un effort important pour réduire au maximum les délais de livraison, mais il faut aussi qu'on puisse anticiper et stocker les pièces dans la durée, puisque les pays qui fabriquent les pièces détachées n'ont pas les mêmes contraintes que nous."
  • Le prix de la pièce par rapport au produit : "Pour avoir une bonne note, il ne faut pas que le prix de la pièce dépasse un certain pourcentage du prix du produit, ce qui rendrait totalement contre-productif la réparation. Dans certains cas,  notamment les produits premiers prix, il arrive que la pièce coûte presque autant que le produit lui-même !"
  • L'assistance à distance sans frais : "Chez Castorama, nous avons externalisé l'assistance à distance ainsi que la gestion des pièces détachées. Nous nous sommes assurés que l'équipe dédiée était formée."

Cet indice peut-il avoir un impact sur le prix des produits ?

D'après Maud Simon, Responsable Qualité chez Castorama, le prix des produits proposé par l'enseigne n'a pas augmenté avec la mise en place de l'indice de réparabilité : "Les protocoles mis en place avec le SAV sont coûteux au départ, mais ils sont durables et profitables à tous, donc ça ne fera pas augmenter les prix." Surtout, le concept de l'indice, c'est de valoriser les produits durables, donc de bonne qualité.

"L'indice de réparabilité incite à sortir du marché des produits bas de gamme avec une durée de vie très courte, confie Maud Simon, même si en réalité, il n'existe pas de critère minimal obligatoire, à l'heure actuelle on peut tout à fait vendre un produit avec indice de 3/10, par exemple, c'est au client de faire le choix. Mais une mauvaise note dégrade l'image du produit."

Les lave-vaisselle doivent désormais afficher un indice de réparabilité. © Castorama

Les produits concernés par l'indice de réparabilité

Le dispositif de l'indice de réparabilité a commencé sur un nombre restreint de produits, avant d'être élargi à d'autres dans un second temps. Aujourd'hui, il est obligatoire pour :

D'autres indices écologiques vont-ils permettre d'évaluer les produits ?

Le gouvernement travaille actuellement à la création d'un indice de durabilité, notamment par l'ajout de nouveaux critères relatifs à la fiabilité des produits, comme la robustesse et l'évolutivité dans le temps, qui devrait voir le jour en 2024. "C'est pertinent, réagit Maud Simon, car on peut avoir un produit noté 9/10 en réparabilité mais avec une pièce qui va casser en deux semaines, ce n'est pas la durabilité."

Du côté de l'Union européenne, on travaille aussi à un QR code qui servirait de passeport environnemental pour les produits. "Dans les dix ans à venir, la réglementation va imposer de plus en plus d'exigences relatives à la réparabilité et l'écoconception des produits. Elle va également imposer une meilleure communication des impacts environnementaux des produits aux consommateurs, estime Maud Simon, c'est en tout cas la direction prise par la loi AGEC et la loi Climat et Résilience."