Emmanuel Chirache - Publié le 5 novembre 2020
REPARER LES OBJETS - Au-delà du résultat impressionnant, l'histoire de cette Nintendo révèle comment les multinationales nous ont confisqué le droit de réparer nos objets.
Un "déchet". Voilà comment Mike Wehner décrit la console NES qu'il a acheté sur eBay pour la modique somme de 11,99 dollars, soit un peu plus de 10 euros. Il est vrai qu'elle est dans un sale état, jaunie par le temps, brûlée par endroits, tâchée, poussiéreuse, avec des parties manquantes et des composants rouillés à l'intérieur. Un peu par nostalgie de ses jeunes années, et beaucoup par défi, cet écrivain bidouilleur décide alors de restaurer totalement l'objet afin de publier la vidéo sur sa toute nouvelle chaîne YouTube, One Man's Trash, dédiée à ce hobby.
En ouvrant la console, Mike constate qu'il reste de l'espoir. L'intérieur n'est pas en si mauvais état et l'extérieur peut se nettoyer. Il se lance alors dans un démontage total de l'objet, puis il lave consciencieusement le boîtier, avec du savon, de l'eau, un chiffon en microfibres et une brosse à dents. Pour retirer le jaunissement, il pose ensuite la console dans une caisse sous une lampe à UV et verse du peroxyde d'hydrogène. Il ajoutera plus tard une petite couche de peinture customisée pour correspondre au gris d'origine.
Il se permet même d'améliorer la console Nintendo !
On vous passe les détails concernant l'intérieur et les circuits électroniques, mais ça bosse dur ! Mike améliore même la durabilité de sa console en diffusant un produit anti-corrosion sur les parties les plus sensibles. Il ponce par endroits, soude ailleurs, brosse encore, visse... La vidéo est assez relaxante, presque de l'ASMR !
La NES semble finalement plutôt simple à réparer, à tel point qu'il est possible de la rendre encore plus performante. Mike achète ainsi les parties manquantes sur eBay pour terminer le travail, notamment un nouveau connecteur qui permet d'enclencher le jeu. A l'origine, les jeux NES s'enclenchent quand on les insère puis qu'on les pousse vers le bas, mais Mike préfère installer un meilleur connecteur, il suffira désormais d'insérer le jeu.
Des objets complexes et de moins en moins réparables aujourd'hui
Ce qui aurait pu n'être qu'un magnifique exemple de réparation prend une autre dimension quand on lit l'article qui accompagne la vidéo. Mike a fait de l'écriture sa profession, on l'a dit, et il ne se prive pas de partager sa réflexion sur le sujet de la réparabilité de nos objets. Selon lui, les objets tels que cette ancienne console NES des années 80, relativement aisés à démonter et réparer, notamment grâce à des composants et des guides faciles à trouver, se font de plus en plus rares.
Aujourd'hui, réparer de manière satisfaisante un ordinateur ou un smartphone relève de la gageure. Le site iFixit attribue ainsi des notes de "réparabilité" à tous les gadgets électroniques (mais pas que) et constate cette évolution négative. Les composants sont de plus en plus obscurs (Apple a inventé une forme de tête de vis qui ne se trouve pas dans le commerce), les manuels pour permettre la réparation inexistants, les produits volontairement de mauvaise qualité. En somme, il devient impossible de réparer soi-même un objet qu'on possède (ce qui rend cette notion même de propriété de l'objet beaucoup plus relative).
La solution ? Défendre le droit de réparer nos objets comme étant un droit essentiel face aux multinationales qui font tout pour nous pousser à consommer ou à faire appel à leurs propres services de réparation - pas toujours compétents. C'est le seul moyen de nous rendre pleinement possesseurs de nos biens et surtout de rendre durables les objets qui nous entourent, et non jetables.