Matthieu M. - Publié le 4 juillet 2019
JARDIN - Rencontre avec le jardinier star de l'émission de France 5 qui nous a livré ses conseils et sa vision d'un beau jardin.
Il a beau passer ses journées dans le jardin des autres pour les conseiller, la passion de Stéphane Marie pour les plantes est née dans le sien, en Normandie, il y a maintenant trente ans.
Quelques années plus tard, en 1998, il devient le visage de l'émission Silence ça pousse sur France 5. Son énergie légendaire et son caractère bien trempé font de lui une figure incontournable de la science du jardin en France.
Nous avons eu la chance d'échanger avec lui pour lui piquer quelques conseils quand on souhaite se lancer et avoir un beau jardin toute l'année.
18h39 : On vient de vivre une semaine de canicule assez intense. Que doit-on faire au jardin pour sauver les meubles ?
Stéphane Marie : Je pense surtout qu'il faut se poser la question de l'eau et des arbres. Les puits de fraîcheur, c'est vachement bien ! Mais ça serait bien d'en parler toute l'année.
Nous, on taille, on met beaucoup de paillis et les gens ne comprennent pas pourquoi. Ce n'est pas juste pour faire joli ! C'est fait pour économiser l'eau, faire une couche isotherme pour éviter que la terre chauffe et que l'eau ne s'évapore trop.
Quand commencer un jardin alors ? Avec ces chaleurs inédites, l'été est à éviter ?
Je pense que l'été, c'est le moment où on vit le plus le jardin, il faut vivre d'abord avant de commencer quoi que ce soit et surtout se poser la question de ce que l'on aime ou pas. Quand on est jardinier amateur, on veut juste un endroit plaisant pour aller se foutre au soleil et éventuellement boire un verre quand il se couche. Il faut déterminer là où il reste le plus longtemps, là où il va se coucher le soir.
Et quand on a sa petite idée, on peut commencer à planter en automne. Les proportions sont très importantes et aussi les volumes. Il faut voir ce que ça donne dans l'espace avec les fleurs, les graminés. Et si c'est trop grand, un petit coup de tondeuse et hop !
Un jardin, il faut qu'on y soit heureux, donc se poser la question : “comment je peux être heureux là-dedans ?”.
Une fois que l'on a déterminé ce que l'on voulait faire de son jardin, que doit-on faire?
On va attendre que l'été passe et que les pluies reviennent un peu. Et là, éventuellement, on va s'intéresser aux plates-bandes ou planter les haies à l'automne. En attendant, on peut faire des listes. C'est bien de se promener autour de chez soi et de regarder les plantes qui vont bien chez les voisins. C'est primordial. Avec un peu de chance, ils bénéficient du même sol que vous, d'un climat équivalent. Observez, notez les plantes qui vous plaisent. C'est bien d'avoir en tête ce que l'on aime et planter ! Mais à la bonne saison, fin octobre plutôt.
L'erreur que vous remarquez la plus souvent dans le jardin des gens ?
Les erreurs ne sont pas graves ! Les arbustes, les jeunes arbres, les plantes : tout se déplace ! J'ai déjà déplacé un petit pommier qui avait dix ans. C'était un gros travail, mais il a été replanté et il va très bien. Les erreurs se corrigent.
Moi, j'ai besoin de lumière, il faut qu'elle rentre dans la maison. L'énorme erreur, c'est de ne pas se renseigner quand on achète une plante sur sa dimension adulte. Il faut savoir quelle taille fera l'arbre dans 25 ou 30 ans. J'ai une tante qui avait un cèdre de l'Atlas de 50 ans. La maison est devenue sinistre car plus aucune lumière ne rentrait dedans : il avait été planté à 10 mètres de là.
Il faut toujours savoir quel sol on a. Pour cela, achetez un kit pour connaître le Ph du sol, c'est important de savoir si on a une terre qui est acide, calcaire ou neutre. Mais si vous avez fait le tour du voisinage et que vous avez vu un rhododendron et qu'il est complètement jaune, là vous savez qu'il n'y en aura pas sur votre sol !
Votre meilleur truc pour ne pas se planter ?
C'est pas grave de se planter, pourvu qu'on soit capable de réagir. La pire des choses, c'est d'avoir peur. A priori il y a toujours un moyen de rectifier. On ne va pas au jardin pour se prendre le chou. Les jardins où les gens se prennent le chou sont des jardins stressants. Il faut le conduire de la manière le plus tranquille possible !
Est-il possible d'avoir un beau jardin quand on n'a pas le temps de s'en occuper tous les jours ?
La limite du jardin, c'est le jardinier. Si vous avez beaucoup de temps, vous allez faire un jardin qui aura besoin de temps. Si vous n'avez de temps, vous allez faire un jardin qui demande moins de travail. Les plantes ont besoin qu'on s'occupe d'elles un minimum, mais il y a des techniques pour passer moins de temps, comme avoir des grandes plantes, de grandes vivaces américaines, des graminées.
Quelles variétés conseillez-vous à quelqu'un qui n'y connaît rien ?
Si je parle à quelqu'un qui vit dans le Nord ou le Sud, la réponse va être complètement différente, il faut parler aux pépiniéristes, ils sont là pour vous aider. Et on en revient au fait de regarder ce qui se passe chez les voisins ! Je peux vous dire un cerisier, mais si vous avez un sol argileux, il va s'étouffer au bout de 15 ans. Il n'y a pas de réponse absolue.
Un beau jardin, pour vous, qu'est-ce que c'est ?
C'est un jardin dans lequel les plantes se sentent bien. Ça se voit. Il y a des jardins où les plantes souffrent, elles ne sont pas à la bonne place. Moi, j'aime les plantes, si elles vont bien et qu'elle sont contentes, ça me réjouit. Dans un beau jardin, il y a quelque chose d'harmonieux, de healthy (sain, ndlr.) ! Une sorte d'opulence et de générosité.
Et le vôtre, à quoi ressemble-t-il ?
Mon jardin est à mon image. Il est structuré, il y a des bases, des structures fortes, des haies taillées, des lignes directrices, qui sont le cadre d'une végétation assez folle. Il y a des rosiers lianes, des plantes qui font deux mètres de hauteur, plein de grandes choses qui ont l'air de jaillir. J'aime la fantaisie, j'aime quand ça déborde, mais d'un cadre. Sans cadre, je ne me sens pas bien.
Vous souvenez-vous des premières difficultés que vous avez rencontrées quand vous avez commencé ce jardin ?
Ce qui m'a marqué au début, en tant que décorateur, c'est que je plantais en fonction des couleurs. Très vite, je me suis aperçu que je partais de travers. Quand j'ai compris que les bruyères poussaient là où il n'y avait rien à bouffer et du soleil toute la journée, j'ai changé mon fusil d'épaule.
On ne jardine plus aujourd'hui comme on le faisait il y a 30 ans. Quels changements importants avez-vous remarqué ?
Déjà, il n'y a plus de produits phytosanitaires, on les a évacués. Il y a plus de 20 ans qu'il n'y a plus ces choses-là dans le jardin. Mais l'esprit des gens a évolué aussi. Il y a 15 ans, vous parliez de potager, on vous riait au nez. Aujourd'hui, les gens veulent leur petit bout de potager, avoir deux ou trois légumes à montrer aux gosses et éventuellement cueillir trois tomates pour l'apéritif. La manière de vivre le jardin s'est transformée.
Et le jardin du futur, vous l'imaginez comment ?
Je sais que c'est un jardin de moins en moins exigeant en eau. Nous allons devoir faire des jardins plus économes et plus solides, pour faire face à certains moments de violences climatiques.