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AUTOCONSTRUCTION - Huit bricoleurs, débutants pour la plupart, construisent leur propre chauffage, écologique et économique. Une façon de devenir plus autonome.

Rabattre son masque de protection pour souder à l'arc, cintrer un long tuyau de cuivres en multiples virages, percer des pièces en acier... L'activité est intense en ce mercredi de juin 2017, au centre de formation en énergies renouvelables Aezeo, qui promeut l'autonomie énergétique.

Nous sommes à Ploemeur, en Bretagne, comme en attestent le biniou en pleine répétition dans un local voisin et les cris des mouettes. Huit bricoleurs, débutants pour la plupart et venus de toute la France, y passent la semaine pour apprendre à construire leur propre poêle à bois, qu'ils remporteront chez eux.

Un poêle bouilleur Nautilus, conçu par Samuel Le Berre.

Un poêle bouilleur Nautilus, conçu par Samuel Le Berre. © Saïd Belhamsali

Un poêle bouilleur plus précisément, qui chauffera aussi de l'eau. Celle-ci stockée dans un ballon et distribuée dans tous les radiateurs de la maison, sert aussi à l'eau chaude sanitaire, selon le principe de la chaudière biomasse.

Mais pourquoi consacrent-ils autant d'énergie à fabriquer leur chauffage, plutôt que d'en acheter un, tout simplement ? Le prix n'y est pas pour rien. Cette formation coûte 840 euros, le Nautilus 2100 euros. "Un poêle à qualité égale dans le commerce va être à 6000 euros", estime Samuel Le Berre, fondateur d'Aezeo.

Samuel Le Berre (tout à gauche) réfléchit avec les stagiaires au meilleur moyen de déplacer ce poêle.

Samuel Le Berre (tout à gauche) réfléchit avec les stagiaires au meilleur moyen de déplacer ce poêle. © Lisa Hör

Mais ce n'est pas leur seule motivation. Avant tout, ils cherchent tous à apprendre à faire eux-mêmes pour devenir autonome.

Autoconstruction : La fierté de fabriquer un poêle de ses mains

"Quand je suis arrivé à la retraite, je me suis promis de faire ce genre d'activité", raconte Alain Ménard, 66 ans, devant le poste à souder dont il découvre le maniement pour la première fois cette semaine.

Il veut remplacer la cheminée de sa maison par le poêle bouilleur sur lequel il travaille.

Alain Ménard devant son poste à souder.

Alain Ménard devant son poste à souder. © Lisa Hör

"Ce qui changera ? C'est d'éprouver de la fierté et de pouvoir dire aux autres, venez voir, j'ai un poêle qui fonctionne, que j'ai fabriqué moi-même... et vous pouvez faire la même chose !"

Cette formation se veut accessible à tous, quel que soit son niveau en bricolage. Ici, tout le monde s'entraide et les formateurs circulent de l'un à l'autre, pour accompagner et vérifier toutes les étapes de fabrication, afin d'être sûr que chaque poêle soit opérationnel.

Cela peut aussi être une étape avant de nouveaux projets, encore plus ambitieux. "D'avoir appris à souder, ça va nous permettre de faire plein d'autres choses derrière, une rambarde par exemple", ajoute Amaël.

C'est aussi un travail de précision, ici pour assembler la poignée du hublot.

C'est aussi un travail de précision, ici pour assembler la poignée du hublot. © Lisa Hör

À 24 ans, il a pris une année sabbatique pour apprendre les métiers manuels, notamment en aidant des particuliers à construire ou rénover leur maison lors de chantiers participatifs. Et il s'imagine bien construire lui-même sa maison plus tard.

En suivant les trois jours de formation supplémentaires proposés après la fabrication du poêle, il pourra acquérir les bases de la plomberie et saura comment installer son chauffage (le poêle lui-même, le ballon d'eau, les tuyaux, les radiateurs, et même le plancher chauffant).

Le poêle à bois : un choix écologique avant tout

En plus de cette envie de fabriquer eux-mêmes, les participants de ce stage partagent le souci de faire leur part pour protéger la planète. Se joindre à eux pour déguster une crêpe à midi, c'est se lancer dans une grande discussion sur le tri des déchets et les maisons écologiques.

Jean-Baptiste Thiollier, par exemple, rénove une vieille grange avec sa compagne. Pour lui pas question d'installer une chaudière à gaz ou à fioul et d'utiliser des ressources fossiles. Encore moins une pompe à chaleur, qui serait alimentée par de l'électricité issue du nucléaire (à moins de souscrire à un fournisseur d'électricité verte uniquement).

Jean-Baptise Thiollier travaille sous l'oeil des formateurs.

Jean-Baptise Thiollier travaille sous l'oeil des formateurs. © Lisa Hör

Il s'interrompt dans l'installation d'une pièce à l'intérieur du poêle pour donner sa vision des choses : "Créer de la chaleur à partir de la fission nucléaire, la transporter sous forme d'électricité dans un énorme réseau, la retransformer en chaleur une fois arrivée à la maison... au final, je pense que le rendement n'est pas très efficace."

"L'électricité est une énergie difficile à produire, c'est une hérésie de la dégrader en chaleur", approuve Samuel Le Berre, sur la même longueur d'onde.

Le poêle bouilleur, lui, fonctionne bien plus simplement. Il brûle du bois, une source d'énergie, renouvelable et potentiellement locale, s'il provient de forêts proches de chez soi. De plus, il permet de couvrir la quasi-totalité de ses besoins énergétiques à la maison (chauffage, eau chaude sanitaire, et même cuisson).

Chacun peut repartir avec son propre poêle.

Chacun peut repartir avec son propre poêle. © Lisa Hör

Les stagiaires d'Aezeo pourront revenir début juillet. Il s'agira cette fois d'apprendre à construire une éolienne à installer dans leur jardin. De quoi aller encore plus loin dans l'autonomie énergétique.