| | |

SAUVER LA PLANÈTE - Se passer de frigo, c'est loin d'être impossible, mais ça réclame juste un peu de méthode. On vous aide !

Vous avez vu l'Amazonie partir en fumée et vous aimeriez faire quelque chose. Et si vous arrêtiez d'utiliser un réfrigérateur ? "Totem" des cuisines comme on l'appelle parfois, il est aussi encombrant que polluant.

Comme révélé dans une récente infographie, le réfrigérateur nécessite 35 fois son poids en matières premières pour être fabriqué, et son utilisation dégage également beaucoup de gaz à effet de serre. Surtout, il n'est pas si utile qu'on le pense couramment !

Autrice de l'ouvrage "Notre aventure sans frigo (ou presque)" (2017), Marie Cochard prêche la bonne parole depuis des années. Loin d'être une extrémiste pour autant, cette mère de famille nous encourage à sauter le pas petit à petit, en prenant soin de bien comprendre la démarche dans laquelle s'inscrit ce changement.

Marie Cochard dans sa cuisine (Photos : Olivier Cochard)

1. Il faut modifier ses habitudes de consommation

Pas question de jeter son frigo sans bouleverser un minimum sa manière de s'alimenter. "Si vous consommez de la viande et du poisson tous les jours, prévient Marie, ce n'est pas compatible avec la vie sans frigo. La première résolution, c'est d'arrêter la viande, en tout cas à long terme."

Plus globalement, la vie sans frigo est plus facile quand elle s'inscrit dans une démarche écologique : zéro déchet, alimentation locavore, produits en vrac... "Finies les mangues, finis les avocats du Pérou !" recommande notre spécialiste, qui préfère courir les marchés à la recherche de produits du cru plus faciles à conserver car ils proviennent de la même zone géographique.

"Le sourcing [le fait de connaître l'origine des produits, ndlr], c'est ce qui est le plus long, mais c'est le nerf de la guerre ! Je parle beaucoup avec les gens sur le marché pour savoir d'où viennent leurs produits, ça recrée du lien entre nous ! Je conseille aussi à chacun de se faire une cartographie des bons plans de son quartier. C'est encore plus facile en ville, grâce aux ruches, aux AMAP, aux coopératives d'achat."

2. La fraîcheur n'est pas idéale pour le corps

On entre dans le vif du sujet ! Mais pourquoi s'obstiner à mettre la bouffe au frais ? "On ne consomme pas du tout l'eau froide, ni les boissons très fraîches à la maison, analyse Marie Cochard. Je suis très influencée par la médecine chinoise, qui repose sur la notion d'équilibre : si on boit frais, l'estomac fournit un travail pour remettre le corps à température ambiante. C'est pour ça que le mi-cuit est idéal en cuisine chinoise, il faut que les légumes verts restent croquants, d'où l'utilisation du wok."

Attention, il ne s'agit pas d'abandonner du jour au lendemain vos péchés mignons, bières fraîches, sorbets, etc. Les enfants, notamment, ne comprendraient pas. La solution ? "L'été, nous utilisons un minuscule congélateur pour les glaces. Je mixe moi-même les fruits et je fais mes sorbets, que je mélange avec du yaourt. Le but n'est pas de tout arrêter d'un coup, j'invite d'abord les gens à garder leur frigo, mais au moins à le débrancher quand il fait plus froid dehors."

Famille cherchant ses résolutions écologiques qu'elle avait mises au frais

3. Un gain de temps non négligeable

Pas de frigo égale pas de liste de courses interminable. "Pour moi c'est une corvée d'aller dans les supermarchés, se rappelle Marie, de remplir le frigo, de descendre les poubelles, alors que c'est tellement plus simple de partir avec un panier et d'acheter en vrac." Grâce aux bocaux en verre, on sait vite ce qui manque à l'appel dans la cuisine, et la liste de courses est plus rapide à rédiger.

Certes, il faut davantage préparer soi-même les repas, faire ses propres sauces, mais rien d'insurmontable : "Je cuisine rapidement, remarque Marie, je mets à la poêle, ou je mange beaucoup de cru, en m'inspirant de ce qui se fait ailleurs, comme les bols avec des couches d'aliments. On ajoute ensuite une sauce, des épices, et on mélange en mangeant."

4. Le frigo détruit les saveurs

En réalité, la plupart des ingrédients que nous mettons au réfrigérateur peuvent très bien s'en passer : fruits, légumes, confitures, oeufs, cornichons, doivent se conserver dehors, à la fenêtre ou dans de l'eau la plupart du temps. Le frigo, lui, finit par affadir le goût de la plupart des aliments, il aseptise notre alimentation, la gèle dans tous les sens du terme.

"Le fromage va donner du parfum à tout le reste, note Marie Cochard, tandis que le café à l'inverse absorbe les odeurs !" Alors que mettre au frigidaire ? "La problématique du frigo, c'est les produits transformés, sous vide, qui n'ont pas d'autre place pour être conservés. Mais si vous prenez le fromage, il faut garder le fromage de brebis dans un papier ciré ou dans une boite comme une cloche à fromage, ça se conserve bien plus longtemps qu'un fromage sous vide qui s'étouffe, et c'est encore pire s'il est râpé, il s'oxyde super vite."

Ancien réfrigérateur reconverti dans la permaculture à la campagne

5. On gaspille davantage avec un frigo

Hé oui ! L'abondance de biens nous empêche de consommer raisonnablement, puisque les Français gaspillent chaque année 10 millions d'aliments consommables. Marie, elle, rédige les menus de la semaine en avance et n'achète que ce dont elle a besoin, donc elle ne gaspille rien. De même, sa famille mange en priorité ce qui est périssable dans la cuisine.

Grâce à des astuces de conservation traditionnelles, Marie arrive par ailleurs très bien à se débrouiller : "Je mets le pain dans un torchon, comme on faisait avant, raconte-t-elle. Le beurre dans de l'eau avec du sel, comme les marins, et les carottes dans le sable à l'abri de la lumière. Il ne faut surtout pas mélanger certains aliments ensemble, les pommes et les kiwis, les oignons et les pommes de terre, sinon ça se gâte bien plus vite." 

Et quand on lui pose la question de comment elle parvient à repousser l'invasion des moucherons dans la cuisine, Marie trouve aussi la parade : "Mon garde-manger est grillagé donc garanti sans bestioles ! Si on laisse les choses s'abîmer, les moucherons peuvent s'installer, mais encore une fois ce n'est pas le but. Mon conseil, c'est surtout de démarrer petit, avec des objectifs réalisables. Moi, ça m'a pris presque dix ans avant d'en arriver là."