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TÉMOIGNAGE - Marie Cochard a opté pour un garde-manger sans électricité. Alors qu'elle publie un livre sur la conservation des aliments, elle nous explique ce choix surprenant.

"Ça ne fait qu'une centaine d'années que le frigo existe, et pourtant, on a l'impression qu'on ne peut pas s'en passer, note Marie Cochard. Mais comment faisait-on avant ?"

Cette question, l'autrice du blog La Cabane anti-gaspi, se l'est posée en voyant l'une de ses amies se débarrasser de son réfrigérateur pour faire des économies d'énergie.

En journaliste curieuse des initiatives durables et écolos (nous l'avions déjà interrogée sur les bienfaits des épluchures, du jardin à la salle de bains), elle a décidé, à 36 ans, de lancer ce défi surprenant à sa propre famille : se passer, à son tour, de ce symbole du confort moderne.

© Olivier Cochard

"Mon amie est célibataire, raconte Marie Cochard. Nous sommes une famille de quatre, avec deux enfants, je me suis demandée si c'était possible pour nous aussi."

La réponse est oui, la plupart du temps du moins. En témoigne le livre qu'elle publie le 7 septembre, Nos aventures sans frigo... ou presque (Eyrolles, 2017).

Techniques de conservation anciennes et produits vivants

Ses enfants se sont d'abord inquiété de savoir "s'ils mangeraient moins une fois le frigo débranché." Quant à son mari, "sa première pensée a été pour son échine de porc et ses bières fraîches."

Ces inquiétudes sont loin maintenant : voilà un peu plus d'un an que leur réfrigérateur a laissé place à un joli garde-manger aux tiroirs aérés et grillagés, dans lequel sont entreposés fruits et légumes.

La famille a tout de même gardé un petit congélateur, pour savourer glaces et (ces fameuses) bières fraîches en été, et conserver les restes.

© Olivier Cochard

Quid du lait et de la viande ? Marie et sa famille ont opté pour le lait végétal, qui se conserve plus longtemps à température ambiante, et cuisinent tout de suite le peu de viande qu'ils achètent.

Pour le reste, Marie a redécouvert des techniques de conservation traditionnelles, qu'elle détaille dans son livre :

  • carottes, pommes de terre, pommes se conservent bien mieux enfouies dans le sable, dans une caisse de vin, qu'au réfrigérateur,
  • laitues, poireaux, brocolis se régénèrent lorsqu'ils sont placés dans un fond d'eau,
  • le fromage, protégé par sa croûte, respire dans un emballage en cire, placé sous une cloche ajourée,
  • en cas de grande chaleur, le frigo du désert (deux pots en terre cuite, dont le plus grand est rempli de sable que l'on arrose régulièrement), prolonge la vie des fruits et légumes.

Créative et calme, une nouvelle cuisine plus agréable

Au final, "le fait de s'imposer une nouvelle contrainte apporte énormément de créativité", s'amuse Marie. Elle vient justement de concocter une sauce avec sa fille, pour écouler les quelques tomates qui commençaient à s'abîmer dans le garde-manger.

Bien sûr, cela nécessite une "hygiène irréprochable", mais c'est loin d'être aussi pénible, à son avis, que "la corvée" de nettoyage du réfrigérateur.

© Olivier Cochard

Sur la question des économies d'énergie, Marie admet que la différence sur la facture d'électricité n'est pas flagrante, même si elle se félicite de ne plus payer pour refroidir un appareil en hiver et tout en chauffant le reste de la maison.

Une autre chose qu'elle ne regrette pas une seule seconde : le ronronnement continu, et si désagréable à ses oreilles, de cet appareil électroménager qui était auparavant, "comme chez tout le monde", la star de sa cuisine.

Une démarche avant-gardiste ?

Pas question pour autant de faire du prosélytisme. Ce mode de vie n'est pas pour tout le monde, puisqu'il impose de faire des courses plus souvent.

"Ça serait inenvisageable, si on achetait que des produits transformés", note-t-elle. La journaliste consom'actrice le concède, le succès de son expérience tient en grande partie à l'habitude, prise depuis des années, de n'acheter que des produits frais et locaux.

© Olivier Cochard

L'objectif de Marie est surtout de faire réfléchir. "Autrefois, le centre de la maison, c'était le foyer, le feu, analyse-t-elle. Aujourd'hui, c'est le frigo. On est passé de quelque chose de très chaleureux à quelque chose de froid, d'aseptisé. Aujourd'hui, on utilise son frigo comme un placard."

Un placard que l'on remplit parfois à ras bord, et dans lequel les produits, oubliés tout au fond, dépassent souvent la date limite de consommation sans avoir vu une assiette (selon l'Ademe, le gaspillage alimentaire représente 29 kilos par an et par Français, dont 7 kilos d'aliments encore emballés).

Ou au contraire, un placard vide, par manque de temps pour les courses, et qui consomme de l'électricité pour rien. Alors pourquoi ne pas opter pour un modèle plus petit et adapté à ses vrais besoins ?

À l'annonce de la sortie de son livre, Marie a justement reçu de nombreux témoignages de personnes intéressées. "J'ai l'impression que l'on est à un tournant", conclut la jeune femme. Et si cette exploratrice des méthodes anciennes était finalement avant-gardiste ?