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SOLIDARITÉ - Dans cet établissement, les personnes qui travaillent comme aide à domicile ou encore dans l'hôtellerie peuvent se reposer entre deux missions.

“On est jamais mieux que chez soi” est un proverbe assez souvent vérifié et démontré. Pourtant, avec son salon, ses tables rondes, sa cuisine tout équipée, la maison de repos inaugurée le 11 octobre 2019 à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, pourrait bien mettre à mal cet adage. 

Le lieu a été baptisé Comme à la maison, et pour Khadija, auxiliaire de vie depuis 3 ans, il porte bien son nom. “On s'y sent à l'aise”, déclare-t-elle, confortablement assise dans l'un des canapés aux couleurs vives. Il y a encore quelques mois, elle n'avait que les squares en été et le centre commercial en hiver pour patienter entre deux missions chez des particuliers.

© Jarod Priam

Mise en place par le maire de la ville Pierre-Christophe Baguet (LR), cette maison a un objectif bien défini : fournir un espace de repos à tou-tes les salarié-es (ce sont souvent des femmes) qui travaillent en horaires discontinus, avec parfois plusieurs heures d'interruption au cours de la journée. Cet espace est accessible gratuitement pour ceux et celles qui travaillent dans l'aide à la personne, l'hôtellerie, la restauration, la propreté… à condition que leurs employeurs s'acquittent d'une cotisation annuelle de 500 à 1500 euros.

© Jarod Priam

Dans les Hauts-de-Seine, plus de 300 000 personnes travaillent avec des horaires discontinues. Le service municipal de Boulogne-Billancourt a recensé environ 82% des salariés de ce secteur sans moyen de rentrer entre deux missions ou ne pouvant s'abriter pour patienter durant leur temps de pause. Un problème auquel Comme à la maison tente de pallier.

Il était temps que quelqu'un pense à notre bien-être

Aujourd'hui, déjà plus de 180 personnes salariées travaillant pour des familles boulonnaises trouvent refuge dans cette établissement. Ces dernières viennent généralement lorsqu'elles ont des pauses relativement courtes à midi, ou lorsqu'elles ont “une intersection un peu plus longue, de plus de deux heures durant laquelle elles mangent puis font une sieste”, nous explique Christine Boulos, directrice de Comme à la maison. 

Pour les personnes en besoin de récupération de sommeil, une salle de repos est disponible avec des transats et une mini-bibliothèque. “C'est une très bonne initiative. Il était temps que quelqu'un pense à nos métiers, et à notre bien-être”, approuve Khadija. Pour illustrer à quel point ses conditions de travail pouvaient être inconfortables, elle nous explique que même boire de l'eau pouvait être problématique : “Dans notre métier, le problème c'est que si vous avez une heure de pause, les toilettes, il n'y en a pas à tous les coins de rue”.

© Jarod Priam

De son côté, Yvette, auxiliaire de vie depuis 10 ans, voit cet établissement comme “tombé du ciel”. En effet, elle avait pour habitude de se réfugier à la bibliothèque ou au centre commercial avant son ouverture. “Tous les magasins ici me connaissent, je passais là-bas tous les jours, ce qui me poussait à acheter”. Un temps maintenant révolu lorsqu'elle se pose sur le mini-bar de la cuisine du refuge pour prendre son café. “C'est comme si je rentrais chez moi. Je suis dans la cuisine, je vais au salon et après je vais me coucher”, nous dit-elle.

© Arnaud Olszak

Rendre plus attractif ces métiers difficiles 

Comme à la maison cherche également à faciliter la vie des salariées en misant sur l'aspect humain et social. Un psychologue est disponible et à l'écoute en cas de problèmes personnels. Une socio-esthéticienne devrait intervenir prochainement, pour proposer des soins mais également échanger avec les salariées pour les aider à sortir de leur isolement lié à leur travail. “Elles sont souvent isolées, étant donné qu'elles travaillent à domicile et n'ont pas d'autres occasions de rencontrer d'autres salariées de la même structure”, explique Christine Boulos.

© Jarod Priam

Pour la directrice de cette maison de repos, cette organisation vise à s'adapter aux besoins des salariés et à leur proposer des services qui pourraient leur permettre de “valoriser leur travail souvent ingrat, de le rendre plus attractif”. Les entreprises ont en effet exprimé leurs difficultés à recruter dans ces métiers à horaires discontinues. Christine Boulos cherche également à fidéliser les salariées étant déjà en poste, en leur évitant de démissionner de leur emploi pour cause de temps de trajet trop longs ou de mauvaises conditions météorologiques (grand froid, canicule,...). 

© Jarod Priam

Pour cela, l'établissement compte introduire progressivement à la fin du mois des ateliers et des formations payées par les entreprises. Celles-ci auront pour objectif d'aider les salariées à acquérir de nouvelles compétences utiles au quotidien (sessions de formations au numérique, démarches professionnels et administratives). Une boîte à idées devrait aussi être introduite très prochainement pour que tout le monde puisse contribuer à l'organisation en faisant part des choses à ajouter ou à changer au sein de l'établissement. En attendant, peut-être l'ouverture d'autres lieux semblables ailleurs en France.