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LE CONVOI DE LA LIBERTE - Depuis 3 ans, Jenny, Nathan et Louis font le tour de l'Australie à bord de leur camper trailer, une remorque surmontée d'une grande tente toute équipée.

Il y a ceux qui en rêvent, et il y a ceux qui le font : Tout quitter, mettre la clé de son entreprise sous la porte, vendre ses meubles, ses affaires, et enfin partir sur la route. Pas d'emploi du temps surchargé, pas de mails urgents, pas de rendez-vous contraignants, juste la liberté d'aller où le vent nous mène. C'est la vie choisie par Jennifer, une Française exilée depuis 11 ans en Australie, où elle avait monté son entreprise de ménage.

Quand on lui demande ce qui a motivé sa décision de tout arrêter, elle répond du tac au tac : "Le stress ! Avec mon compagnon Nathan, qui est Australien, on était tous les deux chefs de petite entreprise, on n'avait pas beaucoup de temps pour nous, même si en Australie c'est plus cool qu'en France. Le travail n'est jamais fini quand t'as ton business, alors à la naissance de notre fils Louie, qui a 4 ans aujourd'hui, on s'est dit qu'on voulait profiter de notre vie de famille".

La dolce vita à l'australienne. © Jennifer Papin

Le camper trailer à 13 000 euros : rustique mais spacieux

Le virus du voyage, Jenny l'a toujours eu, d'abord en France avec ses parents, puis seule, sac à dos sur les épaules, en Europe ou ailleurs. Nathan, lui, ne connaissait pas, mais il a foncé. "Je lui en ai beaucoup parlé et puis un jour, c'est lui qui a commencé à regarder les caravanes, nous confie la Française. En fait, on est allés essayer des trailers [ces remorques équipées de tentes, ndlr] plutôt que des caravanes, parce qu'on a l'impression de dormir dehors, on entend les bruits de la nature, c'est très aéré grâce aux moustiquaires, on a moins chaud car l'air circule tout le temps."

Après négociation, le trailer est acheté pour 21 000 dollars australiens (un peu plus de 13 000 euros), auxquels s'ajoute une voiture à 7000 dollars (4400 euros). "On est partis avec nos moyens, on n'a pas pris de crédit, on voulait être libres." L'intérêt d'un camper trailer, c'est qu'il est tout terrain, un atout non négligeable dans un pays aussi sauvage que l'Australie. Dépliable, la tente "swag", elle, est typiquement australienne : elle est constituée d'une toile ripstop façonnée en maillage, imperméable et super résistante.

Côté aménagement, c'est rustique mais spacieux : deux lits doubles et au milieu un canapé en U, avec une table. Tous les rangements et le mobilier sont situés à l'extérieur de la tente : tables, chaises, tiroirs pour les affaires, mais aussi pour le frigo, la gazinière, ainsi qu'une douche extérieure. "On se lave à l'eau froide la plupart du temps, détaille Jenny, même si on peut chauffer l'eau au gaz, ça fait comme un petit chauffe-eau. On a 210 litres d'eau transportables."

La tente vue de l'extérieur avec tous ses rangements et son mobilier. © Jennifer Papin
Vue de l'intérieur, une spacieuse banquette en U. © Jennifer Papin
Tout au fond, un grand lit. © Jennifer Papin

Une vie minimaliste et l'instruction en famille dans la nature

Malgré ce confort relatif, la vie en camper trailer est faite de sobriété. Côté affaires, le petit Louie se contente très bien de trois boîtes de jouets, et les adultes d'une ou deux boîtes de rangement par personne. "Les trois quarts du temps, Louie joue dehors, avec des morceaux de coraux par exemple ! On vit en mode minimaliste, quand on part dans des lieux isolés, c'est juste une douche par semaine, avec de l'eau dans un bol. Il faut prévoir ton eau, ton essence, plein de nourriture, on doit souvent faire 70 km pour trouver le premier endroit où on peut acheter à manger. Dans notre prochain emplacement, le premier supermarché sera à deux heures et demi de route."

Cette vie sauvage, parfois un brin risqué comme lorsque la famille est surpris par des inondations torrentielles en Tasmanie, c'est aussi l'école façon Robinson Crusoë pour Louie, qui passe beaucoup de temps dehors, où chaque expérience est l'occasion d'un petit cours sur la nature, les animaux, l'histoire, la physique... "Pour apprendre l'alphabet, il dit les lettres sur les panneaux des campings, s'amuse Jennifer. Dans les deux langues ! Il apprend les choses de la vie, il sait manier la perceuse et il pratique les arts plastiques avec ce qu'on trouve dans la nature."

Mais l'instruction en famille, c'est aussi des leçons plus sérieuses, du français et des mathématiques, sur un tableau magnétique effaçable. Pas besoin d'accumuler les fournitures, on efface et on recommence ! Même si la famille n'apprécie pas trop les écrans, elle utilise certaines applications pédagogiques sur l'iPad, ce qui permet à Louie de faire déjà quelques additions tout seul. Et puis, il y a la sensibilisation à l'écologie. "Il ramasse les détritus dès qu'il en voie un ! Il a conscience de ça. C'est à nous de passer le message aux enfants, c'est maintenant que ça se joue."

La salle de classe du petit Louie. Pas mal, hein ? © Jennifer Papin
Coucher de soleil sur le camper trailer. © Jennifer Papin

Pas de chauffage, mais des matelas en bambou et des bouillottes

Pour voyager écolo, la famille limite le plastique, utilise des ustensiles en coco ou en bambou, se lave avec des cosmétiques et des produits naturels pour ne pas polluer son environnement direct. Les sacs poubelles sont de solides sacs pour mettre la luzerne, qu'ils réemploient de nombreuses fois. Les bouteilles sont en aluminium et les boîtes pour le frigo en métal. En promenade, ils n'hésitent pas à ramasser les déchets sur la plage ou dans la forêt, car les Australiens en goguette n'ont pas encore le réflexe d'emmener leurs ordures avec eux pour les jeter à la poubelle.

Et le chauffage ? Il n'y en a pas ! "On a juste des bonnes fringues, nous raconte la Française, on s'installe dehors avec le feu quand il n'y a pas trop de vent. On a une sorte de brasero, un "fire pit" assez écolo, avec un tiroir en dessous qui ramasse les cendres et les braises. On l'utilise aussi pour manger, ça fait grill et rôtisserie ! On a renforcé les matelas avec du tissu en bambou, ça régule la température, par exemple s'il fait froid, ça peut nous faire gagner trois degrés. On a des couettes en plumes et des bouillottes. Si on mettait le chauffage, on resterait à l'intérieur tout le temps !"

Quel budget pour vivre sur la route ? Petits boulots et bons plans

Bien entendu, la vie sur la route n'est pas gratuite. Nathan et Jennifer doivent donc ponctuellement s'arrêter pour travailler. "On prend ce qu'il y a de dispo, pour quelques mois, c'est pas le job de ta vie, hein. On s'imprègne des endroits, on prend le temps de rencontrer les locaux, et avec le bouche-à-oreille on se fait embaucher." Certes, Nathan a été directeur de supermarché sur la route en remplacement, mais la plupart du temps, le couple fait des petits boulots : faire des ménages dans les campings, servir au bar ou au restaurant, faire des glaces à la foire, ramasser des olives, construire des clôtures à la ferme...

Et puis quelques expériences amusantes : "Sur Kangaroo Island, on a travaillé dans une distillerie de gin et on faisait les dégustations, on était super bien payés, on nous offrait même des bouteilles !" Au final, la famille vit avec 350 dollars par semaine, soit environ 220 euros. Une somme qui se réduit avec l'expérience, car la famille sait désormais comment trouver des places à prix réduit en devenant "hôtes de camping", par exemple, ou en pratiquant le "house sitting" (garder une maison) en échange d'un stationnement.

"Là, on part dans le Ningaloo Reef [un récif de corail à l'ouest de l'Australie, ndlr], nous raconte Jenny, on sera camp host pendant 4 mois : Il faut qu'on s'assure que les gens respectent bien les règles du camping et qu'ils possèdent des toilettes portatives. On va économiser des centaines de dollars de loyer." Alors certes, il faut bosser un peu, mais pas de regrets pour le couple : "C'est plus que positif comme expérience, Nathan a eu une dépression avec son ancien travail et ça lui a permis de s'en débarrasser. On est plus heureux que jamais, on a un jardin tout le temps différent. Pendant que je te parle, j'ai l'océan devant moi, ça n'a pas de prix."