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PAS SI PEUCHÈRE - Hollandaise installée dans la région d'Aix-Marseille depuis longtemps, cette décoratrice a modernisé une ancienne bastide.

On a coutume de penser qu'il y a deux façons de rénover une ancienne maison : celle qui respecte l'histoire et le patrimoine du lieu en le rénovant quasiment à l'identique, en tout cas dans le même esprit, et celle qui transforme l'habitation pour qu'elle corresponde aux nouveaux canons de l'époque, avec ce que ça comporte de risque, voire de trahison diraient certains.

Et puis, il y a Nannette, qui a tracé une troisième voie. Un chemin entre ces deux options, qui ne veut pas dénaturer la maison, mais qui espère la moderniser pour qu'elle puisse répondre aux aspirations contemporaines : de la lumière, d'abord, et puis la possibilité de moduler l'espace régulièrement. Finie l'époque où l'on restait dans un même décor toute sa vie, aujourd'hui est venu le temps du changement, de la réinvention de soi-même.

Blogueuse déco installée en France depuis 25 ans, d'abord à Lyon puis en Provence, Nannette a trouvé cette ancienne bastide quand il a fallu déménager dans le Sud pour la profession de son mari. Au premier abord, cette Hollandaise n'a pas eu le coup de coeur pour la maison, car la déco ne lui plaisait pas, et il n'y avait pas de piscine, un détail qui fait souvent la différence dans cette région ensoleillée. "La maison était habitée par un couple avec des enfants du même âge, se souvient Nannette, mais le style était très différent, c'était sombre, et le jardin n'était pas entretenu."

Nannette sur sa terrasse aménagée façon DIY. © Emmanuel Chirache

Après une dizaine d'autres visites, Nannette est retournée dans cette bastide, et elle a fini par reconnaître qu'elle répondait aux critères principaux, à savoir de la place pour accueillir sa famille néerlandaise, des extérieurs... et une vue splendide sur le Garlaban, les fameuses collines de Marcel Pagnol !

Une piscine côté nord, mais avec une vue imprenable

Si la bastide a été construite sur les hauteurs d'Aubagne en 1826, date à laquelle elle servait probablement de maison de vacances pour des Marseillais fortunés, elle a connu une première rénovation dans les années 70 par l'ancien propriétaire. Celui-ci a agrandi la maison côté nord et ajouté un étage. "Mais c'était resté dans son jus depuis cette époque", raconte Nannette, qui s'est empressée de changer la déco, mais surtout de refaire le jardin et la cuisine, puis de construire une piscine.

C'est un maçon qui a donné l'idée aux propriétaires de placer la piscine côté nord, dans le prolongement de la terrasse face au Garlaban, une situation magnifique mais peu commune quand on veut du soleil toute l'année. Au final, pas de regrets pour Nannette, qui adore cet aménagement et qui dit en profiter largement. Il faut dire que le résultat est très beau et qu'on remarque tout de suite cette belle amphore fontaine, achetée à la manufacture Ravel, fabricant de poterie et de céramique artisanale depuis 1837.

Côté cuisine, "il n'y avait pas de rangements à l'origine, détaille Nannette, donc on a créé un îlot et beaucoup de rangements ! Après on a caché les carrelages, il y en avait trois différents qu'on a remplacé par du béton ciré pour unformiser. Malgré tout, j'aime ce style un peu bancal, avec cet évier en pierre de Cassis que je trouve génial et qu'on a conservé." Solution plus économique, le béton ciré reste un matériau fragile, qu'il faut rénover régulièrement. Le détail qui tue dans la cuisine : le trou sur le plan de travail, qui abrite la poubelle !

La cuisine avant : beaucoup de carrelages et peu de rangements. © Emmanuel Chirache
La cuisine après : du béton ciré pour uniformiser. Mais Nannette a conservé le bel évier en pierre... et la poubelle dans le trou ! © Emmanuel Chirache
Contrairement à l'autre plan de travail, très haut, les plaques sont plus basses, mais ça ne gêne pas notre Hollandaise. © Emmanuel Chirache

Au revoir le carrelage provençal, bonjour le béton ciré

Mais venons-en au fait : Il y a deux ans, c'est-à-dire juste avant et pendant le Covid, Nannette a voulu prendre à bras-le-corps la rénovation de l'intérieur de la maison. "Nous avons fait des gros travaux pour avoir plus de lumière et défaire cette déco très provençale, retirer ces malons [des carreaux d'argile qu'on trouve couramment en Provence] très rouge foncé, mais aussi cette immense cheminée qui a été construite dans les années 70 et qui ne chauffait rien. Si elle avait daté du XIXe siècle, peut-être que j'aurais hésité à la garder."

A la place, la famille a installé un chauffage au sol, un poêle à bois avec une assise et un revêtement en béton ciré, une volonté réfléchie de la part de Nannette : "Je voulais quelque chose de moins coloré, de plus sobre, qui permette de jouer sur les accessoires. J'aime bien changer la déco, donc c'est mieux d'avoir une base très neutre. L'idée de l'assise à côté du poêle, j'avais vu plusieurs idées, j'ai fait le dessin et le maçon l'a réalisé tout de suite, c'était un peu magique !"

Bien entendu, Nannette sait que certains choix font hurler les puristes, comme le fait de détruire ce carrelage de Salernes plutôt joli, alors qu'elle a conservé le crépi rose des murs extérieurs de la maison, typiquement provençal mais pas forcément très esthétique. Malgré ces débats, force est de reconnaître que la pièce à vivre gagne en luminosité et en espace avec cet agrandissement, de quoi accueillir une grande quantité de proches à la maison !

Avant / Après : la cheminée des années 70 devient un beau poêle et son coin lecture. © Interior Crisp / Emmanuel Chirache
En cassant un mur, la famille s'est donné de l'air et une grande pièce à vivre. © Interior Crisp / Emmanuel Chirache
Avant : la salle à manger avec une petite table et des murs nus, pas de coin bureau. © Interior Crisp
Avant : la déco du salon. © Interior Crisp
La déco de Nannette a évolué, avec cette grande photo au mur, cette immense table et ce coin bureau. © Emmanuel Chirache
Petit clin d'oeil aux origines hollandaises de notre décoratrice : cette "jeune fille à la perle" en version pixellisée. © Emmanuel Chirache

Une baie vitrée qui tranche sur le reste... et une pièce secrète !

L'autre grand changement du salon, c'est la destruction de l'ancienne entrée et de l'ancienne véranda pour transformer cet espace en extension du salon, éclairée par une grande baie vitrée. Les faux plafonds ont été supprimés, et un nouveau toit en pente a vu le jour pour rejoindre l'ancien, jusqu'à 4 m de hauteur !

Il a fallu également détruire des murs, dont un porteur, pour en créer un nouveau, porteur également, qui sépare la nouvelle entrée du petit salon. Pour raccourcir la longueur du mur, les ouvriers ont installé une poutre IPN et un poteau en acier qui la soutient, que la famille a souhaité laisser en l'état, comme un joli souvenir des travaux.

Hormis la déco, la famille de Nannette n'a pas hésité à mettre la main à la pâte. "On n'est pas des grands bricoleurs, mais quand ils ont coulé la dalle du chauffage au sol, c'était dix jours avant le confinement ! se rappelle Nannette. Du coup, les enfants sont rentrés, on a vécu à l'étage et on a fait la peinture nous-mêmes en famille ! Il a fallu tout repeindre avec une hauteur sous plafond de 6 m quand même, heureusement que le maçon nous a laissé un échafaudage."

Résultat, la famille dispose aujourd'hui d'un 200 m2 avec 4 chambres et une vraie "chambre secrète" à laquelle on accède via une mini-porte située dans l'une des chambres de l'étage. Un petit côté Harry Potter qui n'a pas déplu aux enfants, puisqu'ils en avaient fait leur salle de jeu pendant longtemps. Il est à noter que ce chantier n'a pas nécessité d'architectes, grâce à la bonne intelligence des maçons - Nannette ne tarit pas d'éloges sur eux. Globalement, ces travaux ont coûté 10% du prix de la maison, qui restera confidentiel. Il n'y a pas que les maisons qui ont leurs petits secrets...

Retrouvez Nannette, ses inspirations déco, ses bonnes idées, ses photos, ses visites de boutiques et bien plus encore sur son blog Interior Crisp !

La grande baie vitrée inonde de soleil le petit salon tout neuf ! © Emmanuel Chirache
Le coin bureau de Nannette, à la fois décoratif et méditatif. © Emmanuel Chirache