Matthieu M. - Publié le 10 juin 2018
ÉCOLOGIE - Alors qu'ils n'avaient aucune connaissance en construction écologique, Patrick et Brigitte ont quitté Paris pour construire l'une des premières maisons autonomes de France, en 1976.
Depuis quelques années, de plus en plus d'individus, sensibles à la cause écologique, expérimentent des modes vie alternatifs afin d'avoir l'impact le plus faible sur la planète, à l'instar de la communauté Éotopia que nous avions rencontré.
Cette réflexion a des conséquences sur la façon de mener sa vie mais surtout sur la manière de concevoir nos maisons, et leur impact sur l'environnement. Cette question, Patrick Baronnet n'a pas attendu les années 2000 pour se la poser puisqu'il a construit avec sa femme Brigitte une des toutes premières maisons autonomes de France.
Un laboratoire de la sobriété heureuse
Plus qu'un lieu de vie, la maison de Patrick, sa femme Brigitte et leurs 4 enfants, est “un laboratoire d'étude pour voir comment une famille peut vivre sans imposer une lourde empreinte écologique à la planète”, nous explique-t-il par téléphone.
Ce projet, auquel le couple a consacré sa vie, porte ses fruits : “Cela fait 35 ans que nous ne payons plus de facture d'eau et 20 ans que nous ne payons plus l'électricité”, nous précise Patrick Baronnet. Pour atteindre cette autonomie énergétique, le couple a dû s'équiper et adopter un mode de vie plus sobre, “une sobriété heureuse”.
La maison, installée à Moisdon-la-rivière en Loire-Atlantique, n'est pas reliée aux réseaux d'eau et d'électricité. Elle est équipée d'un récupérateur d'eau de pluie (celle-ci est filtrée pour pouvoir être bue), d'une éolienne, de panneaux photovoltaïques, d'un chauffe-eau solaire et d'une serre. Plus complet, c'est difficile !
Construire une maison autonome sans aucun modèle
Pourtant, en 1976, il n'y avait pas encore vraiment de guide pratique ni de recul sur la construction écologique. “À l'époque, l'écologie était considérée comme une entreprise inutile et sans avenir”, se souvient-il. “On ne pouvait se reposer sur aucune source pour construire la maison.”
Alors qu'aujourd'hui, il est possible d'acheter une maison 100% autonome en énergie clé en mains, comme nous vous le racontions ici.
Pendant 10 ans, le couple, avec quelques amis, fabrique tous les éléments qui lui permettront d'atteindre le degré d'autonomie dont il bénéficie aujourd'hui. Il faut également agrandir la maison dans le but d'y faire rentrer leurs 4 enfants. Patrick et Brigitte ne sont “ni architectes, ni ingénieurs”, mais l'envie de vivre autrement est plus forte que les difficultés techniques.
D'ailleurs, Patrick nous explique que les motivations ne doivent pas être simplement économiques, pour lui l'autonomie est une philosophie de vie. “Je suis lassé de voir les gens réduire la maison autonome à un système technique”. Et d'ajouter : “C'est avant tout une attitude de cohérence avec nos convictions, c'est proposer un autre mode de vie.”
En mai 68, Patrick vit à Paris mais ne se reconnaît pas dans ces “milliers de personnes qui défilent avec des slogans sous des bannières.” Pour lui les mots ne suffisent pas, il lui faut mettre en application ses convictions écologiques. Aux débuts des années 70, sa femme et lui quittent la ville pour s'installer à la campagne, où Patrick devient enseignant dans un collège.
Pour expliciter sa philosophie de vie, ce proche de Pierre Rabhi, l'écrivain penseur chantre de l'écologie, utilise une citation de Gandhi : “Je suis le changement que je souhaite voir pour le monde.” C'est pourquoi le concept de sobriété heureuse est au cœur de son quotidien : “L'objectif est de vivre de peu pour vivre heureux.”
Mettre ses convictions en accord avec son mode de vie
Pour mettre ce concept en pratique, le couple choisit de ne vivre qu'avec “un demi-salaire” pendant 17 ans. “Nous voulions montrer que l'autonomie coûteuse n'a pas de sens. Si vous avez 100 m2 de panneaux photovoltaïques et trois éoliennes, c'est du gaspillage”, s'exclame-t-il.
Cela se traduit donc par une “consommation d'eau 8 fois inférieure à la moyenne des Français” et à une consommation électrique minime. Une sobriété du quotidien qui a parfaitement été intégrée par leurs 4 enfants : “Si on les habitue à ne pas gaspiller, les choses se font naturellement”, assure-t-il.
Ne lui parlez surtout pas de privation ! “Bien sûr, deux ou trois fois par an, il n'y a pas de soleil ou de vent et l'on doit attendre deux jours pour faire une machine”, raconte-t-il. Mais Patrick n'a pas envie que l'on retienne que cela. “On ne se prive de rien”, précise-t-il.
Un éco-hameau pour finaliser le projet
Le couple ne s'est pas arrêté à la construction de sa propre habitation puisque, depuis 6 ans, il partage son terrain avec d'autres maisons similaires, donnant ainsi naissance au premier éco-hameau du pays autonome en eau et en électricité.
Aujourd'hui ce sont “sept adultes et deux enfants en bas âge” qui cohabitent sur l'éco-hameau du Ruisseau. La condition pour y vivre ? “Être ouvert, avoir le sens de l'autre”, explique-t-il. Et animer les nombreux séminaires qu'ils proposent.
La prochaine étape ? “Aller de plus en plus vers l'autonomie alimentaire” grâce à leur potager en permaculture notamment.