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MA PETITE MAISON - Créée en 2014, cette entreprise accompagne ses clients dans leur projet de tiny house ou de micro-maison en bois. Face aux difficultés, elle milite pour une simplification des démarches.

A l'insoutenable légèreté de l'habitat réversible s'oppose paradoxalement la lourdeur des complications administratives. Guillaume Gabrièle et Arnaud Dugelet en savent quelque chose. Respectivement responsable de la communication et co-fondateur de l'entreprise Ma Petite Maison, ils essayent de faciliter l'accès au micro-habitat mais se heurtent tous les jours aux difficultés que leurs porteurs de projets rencontrent.

Ces difficultés, tous ceux qui ont pensé à vivre en tiny house les connaissent, c'est même ce qui a poussé notre collègue Lisa de 18h39 à renoncer à son projet en Allemagne. Chez Ma Petite Maison, les projets qui aboutissent à une véritable installation sont très rares et c'est normal : entre les curieux qui se rabattent finalement sur une maison traditionnelle en béton et ceux qui abandonnent faute de terrain, de financement ou d'accord légal avec la mairie, rares sont les chanceux à pouvoir poser leurs valises dans la mini-maison de leurs rêves.

Une tiny house conçue par Ma Petite Maison
L'équipe au complet (Arnaud à l'extrémité gauche et Guillaume, troisième en partant de la gauche)

Les constructeurs de tiny houses se multiplient en France

Pourtant, l'habitat réversible s'est désormais fait une place durable dans l'imaginaire de la population. A 18h39, nous découvrons sans cesse de nouveaux projets qui rencontrent un écho très favorable et les constructeurs se multiplient, depuis Les Guedins en Normandie aux Abris nomades près d'Angoulême, en passant par Baluchon en Loire-Atlantique. La possibilité de se déplacer, de vivre de façon plus sobre, et davantage en harmonie avec la nature ont donc fait de ce type d'habitat un véritable horizon de vie.

Cela signifierait-il que le marché de la tiny house en France est arrivé à maturité ? "Les projets sont plus aboutis, plus qualifiés aujourd'hui, confirment Arnaud et Guillaume de Ma Petite Maison. Les gens appréhendent mieux ce type d'habitat, les personnes qui viennent nous voir sont plus conscientes de ce que ça nécessite comme engagement. Mais dire qu'il y a un engouement, c'est trop fort." Aïe, ça coince encore un peu. "La vraie chose à dire, c'est que les freins restent nombreux", résument nos deux spécialistes.

Raison de plus pour faire le point avec eux autour du rôle de facilitateur joué par Ma Petite Maison et sur la construction de tiny houses en France de manière générale. Et l'occasion de discuter avec Guillaume de sa nouvelle vie, puisqu'il vient lui-même de faire construire sa propre tiny dans une ferme !

Un crédit à la consommation de 50 000 euros maximum

18h39 : Quel est le rôle de Ma Petite Maison pour les gens qui veulent se lancer dans un projet de tiny house ?

Arnaud : Notre vocation, c'est de permettre à des projets de micro-habitats d'aboutir, sans parti pris, et que ça ne coûte pas plus cher au client, car le fabricant va payer l'accompagnement que nous assurons au quotidien. On traite la relation commerciale du début à la fin, ce qui décharge le constructeur. Pour lui, c'est beaucoup de temps de gagné, car les projets qui n'aboutissent pas, c'est hyper chronophage.

Une fois qu'un client entre en contact avec nous, on va prendre note de son rêve et on construit ensemble le cahier des charges. Ensuite on va essayer de concrétiser son rêve en travaillant avec différents partenaires et en assurant le suivi à chaque étape : la recherche du terrain (la partie la plus compliquée), la conformité avec les lois et les plans d'urbanisme, le permis de construire, etc. Enfin, on gère aussi l'aide au financement en trouvant des solutions viables.

Pour une tiny, on ne peut pas faire un prêt immobilier, sauf cas exceptionnel ! Du coup, il faut se rabattre sur un crédit à la consommation, limité à 50 000 euros sur 7 ans maximum avec des mensualités importantes et des taux un peu supérieurs, même si ça reste intéressant. Pour les assurances, c'est devenu heureusement plus simple aujourd'hui.

Une tiny et sa terrasse en bois, avec panneaux solaires sur le toit.
Exemple d'aménagement d'une cuisine à l'intérieur.

Quels sont les freins principaux que vous rencontrez dans votre travail ?

Arnaud : D'abord les terrains : ils deviennent de plus en plus durs à trouver, surtout quand vous souhaitez installer une tiny dessus. Notre philosophie, c'est de faire les choses dans les règles. On démocratisera l'habitat léger uniquement si on reste dans les cases de la législation, c'est pour ça qu'on ne force pas un projet. 

Ensuite, il y a les soucis liés au Plan Local d'Urbanisme (PLU), la règlementation contient souvent une zone de flou, qui laisse libre cours aux interprétations, et c'est la mairie ou la communauté de communes qui a le dernier mot. C'est beaucoup de négociation, avec une grande part d'arbitraire, dont le processus est difficile à expliquer à un porteur de projet.

Guillaume : On constate une augmentation de la curiosité et de l'exploration de cette alternative, mais parfois les gens repartent en construction classique en béton, justement parce qu'il y a moins de freins, c'est un confort psychologique, "j'ai déjà vu, je sais à quoi ça ressemble". Personnellement, en échangeant mon appartement à Lyon contre une tiny, j'ai perdu des mètres carrés, donc j'ai dû réfléchir à trier mes affaires. Aujourd'hui on vit à la ferme, j'utilise des communs, comme une machine à laver. Je me sépare de certains biens, mais je trouve une alternative. 

Isolation, minimalisme, autonomie et hausse du prix du bois

Aujourd'hui, d'un point de vue écologique, construire une maison individuelle est mal vu car ça contribue beaucoup aux émissions de CO2. Est-ce que la tiny house peut offrir une alternative plus écolo ?
Arnaud : Oui, même si ça dépend de certains facteurs. En tout cas, c'est construit en bois, un matériau renouvelable, et surtout de petite dimension, donc ça implique une forme de minimalisme, de sobriété. Après, tout est possible, on peut avoir une tiny en ossature métallique avec du lambris plastique, de la clim' et pas d'isolant : elle ne sera pas écolo du tout !

On n'a pas de dogme chez Ma Petite Maison. Pour l'instant, on ne fait que de l'ossature bois pour nos micro-habitats, sauf pour les dômes, on utilise un peu de métal. Et on propose de l'isolant le plus naturel possible, la laine de bois, le chanvre, le lin... A l'usage, l'habitant rend son logement écolo ou non, par exemple surchauffer une tiny à 25 degrés, ça n'a aucun intérêt.

Guillaume : En termes d'isolation, c'est vrai qu'on pourrait croire que ce n'est pas optimal : contrairement à un appartement, vous avez tous les murs qui sont en contact avec le froid extérieur, un peu comme pour les pavillons ! En réalité, dans la tiny, les murs ne sont pas froids, vous avez une sensation de chaleur avec une température moindre. 17° à l'intérieur, ça suffit, alors qu'en appartement ou en maison, ça semblera froid. Et puis on s'habitue à être en extérieur, donc à des températures plus faibles. La nuit, je mets le chauffage à 12°, puis le jour je chauffe 2h le matin et 2h le soir.

Ma Petite Maison construit aussi des dômes géodésiques.

Vivre en tiny house implique souvent un changement de mode de vie. Est-ce que vous avez beaucoup de clients qui souhaitent devenir autonomes en énergie et en eau, par exemple ?

Arnaud : Oui, pas mal de clients franchissent le pas et entrent dans un minimalisme de consommation. On ne veut pas casser les rêves des clients, mais on les met en garde, car récupérer l'eau de pluie et la boire c'est très réglementé. Pour ce qui est de l'autonomie électrique, on se rend compte que même avec des panneaux solaires et des batteries, c'est compliqué en hiver, il faut toujours prévoir une source de secours, un générateur, des voisins, EDF pas trop loin...

Ce qui est certain, c'est que ce type d'autonomie, ce serait plus compliqué dans une construction traditionnelle. Rien que l'équipement électrique, on ne peut pas en faire entrer des wagons dans une tiny, ça réduit la consommation ! L'autonomie en eau, c'est pas le plus compliqué, il faut des cuves de récupération, changer des filtres régulièrement, ça va. Il faut juste faire des concessions, soit sur le confort, soit sur la mobilité, car les deux ensemble c'est très dur.

Guillaume : L'autonomie peut être plus facilement atteinte à plusieurs, parce qu'on mutualise les coûts, on dispose de terrains plus grands pour faire du maraîchage, etc. Mais ça implique des mises en commun. L'autonomie tout seul, façon survivaliste américain, c'est encore plus dur. 

Une tiny déplaçable avec une mezzanine.

Autre problème qu'on n'a pas encore évoqué : la hausse du prix des matières premières, notamment le bois. Est-ce que ça réduit l'intérêt économique des tiny houses ?

Arnaud : Déjà, je ne sais pas si on reviendra un jour au niveau d'avant cette flambée ! L'avantage financier évident d'une tiny, c'est que la valeur faciale de l'habitat est plus faible, puisque c'est petit. Il faut compter au moins 45 000 euros pour une tiny neuve, bien isolée, tout équipée. Si on veut se lancer dans l'autonomie complète, il faut ajouter 15 000 euros environ. Ensuite, les petits aménagements de confort, ça fait vite monter la facture.

L'habitat alternatif n'a pas beaucoup d'alternatives, justement, pour se construire, alors que dans le classique, on peut toujours trouver moins cher. Ici, on veut quelque chose d'autre, plus éco-responsable, avec des matériaux alternatifs, donc dépendants de la flambée des prix et des pénuries. Il faudrait davantage d'innovation et qu'on soit transparents dans nos choix de matériaux, quitte à utiliser du métal si c'est justifié en termes de durabilité. On est allé voir des constructeurs moins chers, mais on tombe vite dans le cheap, dans la passoire énergétique. 

"vous êtes tombés au paradis !" 

Une voisine à guillaume quand il installe sa tiny house

Guillaume, vous venez de vous installer en tiny house, un petit mot de votre expérience pour l'instant ?

Guillaume : On a trouvé une ferme qui a bien voulu qu'on s'installe sur leur terrain, proche de Bourget-du-Lac, à 20 minutes en vélo d'Aix-les-Bains, en Savoie. Quand on est arrivés, c'est l'agriculteur qui a fini d'installer la tiny avec son tracteur, car on ne pouvait pas accéder sur cette partie du terrain en voiture. C'est une ferme avec des gens très ouverts, on partage beaucoup de choses. On a une voisine, elle aussi en tiny dans le même endroit, qui nous a accueillis en disant "vous êtes tombés au paradis !" 

Comme je l'ai dit, on chauffe à l'électrique mais on consomme peu, on mettra petit à petit des panneaux solaires. On peut tester plein de choses au fur et à mesure ! On a vécu à Lyon et à Chambéry, en centre-ville, mais on y reviendrait pas. La qualité de vie n'a rien à voir. Ce matin, pendant que je partais au travail, ma femme a eu le temps d'aller cueillir des légumes pour les mettre au magasin commun, et ce soir c'est moi qui irai en récupérer d'autres en revenant du boulot.