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EXPÉRIENCE - Clément et Pierre-Alain ont testé un logement low-tech, tout l'inverse de la “maison du futur” bardée d'objets connectés. Loin du “retour à la bougie” souvent redouté, ils ont découvert un nouveau confort de vie. 

Ça pourrait être le début d'un film d'horreur. Une petite maison en plein champ, perdue dans la campagne, coupée du réseau électrique, sans eau courante. De quoi faire peur à beaucoup de gens, effrayés de se retrouver ainsi privé des bienfaits de la modernité.

Et pourtant, c'est le cadre qu'ont choisi Pierre-Alain Lévêque et Clément Chabot, de l'association du Low-Tech Lab, pour nous faire réfléchir à notre conception du confort. Ils y ont testé tout un arsenal de ce qu'on appelle en français les “basses technologies” : des toilettes sèches, un système de compostage appelé bokashi, un capteur à air chaud en guise de radiateur… En tout, 12 équipements durables, simples et peu chers à fabriquer.

Verdict au bout d'un an d'expérimentation près de Concarneau en Bretagne : “Oui, les low-tech ont un sens, elles répondent à cette promesse qu'une vie à moindre coût et dans un plus grand respect du monde est possible.”

Pierre-Alain et Clément pendant la construction. © Low-Tech Lab

D'après leur expérience, ces low-tech sont bien pertinentes en France, et pas seulement dans les pays en voie de développement où la population doit faire avec les moyens du bord. Mais attention, il ne s'agit pas de sacrifier notre bien-être. Au contraire.

Retrouver la valeur des ressources naturelles

La low-tech questionne l'utilité des innovations high tech, notamment des objets connectés censés nous faciliter la vie à la maison. Par exemple, les volets que l'on peut ouvrir grâce à son téléphone portable. Ou encore, l'enceinte connectée à qui l'on va demander d'allumer la lumière. En dehors des personnes âgées ou à mobilité réduite, ces objets dont la production nécessite de nombreuses matières premières non-renouvelables sont-ils vraiment nécessaires ?

Pas pour Clément Chabot : “Ma vision de la high tech, c'est créer des interfaces qui nous déconnectent de l'environnement. La promesse, c'est d'avoir plus de temps et de mieux vivre. Au final, dans la réalité, c'est plus de temps devant Netflix. Ce n'est pas la clé d'une vie épanouie.” 

intérieur de la tiny house low-tech
© Low-Tech Lab

À l'inverse, les low-tech permettraient de se reconnecter avec les limites de notre environnement, de “retrouver un rapport à la terre et à la météo”

Pour l'illustrer, jetons un œil au circuit de l'eau dans cette maison particulière :

  •  La pluie est récupérée, via les gouttières, dans une cuve. Elle passe dans différents filtres avant d'alimenter l'évier et la douche. Cette eau peut donc être consommée et utilisée pour se laver. 
  • Lorsque l'on prend une douche, l'eau est chauffée grâce à des panneaux solaires thermiques. Elle passe dans de simples tuyaux noirs chauffés par le soleil. 
  • Il est possible de recycler l'eau de la douche pour en utiliser le moins possible. Elle tourne alors en boucle, en passant là encore par des filtres. 
  • Les eaux grises (eau savonneuse et eau de vaisselle) sont ensuite rejetées dans un bac de phytoépuration. Là, ce sont des plantes qui la nettoient pour qu'elle ne pollue pas l'environnement. 
phytoépuration low tech
Le bac de phytoépuration. © Low-Tech Lab

En plein été, malgré le recyclage de l'eau de la douche, il y a forcément un moment où la cuve sera vide. Mais la recherche d'autonomie, ce n'est pas se débarrasser de toute contrainte. “Le mot est trompeur : l'autonomie invite à créer ses dépendances, écrit Pierre-Alain dans leur rapport. Nous avons choisi la pluie pour l'eau, le soleil et le bois pour l'énergie, les lombrics pour nos déchets organiques et les producteurs locaux pour la panse. Mon sentiment de satisfaction et de sécurité vient de ces choix.” 

Ce sentiment de plénitude, les deux ingénieurs ne l'avaient pas forcément anticipé. Pour analyser l'impact et la pertinence de chaque innovation testée, ils ont multiplié les calculs. Mesuré l'impact carbone de chaque objet sur toute leur durée de vie. Comparé avec les installation classiques. Détaillé le retour sur investissement. Mais les chiffres ne disent pas tout. 

“J'ai trouvé un apaisement en renouant avec mon environnement direct”, témoigne Clément dans ce rapport. Par téléphone, il ajoute : “C'est assez fou. Ce que les gens vont ressentir avec un voyage en bateau ou dans la nature, en fait, c'est possible de l'avoir dans une maison avec niveau de confort élevé.” Un confort plus spirituel que matériel finalement. 

Un confort accessible au plus grand nombre

Ce confort pourrait être déployé dans de nombreux logements en France. Par exemple, le capteur à air chaud, ou mur Trombe, qui existe depuis les années 1950, serait une solution efficace à l'heure où 12 millions de personnes sont touchées par la précarité énergétique en France. 

Le principe est simple et peu coûteux à mettre en œuvre. L'air extérieur circule sur des ardoises chauffées par le soleil, avant d'être injecté dans la maison, ce qui permet de réduire la consommation d'énergie de chauffage de 25 % selon les calculs du Low-Tech Lab

Pas forcément besoin de vivre à la campagne, ni même dans une maison. Le garde-manger, qui remplace le réfrigérateur pour conserver les aliments, ou encore la marmite norvégienne, qui permet de finir de cuire les aliments en dehors du four ou des plaques de cuisson, s'adaptent à la vie en appartement. 

Pour convaincre de nouveaux pionniers, un tour de France est prévu à partir de septembre 2020. Cette maison low-tech a été construire sur une remorque, elle pourra donc prendre la route et s'arrêter dans toutes les grandes villes. Le programme sera dévoilé sur la page Facebook de l'association.

En attendant, vous pouvez visiter cette maison en vidéo : 

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