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DÉPHASAGE EN TROMBE - Pour réchauffer une maison, la technique du mur en trombe utilise le rayonnement solaire.

Les innovations low tech combinent techniques traditionnelles de construction et architecture moderne. Parmi elles, le "mur Trombe" ou "Trombe Michel", mérite d'être redécouvert. Nommé d'après ses deux créateurs, le chimiste Félix Trombe et l'architecte Jacques Michel qui l'ont mis au point en 1962, ce mur orienté plein sud permettrait d'économiser entre 15 et 25% des besoins énergétiques d'un bâtiment.

Pour y parvenir, il faut construire le mur à partir de matériaux à forte inertie thermique (pierre, parpaing, terre crue ou terre cuite...), puis le recouvrir d'une paroi en double ou triple vitrage, qui intensifie la chaleur du soleil à la faveur d'un effet de serre. Une fois stockée dans le "mur capteur" à la fin de la journée, la chaleur peut être restituée dans le logement, notamment par le biais de trappes en haut et en bas du mur, qui permettent de diriger les flux d'air chaud et d'air froid en fonction du moment de la journée ou de la saison.

A noter qu'il existe des variantes du mur Trombe, plus complexes et techniques, avec de la ventilation mécanique par exemple, ou encore un mur Trombe composite, intégrant un isolant sur la face intérieure du mur de façon à assurer un meilleur déphasage. En résumé, le mur Trombe est une technique de chauffage (ou de rafraîchissement en été) passif qui permet d'optimiser l'énergie thermique du soleil.

Le mur Trombe est souvent sombre, afin d'emmagasiner davantage la chaleur. © Wikipedia Commons

D'un point de vue technique, l'air chauffé par l'interface entre le mur et la vitre exposée monte, aspirant par effet de vide l'air froid intérieur, qui passe par les ouvertures en bas de mur et chauffe à son tour, renouvelant ainsi le stock d'air chaud dans la pièce. Pour optimiser encore le dispositif, certains ajoutent des volets qu'ils abaissent durant la nuit pour conserver la chaleur.

Malgré ses atouts low tech, le mur Trombe est tombé en désuétude après quelques premières tentatives dans les années 70, notamment l'immeuble des maisons solaires Trombe-Michel situé dans les Pyrénées-Orientales. Dans les années 2010, le boum des énergies renouvelables et de l'écoconstruction relance le concept, dont l'efficacité par rapport à une bonne isolation reste débattu par les experts.

D'après Laurent Zalewski, directeur de la faculté des sciences appliquées à l'Université d'Artois, "le mur Trombe monobloc classique est efficace. Il stocke l'énergie dès qu'il y a du soleil et ventile rapidement les calories dans le bâti. C'est un capteur/stockeur à air." Sa capacité à chauffer rapidement, surtout la journée, en fait un système idéal pour les lieux publics tels que les écoles, les médiathèques et les gymnases, alors qu'il semble moins adapté pour un logement, qui nécessite d'être chauffé la nuit.

Une façade entière en mur Trombe. © Wikipedia Commons

Surtout, pour une habitation, le mur Trombe comporte de multiples inconvénients :

  • Esthétique : Pas facile d'intégrer de façon harmonieuse ce mur sombre et sa paroi en verre dans une maison traditionnelle.
  • Technique : Sa fabrication nécessite un savoir-faire assez rare si l'on veut que le mur soit efficace. Une étude de faisabilité est aussi recommandée.
  • Economique : un mur Trombe coûte relativement cher, ce qui explique qu'il soit surtout employé dans de grands bâtiments publics ou privés. L'obligation d'utiliser un double ou triple vitrage coûteux, voire d'une VMC double flux, rend l'opération rhédibitoire pour beaucoup de portemonnaies.
  • Entretien : Nettoyer un mur Trombe n'est pas une mince affaire, surtout pour l'intérieur de la vitre, qu'il faut pouvoir démonter !
médiathèque Betton
Les murs Trombe sont mieux adapés aux bâtiments publics qui servent en journée, ici la médiathèque de Betton. © Wikimedia Commons

En revanche, certains architectes parviennent à réaliser de belles choses pour des bâtiments publics, comme Patrice Liard et Christine Tanguy, concepteurs de la médiathèque Théodore-Monod réalisée à Betton (Ille-et-Vilaine) en 2007. La charpente en bois de la façade sud du bâtiment est équipée d'un vitrage à lames d'argon protégeant une serre plantée devant un mur en bauge stabilisée - une technique de terre crue locale. Enfin, un auvent en bois lamellé collé parmet d'éviter la surchauffe en été. L'incroyable ingéniosité globale du projet permet d'économiser 25 % des besoins énergétiques de la médiathèque.

Malgré des inconvénients incontestables, les architectes et les ingénieurs continuent de chercher à améliorer le mur Trombe, qui n'a pas encore donné tout son potentiel.