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FAMILLE - Tâches ménagères, règles de sécurité, rythme de vie : de retour chez leurs parents, ils témoignent de cette colocation pas comme les autres.

Indépendants depuis plusieurs années, ils ne vivent plus chez leurs parents et ont leur propre logement. Mais le confinement les a réunis sous le même toit. Cohabitation volontaire ou subie, de jeunes adultes se retrouvent à vivre leur quarantaine chez papa et maman. 

Un retour en arrière, avec son lot d'avantages mais aussi d'inconvénients, et l'inquiétude parfois, de retrouver une routine et des règles auxquelles ils n'ont plus l'habitude de se soumettre. Comment vivent-ils cette colocation familiale qu'il est impossible de quitter quand la tension monte ?

Nous leur avons demandé, mais aussi à leurs parents, comment s'était passée cette première semaine et ce qu'ils avaient mis en place pour que tout se passe bien. 

Mélanie, 30 ans : “Je leur ai dit que je ne voulais pas rigoler avec le risque de contamination”

  • Mélanie a quitté son appartement parisien dans lequel elle vit avec son mari, pour rejoindre ses parents dans la Vallée de Chevreuse, en région parisienne. Elle est journaliste et télétravaille depuis chez eux.
  • Ses parents sont à la retraite et vivent dans une grande maison avec un hectare de terrain.

“Ce sont eux qui m'en parlaient depuis plusieurs jours. Moi, de mon côté, j'hésitais car je ne trouvais pas cela super responsable, on n'arrête pas de dire que ce sont les plus âgés qui sont les plus à risque. Je me sentais mal de leur imposer ma présence. Ils ont insisté en disant qu'on prendrait des précautions. 

Au début, j'étais vraiment super relou sur les règles à respecter, j'étais un peu excessive : se laver les mains tout le temps, tousser dans le coude, rester à deux mètres de distance minimum. Je voulais qu'on prenne nos repas en horaires décalés. Ils n'étaient pas très contents au début avec ma manière d'insister. Je leur ai expliqué les risques, surtout qu'une personne de mon équipe est malade. 

On prend les repas ensemble, la salle à manger est super grande, on est à des bouts de la table différents. Ça fait penser aux dessins animés avec les tables de 100 mètres de long, comme dans les châteaux, avec quelqu'un à chaque extrémité. Je leur ai dit que je ne voulais pas rigoler avec ça, je ne veux pas être responsable de quoi que ce soit.” 

Son père, Pierre, 67 ans : “Ce qui est pénible c'est qu'on ne peut pas se prendre dans les bras et se faire un gros câlin. Il va falloir faire avec, mettre du compromis dans le quotidien, mais c'est la vie de famille ! Le point un peu compliqué c'est que ma fille revendique un véganisme militant et sans compromis, voire un peu prosélyte. Me faire changer ça va être compliqué. On ne parle que du coronavirus et de la bouffe, c'est un peu chiant mais c'est comme ça !”

Martin, 24 ans : “C'est drôle et angoissant à la fois”

  • Martin a quitté son appartement parisien pour rejoindre ses deux parents qui vivent dans une maison dans les Yvelines.
  • Ses parents sont tous les deux à la retraite, Martin est entrepreneur, il travaille depuis chez eux. 

“Ma mère est douée d'une forte capacité de persuasion et elle m'a dit que ce n'était pas une très bonne idée que je reste plus d'un mois tout seul à Paris. Je voulais que mon frère et ma belle-soeur puissent venir car j'angoisse à l'idée de passer un certain temps avec mes parents, confiné, sans pouvoir sortir. 

Avec mes parents ça a été tendu la première semaine car ma mère est une control freak comme moi. Je déteste qu'on m'impose des règles et j'aime les imposer aux autres. C'est un peu électrique, mon père se retrouve au milieu. C'est drôle et angoissant à la fois. 

J'ai la chance de pouvoir vivre dans une grande maison, où il y a suffisamment de pièces pour ne pas être serrés. Je dors dans une chambre qui a été complètement déséquipée et qui est purement fonctionnelle avec un lit et un bureau. Elle est au dernier étage, je ne suis pas en contact avec mes parents, j'ai ma propre salle de bains. La journée, parfois je travaille avec mon père qui est expert comptable et le soir avec ma mère, on se fait des apéros au rhum.”

Sa mère, Marie-Julienne, 64 ans :  “Il suffirait de prendre une photo du bazar sur la table où travaille Martin ! Les verres sales, les pots de Nutella, l'Ice Tea pas terminé et un autre entamé alors qu'on a du mal à se réapprovisionner. Tout traîne ! Le sac de voyage qui n'est toujours pas rangé, la serviette de toilette, le peignoir de bain, tout y est ! Mais c'est vachement bien d'être à trois. Je pense beaucoup aux gens qui sont seuls et qui n'ont pas cette chance de pouvoir discuter, s'engueuler… la vie quoi !”

Claire, 28 ans : “Je connais bien le fonctionnement de mes parents”

  • Claire vit et travaille au Brésil. Elle attendait le renouvellement de son visa chez ses parents qui vivent dans la Drôme, quand le confinement a été imposé. 
  • Son père est à la retraite, sa mère télétravaille. Ils vivent dans une maison avec un jardin. 

“Mes parents ne sont pas à cheval sur les règles. Quand j'étais ado, il y avait des règles pour manger à heures fixes et partager les repas, aujourd'hui c'est pas vraiment le cas. Ils ont bien compris que j'étais une adulte, ils me laissent un espace de vie confortable. Ils ne vont pas taper à ma porte du bureau pour savoir si j'ai envie de manger avec eux. Mais il y a des règles implicites de savoir-vivre qu'on respecte tous : ne pas laisser de la vaisselle sale partout par exemple. Je connais bien le fonctionnement de mon père et ma mère, je sais qu'il y a certaines choses qui les défrisent, je vais donc faire mon possible pour ne pas laisser mes trucs un peu partout. 

Si la situation dure, on va peut-être réfléchir à une forme de partage des dépenses car ils font les courses, je ne paie pas de loyer. Je n'y avais même pas pensé au départ car je suis vraiment arrivée avec ma mentalité d'enfant qui vient vivre à la maison. Je ne me suis pas posée la question de qui fait les courses ? Qui fait le ménage ? Qui fait les lessives ?.”

Sa mère, Véronique, 58 ans : “Claire est expatriée depuis plusieurs années, donc ça nous fait toujours plaisir de passer des moments avec elle. Nous n'avons pas les mêmes horaires, en plus elle télétravaille. Au démarrage, c'était un peu compliqué car on l'entendait parler anglais toute la journée sur la table de la cuisine et on n'osait pas passer derrière elle ou se faire un thé. On était confiné dans une pièce. C'était un peu compliqué sans être difficile. 

Tout au long de notre vie, nous avons organisé la maison pour qu'elle puisse être un point de chute si jamais les enfants en avaient besoin. On lui a dit que si elle voulait se confiner ailleurs, il n'y avait aucun problème pour nous. Mais on a trouvé ça super sympa qu'elle vienne : les enfants nous apportent leur musique, leurs histoires. On trouve ça génial.”

Juliette, 23 ans : “Parfois, je ne comprends pas leur réaction”

  • Juliette a quitté son petit appartement dans le centre de Lille pour se rendre chez ses parents qui habitent un appartement de 150 m2 à Lyon.
  • Elle cohabite avec ses deux parents qui télétravaillent, et son frère qui les a rejoints. Étudiante, Juliette écrit son mémoire de fin d'études. 

“J'ai entendu dire que Macron allait mettre la France en confinement pendant 6 semaines. Comme j'habite dans un petit appartement seule à Lille, j'avais peur de la solitude et je voulais aller dans un espace plus grand. Je préférais vivre ce moment délicat en famille, et avec un certain confort. 

Certes, il y a des petites tensions par-ci par-là, on a même eu une réunion de crise avec notre père, qui avait du mal à vivre le confinement. Mais comme on est tous en télétravail, la journée on n'est pas les uns sur les autres. Le soir c'est vraiment le moment où on se retrouve, on échange. On a mis en place des petits rituels : vers 18h30 on fait du sport avec mon frère et ma mère en intérieur. À 19h30 on prend l'apéro et vers 20h30 on se met tous dans le salon, on dîne, c'est un moment convivial.

Parfois, il y a des petites remarques sur ma manière de faire les choses qui vont me donner le sentiment que je suis une adolescente. Ça va m'agacer car j'ai mes manières de faire. Mais heureusement, j'ai mon espace. Je suis assez bordélique, mais ils ne rentrent pas dans ma chambre. Parfois, je ne comprends pas leur réaction. Ce midi, ma mère a paniqué car il n'y aurait pas de salade pour le soir. Ce sont des choses qui m'importent peu, alors que pour eux c'est important.”

Son père, Thierry, 59 ans : “J'étais rassuré que nos enfants soient près de nous pendant cette période stressante. Mais j'ai la chance de pouvoir m'échapper de la maison de temps en temps pour mon travail. On a des différences dans nos styles de vie, il faut les accepter et faire un effort pour que nos différences soient compatibles avec cette vie en confinement. 

Dès le départ, je me suis préparé à ce que ça dure environ deux mois. Je n'appréhende pas cette durée car ça se passe bien. On a des caractères différents donc forcément il y a des tensions mais on a toujours eu des clashs entre nous. Je ne suis pas inquiet.”