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AUTOSUFFISANCE - Anton et Romane se rendaient d'un écolieu à l'autre, à bord de leur tiny house "Mobilab Songo". Aujourd'hui, ils veulent construire leur propre ferme pédagogique.

On peut découvrir de nouveaux horizons près de chez soi. Et on ne parle pas seulement des paysages. Après leurs études, Anton et Romane s'étaient lancés dans un voyage hors des sentiers battus, un tour de France des lieux de vie alternatifs.

Leur objectif : apprendre à vivre de la façon la plus autonome possible pour tous les besoins fondamentaux, se loger, se nourrir, s'habiller, se chauffer. Pour cela, ils avaient construit une mini-maison nomade baptisée Mobilab Songo, qu'ils nous faisaient visiter en vidéo :

Ils pouvaient ainsi séjourner longtemps auprès de différents collectifs, et amasser suffisamment de connaissances (documentées sur leur site) pour créer un jour leur propre écolieu, se projetaient-ils il y a deux ans. Sont-ils aujourd'hui toujours sur la route de l'autonomie ?

C'est depuis le sud de la France, en coupant des légumes pour le repas du soir, qu'ils font le point sur l'avancement de leur projet depuis notre dernier entretien. En fond sonore, le babillage d'Elliot, leurs fils de 14 mois.

Pause bébé avant de créer leur propre écolieu

"Quand on a appris que j'étais enceinte, on ne pouvait pas rester dans notre Mobilab. C'est un tout petit espace et les températures descendent quand on arrête de faire du feu, ce n'est pas l'idéal avec un nourrisson, raconte Romane au téléphone. On a préféré avoir un peu plus de confort pour accueillir Elliot."

Le couple s'est installé dans le Sud en appartement, près d'une maison de naissance. Ils y sont toujours, mais espèrent plus pour très longtemps. Ils cherchent activement un terrain pour fonder une ferme pédagogique avec une dizaine de personnes.

"Nous pensons qu'il faut des centaines de lieux collectifs qui s'ouvrent, pour les personnes âgées, pour les enfants, pour tout le monde. Pour y réapprendre à faire simplement les choses par nous-mêmes."

Anton

Une ferme low-tech, sans pétrole

La clé, c'est l'alimentation. Aussi veulent-ils monter une ferme pédagogique de la culture et de l'élevage, portée par leur association Auréso. Une ferme dans laquelle tout serait produit et transformé sans pétrole, uniquement avec des machines low-tech, ou basses technologies en français. Par exemple, le blé serait cultivé sans tracteur, avec la traction animale.

Pourquoi une ferme sans pétrole ? Pourquoi se passer des machines qui permettent un grand rendement ? "Si on continue de consommer des énergies fossiles au rythme actuel, on va tous mourir, on peut le dire aussi grossièrement que ça", répond Anton.

Il renvoie vers le dernier rapport du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de Météo-France, qui envisage une hausse de température mondiale de 7 °C en 2100. L'enjeu est double : limiter le réchauffement climatique en consommant moins de pétrole et imaginer une agriculture qui résiste au réchauffement.

"On a perdu beaucoup de techniques, on doit les retrouver et les mettre à jour avec nos connaissances sur les plantes, les animaux, les écosystèmes, estime Anton. Nourrir les gens sans pétrole, c'est possible techniquement mais personne n'a plus les outils, on n'a plus la main d'œuvre, il faut l'enseigner, il faut tout un maillage qui n'existe pas."

L'argent, condition de l'autonomie ?

Il y a deux ans, Romane et Anton nous dévoilaient leur budget et la façon dont ils avaient réduit leurs dépenses au maximum pour être autonomes.

Ils continuent de donner des conférences dans des écoles, sur participation libre (le public paye ce qu'il veut) et ont fait le choix de demander le RSA. Un choix mûrement réfléchi, qu'ils expliquent dans cet article de blog.

La question de l'argent reste centrale : comment concrétiser ce projet, comment rendre rentable une telle ferme ?

"La rentabilité que l'on va chercher c'est la rentabilité énergétique, combien de calories d'énergie on utilise pour obtenir combien de calories alimentaires. Aujourd'hui pour 1 calorie alimentaire, on brûle entre 8 et 10 calories de pétrole", explique Anton. D'autres activités sont envisagées pour financer la ferme, avec des événements culturels, de l'artisanat...

Et pour acheter le terrain ? Chaque membre du collectif participera à la hauteur de ses moyens, et la propriété sera transférée à un fonds de dotation, pour que le lieu résiste aux éventuels départs et évolutions du groupe.

Ils étudient plusieurs pistes, une mairie notamment qui veut leur mettre un terrain à disposition pour redynamiser la commune. "Peut-être que nous n'aurons pas à acheter de lieu, mais dans ce cas il pourrait y avoir beaucoup de rénovations à faire", ajoute Anton.

"Nous n'avons pas encore trouvé le terrain idéal, concède Romane. Nous avons des critères non-négociables, un certain nombre d'hectares, un terrain pas trop pollué, du bois et de l'eau sur place..."

En attendant, ils cultivent leur énergie et restent positifs. "J'ai été agréablement surprise, nous avons été très bien accueillis dans le Morvan par des acteurs comme la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural, qui valide les projets d'installation agricole, ndlr.), rapporte Romane. Ils sont très friands de voir un projet collectif avec des pratiques nouvelles ou anciennes, des pratiques écologiques pour redynamiser le territoire, ils sont tout à fait conscients des limites de notre système de production actuel."