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RETOUR A LA TERRE - Un peu baba cool, un peu utopiste, un peu DIY, un peu réaliste aussi, une petite communauté s'est formée pour redonner vie à un village.

C'est par un petit chemin de terre que l'on arrive à Zoroquiáin. D'immenses bâtisses vides, deux ruelles, quelques maisons en ruines, et une église, c'est à ça que se résume ce petit village situé à 19 km de Pampelune dans la vallée d'Unciti. Pourtant, certains weekends, le silence et le chant des cigales sont troublés par le bruit des perceuses et des scies. Car depuis deux ans, les travaux ont sérieusement commencé dans ce village abandonné depuis près de 25 ans.

Il y a 6 ans, un groupe de jeunes adultes originaires de la région a pris la décision de racheter les différentes ruines et parcelles de terrain. Leur objectif : réhabiliter ce village, lui donner une seconde vie, en restant le plus proche de la nature. Gema vit à Pampelune avec son copain et leurs trois enfants. Depuis longtemps, elle rêvait d'une occasion comme celle-ci : “On avait ce projet de quitter la ville et vivre dans un village, en construisant notre propre maison”, explique la jeune trentenaire.

Comme elle, ils sont désormais 22 adultes et 11 enfants à avoir sauté le pas. Ils se sont rassemblés dans l'association « Errekazar », du nom de la petite rivière qui longe le village. Ils seront bientôt tous voisins, dans le nouveau Zoroquiáin, mais pas avant quelques mois, car les travaux sont loin d'être finis. 

En tout, ils seront une trentaine à vivre à Zoroquiáin - Anthony Michel

L'église comme mairie et centre culturel

Si elles sont bien propriétaires des lieux, la plupart des familles sont dans l'attente d'autorisations officielles pour pouvoir amorcer les rénovations de leur future demeure. “On s'est mis en en relation avec des architectes pour discuter de notre projet, certains ont bien avancé, d'autres moins”, détaille Josu Bizkarret, à l'initiative de l'association. Conséquence: aucune maison n'a encore été construite, alors en attendant, ils s'occupent plutôt d'une maisonnette en bois, la maison des enfants. Iosu sourit. “Oui, on vient tous les week-end, et les enfants finissaient par s'ennuyer alors on leur a réservé un coin”

La cabane est le terrain de jeu des enfants - Anthony Michel

Enfin, après avoir eu l'autorisation nécessaire, ils ont pu démarrer la rénovation de l'église du village. Un bâtiment du XIIIe siècle, entièrement en pierre, composé d'une sacristie et d'une tour. L'édifice étant protégé, ils ont dû se soumettre à quelques contraintes, notamment celle de ne pas toucher à l'aspect extérieur. Pour autant, ils ne souhaitaient pas conserver le bâtiment comme lieu de culte. “On veut en faire le coeur de notre village, ça sera la salle qui fera office de mairie et de centre culturel, on espère pouvoir y organiser des expositions, des concerts…”, détaille Iosu.

Des matériaux recyclés ou naturels

L'église était bien abîmée à l'intérieur, alors après l'avoir vidée et nettoyée, ils ont pu entreprendre les travaux qu'ils avaient imaginés en utilisant uniquement des solutions écologiques. Au sol, un plancher de bois, et pour la toiture, un isolant naturel, la fibre de bois. Dans la tour, ce qui surprend, ce sont ces drôles de planches de palettes peintes. “Une entreprise du coin qui fabriquait des palettes allait fermer, alors ils nous ont proposé de les récupérer”, nous apprend-on.

De cette manière, ils ont pu recouvrir tout l'intérieur de la tour, et ce sont leurs enfants qui se sont chargés de tout repeindre en couleurs. Globalement, les membres d'Errekazar ont utilisé le plus de matière recyclée possible. “On a acheté quelques tuiles, mais sinon on a gardé celles d'origines notamment pour la sacristie”. La sacristie d'ailleurs transformée en cuisine, toute en bois, de même que les fenêtres qui sont passées au double vitrage, pour perdre le moins de chaleur. Sur le même principe, les habitants ont utilisé du plâtre et de la chaux, des isolants naturels, pour recouvrir l'intérieur de l'église. 

Pour réaliser la rambarde, d'anciennes palettes ont été recyclées - Anthony Michel

La rénovation de l'église leur a couté jusqu'à présent 15 000 euros de matériel, mais rien en main-d'oeuvre, car ils se sont chargés de tout. Si certains d'entre eux sont simplement débrouillards, d'autres exercent des métiers dans le bâtiment. Ainsi, ils comptent dans leurs rangs un maçon, un électricien et un charpentier, qui partagent leur connaissance avec le groupe pour faire avancer la rénovation. “C'est aussi ça qui est beau, c'est qu'on apprend tous les uns des autres”, reprend Gema. Iosu a quant à lui suivi un cours de trois mois en bio-construction. “J'ai appris la cimentation, la menuiserie, et puis comment utiliser la chaux, l'argile, l'adobe [brique en argile et en sable, ndlr].

A l'image d'Uxue, ceux qui n'ont pas d'expérience dans la construction réalisent tout de même des tâches simples - Anthony Michel

Une approche écolo mais aussi réaliste

Prochaine étape, les logements. Onze maisons à (re)faire sortir de terre. La première sera peut être celle de Julen et Gema, car leur plan d'architecte a été validé. Ils ont une idée bien claire des aménagements qu'ils veulent opérer dans leur futur logis. “On veut être autosuffisants en électricité”, explique Julen. Le couple va donc installer des panneaux solaires sur le toît de sa maison, tout comme Iosu qui espère pouvoir débuter les travaux de sa maison située à l'entrée du village dès 2020. Lui aussi a précisé aux architectes les matériaux qu'il a l'intention d'utiliser : “de la chaux, des tuiles recyclées et du bois”.

Malheureusement, concernant les aménagements du village en lui-même, ils doivent faire face à quelques obstacles. “Dans notre projet initial, on voulait faire les choix les plus logiques et naturels, soupire Iosu, et laisser les rues telles quelles”. Mais ils sont confrontés aux exigences de la mairie, désireuse de profiter de leur installation pour mettre en place tout un plan d'urbanisation qui implique la création de vraies routes, un raccordement au réseau d'eau et d'électricité classique déjà existant. Cela va même jusqu'à l'installation… de lampadaires. “On était un peu surpris, explique le Navarrais, mais on a accepté, car on veut que notre projet avance !”. D'autre part, ils ont dû renoncer à certaines améliorations écologiques, comme une toiture végétale ou n'utiliser que de l'énergie verte.

“C'est plus difficile et plus long que prévu, mais on est tous content”, insiste Iosu. Si les finitions dans l'église devraient être terminées avant l'été, tous espèrent pouvoir amorcer le début des travaux de leur maison le plus rapidement possible.