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SLOW LIFE - Pour voir du pays tout en prenant le temps de faire des rencontres, Rolf et Inge ont opté pour une maison nomade plus qu'ancienne. Leur roulotte a une centaine d'années, et le tracteur qui la tire date de 1949.

Pendant toute leur carrière de vidéastes, Rolf et Inge ont avalé les kilomètres et sillonné l'Allemagne. Rouler dans un sens pour filmer les coulisses de telle usine, puis faire demi-tour pour interviewer tel entrepreneur, c'était leur quotidien. La vie nomade, ils connaissent. Mais jusqu'ici, ils n'avaient pas le temps de s'arrêter ni d'admirer le paysage. 

Alors pour leur retraite, ils ont eu envie de se caler au rythme lent des chevaux. Quand bien même, dans leur cas, il ne s'agit pas de chevaux hennissants mais de ceux, vrombissants, cachés sous le capot d'un tracteur Hanomag de 1949. Ils ne dépassent pas les 25 km/h et laissent tout loisir à Rolf de rêvasser au volant. 

Derrière lui, il tire une authentique roulotte de cirque vieille de 100 ans. Ils s'arrêtent au gré de leurs envies, dans des fermes ou des campings, prennent le temps de découvrir les environs, puis repartent tranquillement, Rolf sur le tracteur et Inge dans leur voiture, le siège passager dudit tracteur n'étant pas très confortable. Ils roulent une vingtaine de kilomètres avant de faire une nouvelle halte. 

Cette vitesse de croisière fort raisonnable les a tout de même menés bien loin de leur Forêt-Noire frontalière de la France, puisque les voilà à Rambin, au nord-est de l'Allemagne. C'est dans ce petit village près de la mer du Nord que nous les avons retrouvés, pour qu'ils nous racontent leur nouveau mode de vie. 

“Les forains que l'on rencontre nous disent qu'ils ont grandi dans une roulotte comme celle-ci”

“On connaît cette roulotte depuis longtemps. Elle était stationnée à Lach, la ville où nous habitions. Les anciens propriétaires, Rainer et Heide Krebs, l'avaient achetée au cirque Flic Flac en 1975 et l'avaient aménagée avec un comptoir pour y vendre des crêpes. Quand Rainer et Heide sont décédés, nous avons racheté cette roulotte, avec son attelage d'origine et le tracteur”, se remémore Inge, installée sur le canapé. 

Dehors le ciel est blanc de froid, mais  grâce au poêle, le thermomètre affiche 25°C. Les murs recouverts de panneaux de bois et les fenêtres, y compris les vasistas alignés près du plafond, sont d'origine. Le couple a pris soin de chiner des meubles anciens pour aménager ce cocon comme à l'époque. “Le canapé a plus de 100 ans, le poêle aussi. La partie cuisine, c'est Rolf qui l'a fabriquée à partir d'une vieille armoire. Ces étagères, je les ai achetées sur une brocante en France”, détaille Inge en parcourant du regard les 15 m² de la roulotte. 

© Lisa Hör

La table, qui se déplie, permet d'inviter jusqu'à 6 personnes à manger. Il faut manœuvrer pour se croiser, mais l'on circule tout de même facilement de la partie salon et cuisine à la chambre, au fond de la roulotte. On y trouve un vrai lit deux places, avec un matelas bien épais, et cachées dans un coin, des toilettes chimiques. Pour ne pas grignoter d'espace, les nouveaux propriétaires des lieux n'ont pas voulu créer de salle de bains, ils ont une petite vasque pour faire un brin de toilette et profitent des douches des campings ou de l'hospitalité des personnes chez qui ils s'arrêtent pour prendre une vraie douche. La seule touche de modernité, ce sont les panneaux solaires fixés sur le toit, qui leur permettent d'être autonomes en électricité.

Autrement, tout est délicieusement vintage, de la vaisselle que l'on pourrait trouver chez nos grands-parents, au chapeau noir traditionnel de la Forêt-Noire, accroché au plafond. L'espace restreint ne gêne pas ces deux voyageurs au ralenti, qui n'ont pas eu de difficulté à laisser derrière eux, dans la maison qu'ils retrouveront à la fin de leur périple, la grande majorité de leurs affaires : “Quand on est en déplacement, on se rend compte qu'on n'a pas besoin de beaucoup de vêtements, une tenue pour la semaine, et une tenue “du dimanche” comme l'on disait autrefois, ça suffit, surtout si on a accès régulièrement à une machine à laver.”

© Lisa Hör

Une retraite riche en aventures et en rencontres

Devant ce confort simple, on visualise très bien à quoi pouvait ressembler la vie dans un cirque itinérant. “Quand on rencontre des forains, ils nous interpellent et nous disent qu'ils ont passé leur enfance dans une roulotte comme celle-ci. Ils nous montrent toujours qu'ils en ont la chair de poule quand ils s'assoient ici. Certains ne le supportent pas, ils se dépêchent de repartir car c'est trop d'émotion et de nostalgie”, confie Inge. 

Faire de telles rencontres, c'est justement l'objectif de nos deux vidéastes itinérants, qui continuent de faire des vidéos, mais cette fois pour leur chaîne YouTube, Beinertswagen. Ils publient surtout des histoires de vie, comme des témoignages d'Allemands qui ont fui l'ancienne Allemagne de l'Est dans leur jeunesse, ou des témoignages d'autres personnes itinérantes.

Ceux et celles qui ne pratiquent pas la langue de Goethe peuvent aussi admirer les paysages, ou encore ces autres roulottes de cirque aménagées en habitations, croisées lors d'un rassemblement : 

Mais parfois, le plaisir, c'est seulement de rouler, de traverser des villages… ou des fleuves, comme cette fois où roulotte et tracteur ont dû embarquer sur une barge pour passer de l'autre côté de l'Elbe : 

Une dernière question avant de les quitter ? L'incontournable colle sur la consommation d'essence du tracteur. Rolf se fait un plaisir d'y répondre avec une petite histoire : “La dernière fois, on se trouvait sur un parking, il y avait un Hollandais qui me dit : “Tu as besoin de quelle quantité de carburant avec ton tracteur ? Sûrement beaucoup !” Je lui ai proposé de comparer nos factures d'essence et il n'a pas voulu, car bien sûr il consomme beaucoup plus avec son camping-car. Il fait peut-être 200 km ou 300 km par jour, et moi dans une journée je fais seulement 20 km.” 

Dans ces conditions, il ne nous reste plus qu'à leur souhaiter d'aller doucement, mais sûrement !

© Lisa Hör