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POTAGER URBAIN - Cultiver et manger sain tout en favorisant la biodiversité en ville, c'est possible ! Retrouvez le témoignage et les conseils d'Irfaan qui a aménagé dans sa résidence un véritable paradis comestible.

En 2017, Irfaan s'installe à Bonneuil-sur-Marne (Île-de-France) dans une ancienne ferme réhabilitée en plusieurs logements. Docteur en géographie du développement, il a été amené à découvrir le monde, mais également la diversité qui l'entoure. "J'ai toujours été passionné par le vivant, les animaux, la nature…", nous raconte-il. Et c'est tout naturellement que son projet de potager urbain s'est développé, une fois installé dans sa nouvelle résidence.

Habitant au rez-de-chaussée avec une terrasse, Irfaan a ainsi demandé à sa propriétaire s'il pouvait utiliser l'espace abandonné à l'arrière de l'immeuble : "J'avais des projets, je voulais investir cet espace, le mettre en valeur. Très gentiment elle a accepté". S'ensuit de travaux d'aménagement extérieur pour développer son micro-potager. Bacs, cultures verticales, micro-mare… Pari tenu pour ce passionné qui réussit année après année à cultiver de manière naturelle et respectueuse de l'environnement.

Une récolte au potager de 320 kg en 2022

Sur sa terrasse, la surface est entièrement goudronnée. Irfaan a donc privilégié la culture en pots, en fabriquant lui-même ses bacs pour cultiver surtout des concombres, tomates, courgettes… "Il y a à peu près 6-7 bacs, ce qui me fait environ 3m2 de surface cultivable. L'ensoleillement est un peu réduit mais il y a juste ce qu'il faut pour que ça pousse bien", explique-t-il.
À l'arrière de son appartement, l'extérieur est également goudronné aux ¾. "Il y'a juste une petite bande de terre de 7m de long par 1m20 de large. C'est d'ailleurs là où j'ai commencé mes premières cultures !", se souvient-il.

Un petit espace en ville comme celui-ci semble pourtant contraignant pour jardiner. Mais ce passionné a su en tirer avantage, jusqu'à avoir une quasi-autosuffisance alimentaire. "Ma production s'étale de juin jusqu'à décembre, donc j'ai de quoi faire", explique-t-il après avoir récolté 320 kg de fruits et légumes en 2022.

Pour un tel rendement, il s'est s'orienté vers des espèces très productives qui se conservent longtemps. Sa spécialité ? Les cucurbitacées tropicales. D'origine mauricienne, Irfaan cultive principalement des giraumons et des chayottes, des sortes de citrouilles et de petites courges vertes respectivement. "Il faut aussi valoriser toutes les surfaces, même verticales, car si on ne fait qu'une culture horizontale, on n'aura pas grand chose". Ainsi, à l'aide des murs de son immeuble et d'un filet de culture recouvrant son potager, il a pu récolter 100-120 kg de chayottes cette année. "Il y a même un restaurant étoilé qui m'a commandé 50 kilos de giraumons l'année dernière", s'exclame-t-il fièrement.

S'inspirer de toutes les techniques de cultures écologiques

Et si son potager se veut écolo, Irfaan ne se définit pas pour autant comme faisant de la permaculture. "Je me suis longtemps renseigné sur la philosophie permacole et je ne suis pas à 100% dedans". Il explique qu'il préfère prendre ce qu'il y a de meilleur dans toutes les techniques de culture que ce soit dans l'agriculture intensive, la permaculture ou même la petite agriculture vivrière qu'on trouve dans le tiers-monde.

Il ajoute : "Quand je cultive des tomates hybrides F1, ce n'est pas vraiment de la permaculture par exemple. Elles sont modifiées pour être plus résistantes et avoir un bon rendement. Mais même si ce sont des hybrides, j'essaye de montrer que c'est faisable de les cultiver de manière la plus bio et écologique possible”.  

La seule chose qu'il ne fait pas, ce sont les pesticides ! Une des solutions naturelles qu'il a pour repousser les espèces invasives comme les pucerons, c'est de pulvériser du savon de Marseille dilué sur ses plantes. "Ça marche vraiment très bien : une fois que le savon sèche sur les pucerons, ça leur fait une carapace et ils sont piégés". De plus, Irfaan utilise du purin d'orties, autant comme fertilisant que répulsif grâce à la forte odeur qui s'en dégage, ainsi que des plantes aromatiques pour éloigner les insectes indésirables.

Afin de faire des économies aussi bien sur ses factures que pour préserver la planète, Irfaan essaye aussi de récupérer un maximum d'eau de pluie pour arroser ses plantations à l'aide de plusieurs réservoirs. Et contrairement aux idées reçues, pas de moustiques à l'horizon ! "J'ai installé une petite mare dans une bassine en zinc, s'ils y a des larves, elles se feront manger par mes poissons rouges". Ce bassin est également un véritable refuge pour la biodiversité car l'eau et les iris qui y poussent attirent les pollinisateurs. "C'est vraiment agréable de voir ça en ville. D'autant plus qu'il y'a plein d'oiseaux qui reviennent, comme les mésanges. Elles ne seraient pas là s'il n'y avait pas un environnement capable de les accueillir et de les nourrir", ajoute-il.

Et qui dit biodiversité dans le jardin, dit auxiliaires ! En effet, son micro-potager abrite un allié redoutable contre les limaces et les escargots. "Un soir, j'ai trouvé un hérisson qui était tombé dans mon récupérateur d'eau. Après une petite opération de sauvetage, je l'ai relâché dans le jardin et il n'est jamais reparti. Je lui ai même fabriqué une petite maison pour qu'il s'y installe avec sa famille, et depuis, ils me bien rendent service !", raconte le passionné.

"En ville, cultiver c'est aussi créer du lien social"

L'agriculture urbaine répond à 2 enjeux pour Irfaan, qui n'hésite pas à faire appel à ses connaissances de géographe. Premièrement, cultiver permet d'ajouter "de la verdure au béton" et favorise ainsi le développement de la biodiversité : "On a des oiseaux qui reviennent, des chauves-souris, des petits insectes… On a tout un écosystème qui se développe". Point non négligeable compte tenu des actualités environnementales. Mais un autre objectif très important doit être considéré : "en ville, cultiver c'est aussi créer du lien social".

Et pour cause ! Quand il a commencé son petit potager, Irfaan a motivé tous ses voisins pour le faire aussi de l'autre côté de leur cour. "Il n'y a eu aucun réfractaire, ils sont même allés plus loin que moi quand ils ont acheté 15 poules !", s'amuse-t-il à raconter. Tout est une question d'entraide. Pour lui, jardiner permet de sortir du circuit économique traditionnel. "On est d'autant plus gagnant à le faire". Il peut ainsi donner son trop plein de semis de tomates à ses voisins, qui en échange, lui rendront la pareil le jour où il aura besoin d'un coup de main. "Si jamais j'ai un souci dans mon appartement, mes voisins qui travaillent dans le bâtiment pourront m'aider, d'autres qui font partie d'associations pour animaux pourront me donner des graines pour les oiseaux. C'est comme ça qu'on devrait tous fonctionner", tient-il à dire.

Mais l'entraide ne s'arrête pas aux murs de son immeuble. Il intervient aussi dans des centres sociaux notamment pour faire des ateliers d'agriculture urbaine. "L'objectif c'est de sensibiliser les quartiers populaires. Cela permet également de montrer qu'une alimentation saine, à partir de produits locaux, est possible et accessible à tous".

Toujours avec la même philosophie, que ce soit avec des centres de formation ou des particuliers, Irfaan organise des visites chez lui : "Ça donne des idées : de se lancer dans le potager, ou bien simplement de débuter la culture en pots". Et pour les plus motivés, il peut même organiser des stages pour approfondir certaines techniques de cultures.

En attendant, vous pouvez retrouver Irfaan et tous ses conseils sur son compte Instagram le_micro_potager_urbain_ecolo !