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FESTIVAL DE CANUT - Décoratrice d'intérieur, Justine Martinod a rénové un petit appartement lyonnais qui prenait la poussière pour en faire un loft moderne et élégant.

Tout le monde lui fait des compliments sur sa cuisine. Il faut dire que Justine a eu la bonne idée de la poser devant un magnifique mur de pierres, typique des anciens canuts, ces ateliers où vivaient et travaillaient les ouvriers tisserands lyonnais au XIXe siècle. Et pourtant, quand elle visite l'appartement pour la première fois, la jeune décoratrice d'intérieur ne voit alors qu'un mur en contreplaqué. Mais son instinct ne la trompe pas : "Quand j'ai vu la hauteur sous plafond et le plafond en bois, qui servait à fixer les marchines à tisser, j'ai compris que c'était un canut et je me suis douté qu'il y avait un mur en pierres quelque part !"

Quand elle en parle à l'ancien propriétaire, un septuagénaire résidant là depuis 20 ans et qui doit partir pour des raisons d'accessibilité du logement, celui-ci confirme qu'il existe bel et bien un mur de pierres sous le contreplaqué. "Il me disait que c'était pas beau, mais j'avais quand même envie de le voir, nous confie Justine. Le jour où j'ai pris les cotes avec lui, j'ai voulu vérifier et je suis venue avec des photos de murs, un qui était super moche, un correct et un sublime. Il m'a dit que son mur ressemblait au troisième, qui était totalement parfait. Je me suis dit qu'il était fou, ce brave monsieur !"

Le grand écart entre ces deux visions d'un simple mur en pierres incarne parfaitement l'évolution actuelle de notre conception de l'habitat : aujourd'hui, les nouveaux propriétaires veulent remettre à nu l'histoire et l'authenticité des logements qu'ils rénovent. Pas question de trahir l'esprit du lieu, au contraire, il faut souvent défaire ce que les anciens propriétaires avaient construit pour cacher ce qui leur semblait alors démodé, masquant ici un beau mur, là un ancien plafond, encore ailleurs un carrelage fait à la main.

Fiche de chantier

Ouvriers

Un artisan, Justine, son père et son frère

Durée des travaux

Un an environ

Budget

10 000 €

Son appartement, Justine pourrait en parler des heures avec passion. C'est un peu son bébé, elle a fait elle-même les plans, ou plutôt refait des millions de fois avant d'arriver au résultat qui l'a convaincue. Même la cuisine a été repensée au dernier moment ! "A l'origine, j'imaginais un retour bar, se rappelle la jeune femme, et c'est un pote qui m'a fait changer d'avis au dernier moment ! Un ami designer qui m'a suggéré de la faire en I… j'ai essayé et ça a marché, c'est beaucoup plus fonctionnel !" Sur son compte Instagram rempli d'inspiration déco et maison, sa cuisine fait désormais des ravages auprès des abonnés.

Une autre vue de la belle cuisine en I réalisée par Justine, qui avait failli faire un retour bar et ne regrette pas d'avoir changé d'idée au dernier moment !
Avant / Après : L'entrée de l'appartement

Surprises ! Un trou dans la dalle et des remontées d'odeur de plomberie

Dès qu'elle arrive dans l'appartement, le 16 novembre 2020, Justine s'attaque donc à la sortie du mur de pierres, d'abord aidée par un artisan, puis les travaux sont effectués uniquement en famille, avec son père et son frère jumeau, deux bricoleurs chevronnés. Mais les mauvaises surprises ne tardent pas à arriver : en défaisant l'ancienne cuisine, Justine et sa famille découvre un énorme trou dans la dalle, donnant dans le faux plafond de la voisine. Pour reboucher, ils imaginent un cadre en bois et la fabrication d'un plancher, sur lequel ils ajoutent le parquet - acheté chez Castorama - que Justine a posé pour recouvrir le carrelage de l'ancien propriétaire.

Ce n'est pas tout : "Je savais que l'électricité n'était pas aux normes, frissonne encore Justine, mais en réalité c'était chaud ! On a quand même retapé l'électricité, c'était clairement pas la partie la plus plaisante à faire. Et au tout début, j'avais des remontées d'odeur de plomberie, on n'avait pas fait gaffe qu'elle posait problème, du coup on a démonté la nouvelle cuisine pour tout changer, et la remonter ensuite !"

Un long travail de remise à nu du mur de pierres, et la surprise sous le carrelage : un large trou donnant dans le faux plafond de la voisine !
Avant : Vue de la cuisine et de l'escalier menant à la mezzanine
Après : Un coin repas ouvert sur le salon et un nouvel escalier moins raide pour accéder à la nouvelle chambre

Un escalier en métal fait sur mesure

Très vite, Justine met en place le nouveau plan qu'elle a conçu, cassant le mur qui sépare la chambre du salon pour aérer l'espace et se constituer un coin repas à la place. Pour accéder à sa nouvelle chambre, installée dans la mezzanine qui servait autrefois uniquement de débarras, elle veut un escalier à la fois élégant et pratique. Et ça tombe bien, son père est métallier ! Il fournit donc lui-même la matière et la pose.

"J'ai toujours vu mon père faire des escaliers, nous raconte Justine, donc je voulais une pièce maitresse et un escalier fonctionnel. L'ancien proprio avait mis un escalier japonais, très raide ! Alors j'ai dessiné l'escalier avec mon père et il l'a fabriqué, ça ne m'a rien coûté. Je voulais aussi une baie vitrée ouverte, pour agrandir l'appartement, résultat je gagne vraiment de l'espace, on voit bien les 38 m2 au sol, auquel on peut ajouter les 22 m2 de mezzanine. J'ai un grand canapé pour la première fois de ma vie !"

A gauche, l'ancienne chambre, devenue un coin repas, à droite.
Tandis que la mezzanine, anciennement débarras, s'est transformée en chambre.
L'espace conquis par le nouvel agencement du logement permet d'installer un grand canapé.

Un budget serré de 10 000 euros pour tout rénover

Avec un budget très limité de 10 000 euros, Justine a fait des miracles, alors qu'il lui fallait mettre à nu un mur, fabriquer un escalier en métal, créer une nouvelle cuisine, acheter tous les meubles... Au-delà du nouvel aménagement du canut, bien plus fonctionnel et esthétique qu'avant, les petites touches de déco réalisées par Justine apportent aussi du cachet à l'ensemble, souvent pour un prix dérisoire. A l'image de cette lampe Vertigo, très chère dans le commerce, mais chinée sur Le Bon Coin et achetée à peu de frais à une bricoleuse qui l'avait fabriquée elle-même.

Cette capacité à tout faire soi-même, la jeune femme l'a héritée de ces années passées à refaire les boutiques dans les magasins d'une grande enseigne de déco et mobilier. "On faisait les plans nous-mêmes et on mettait la main à la pâte, explique-t-elle. J'ai fait pas mal de perceuse et de peinture, j'ai bien plus appris dans mon travail qu'avec mon père, même si ça nous a rapprochés ensuite. C'était super de faire cette rénovation en famille, à tel point qu'on va continuer ! On est en train de rénover l'atelier de mon père pour faire deux appartements. C'est même moi qui ai fait les plans de leur grange."

Seul petit regret, le budget n'a pas permis de refaire la salle de bains. Rien ne presse, car elle est en bon état avec un WC suspendu et de la faïence blanche, mais Justine rêve d'autre chose. Idem pour ses placards de l'entrée, avec leur portes coulissantes un brin ringardes et recouvertes de miroirs. On devine aisément que l'imagination débordante de Justine échafaude d'ores et déjà mille et un plans pour rénover tout ça. A moins que cette Savoyarde ne décide soudain de tout plaquer pour construire son chalet en A dans les montagnes, qui sait ?

Avant : vue du loft depuis l'ancienne cuisine
Après : le loft aperçu depuis la mezzanine (on devine une jolie vue derrière les fenêtres)