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MINIM-ART - Optimiser, exploiter chaque mètre carré, trouver des astuces d'aménagement fonctionnel tout en donnant une identité à une habitation, c'est le défi que l'on (tente) de relever dans nos logements. Le Studio IDÀ propose une réinterprétation habitable de la galerie d'art dans un deux pièces parisien.

Au coeur du 12e arrondissement de Paris, dans une cour arborée, se cache un appartement de 35m2 en rez-de-chaussée. Dans un état d'origine plutôt vétuste et de configuration classique d'immeuble du XIXe siècle, les pièces toutes cloisonnées manquaient de lumière, de fluidité et de modernité. Le propriétaire, un féru d'art, a donné carte blanche au Studio d'architecture IDÀ pour créer un intérieur qui lui ressemble. Son mot d'ordre ? Un style minimaliste pour mettre en valeur sa collection d'oeuvres d'art. L'appartement, « dans son jus » et de style classique, avec moulures, marbre, parquet et papier peint, n'avait pas connu de rénovation depuis plusieurs décennies, plomberie et électricité comprises.

Une rénovation complète s'impose alors pour le remettre aux normes mais aussi pour lui insuffler cet esprit galerie d'art, en mixant minimalisme et maxi fonctionnalités. 

Fiche de chantier

Ouvriers

Artisans

Durée des travaux

4 mois

Budget

2200€/m2
(rénovation complète avec plomberie et électricité)

35m2 repensés comme une galerie d'art

Un jeu de niveaux d'après les codes de l'architecture japonaise 

Dès la porte franchie, la magie opère. Nous sommes instantanément surpris par la luminosité. Un intérieur tellement gorgé de lumière que l'on ne se croirait pas en rez-de-chaussée. Les matériaux, les oeuvres et les volumes paraissent ainsi sublimés. Comme une introduction, de l'entrée on aperçoit les différents niveaux qui mènent vers les pièces majeures de l'appartement.

Lola Guicheteau, architecte et co-fondatrice du Studio IDÀ nous explique que « ce projet s'inspire de l'architecture japonaise. Avec cette notion de progression et de seuil. La partie séjour se trouve au niveau le plus bas, au même niveau que celui de l'entrée ». Une belle hauteur sous-plafond de 2m90, permet ainsi de jouer sur les volumes, et d'accéder au fil des niveaux, aux pièces les plus intimes. 

En opposition avec l'architecture japonaise, ici sur le plan initial, l'appartement répond aux codes de l'architecture occidentale avec, pour chaque espace, des délimitations nettes.
© Studio IDÀ

L'ancienne cuisine a été déposée pour laisser place à l'entrée. Une penderie toute hauteur aux façades en miroir reflète la lumière de la fenêtre et donne l'illusion d'un espace plus grand

De l'entrée jusqu'au salon, au niveau le plus bas, on observe une pièce à vivre décloisonnée, aérée avec cette montée graduelle vers les espaces plus intimes : la cuisine, puis la chambre et sa salle d'eau, situées au fond de l'appartement.

La marche liant les niveaux, a été sublimée avec une crédence originale en mosaïque effet marbre que l'on retrouve sur l'îlot. © Denys Vinson

Casser les codes de l'habitation avec l'utilisation de matériaux inattendus

Savoir penser en dehors des codes de standardisation de l'habitation c'est aussi là, le talent des architectes. Repartant d'un plan libre pour réinventer ce pied à terre parisien, les architectes du Studio font le choix audacieux d'intégrer des matériaux appartenant à l'architecture industrielle voire commerciale, en réinterprétant leur usage pour livrer un lieu unique et décalé.

Ici, le Studio IDÀ casse les codes avec l'utilisation de ce revêtement étonnant. Une chape polie et vernie, pour un rendu brut dans cet esprit galerie d'art recherché. La chape, coulée et traitée dans tout l'appartement, revêt également un aspect minéral par son sablage, qui lui donne des effets de granito

Une chape polie et vernie, pour un rendu brut. © Denys Vinson

Le salon avant rénovation, était sombre et dans son jus. Aujourd'hui, libéré de ses cloisons, le salon gagne en clarté et en espace. Le travail de l'espace reprend la scénographie des galeries d'art, minimaliste comme une exposition, pour laisser parler les oeuvres, mais emprunte également les codes dits du « retail ».
Le jeu de niveaux permet également la délimitation du coin salon en contrebas, avec la réalisation d'une banquette-canapé sur-mesure qui vient lier l'espace cuisine/séjour.

On a essayé de casser les codes au maximum pour s'inspirer d'architecture qui ne font pas partie d'architecture d'habitation qui sont plus classiques. On est venus apporter des matériaux un peu plus osés comme le plexi jaune, la mosaïque sur l'ilot qu'on retrouve habituellement plutôt dans les salles de bains.

En face, le coin salle à manger/cuisine. Magistral, cet espace joue des contrastes. À la fois minimal par son traitement qui dissimule à l'oeil tout le bardage d'une cuisine, et pétillante par son approche ludique. L'îlot placé au centre, accroche le regard. Ses couleurs pop et l'originalité de ses matériaux en font une oeuvre d'art à part entière. Le plan de travail conçu en mosaïque effet marbre, réfléchi la lumière tandis que son pied, en aluminium brossé et en plexi jaune apporte une légèreté et un effet graphique qui n'est pas sans rappeler la scénographie muséale.

Derrière l'îlot, des rangements pour les produits d'entretien ont été intégrés, invisibles eux aussi. © Denys Vinson

Des rangements optimisés et invisibles

« On a essayé de dissimuler le plus de choses possible dans l'appartement. Ça fait partie intégrante de l'architecture », nous explique Lola Guicheteau. Si l'utilisation de revêtements comme le miroir trompe l'œil pour apporter clarté et sensation d'espace, la conception, elle, répond aux codes du retail et à cette volonté d'un minimalisme soigné. Ainsi, la technique (radiateur, VMC, chauffe-eau...) et les rangements sont intégrés de manière invisible. Tout comme la cuisine, la bibliothèque « qui réunit tout l'appartement en enfilade, permet à la fois de caler des zones de rangements et de dissimuler les radiateurs qui sont en dessous de chaque fenêtre avec des stries pour laisser passer l'air », nous montre Lola.

Un bloc blanc qui dissimule plusieurs pièces

Une cuisine invisible

Ayant la contrainte d'un conduit de cheminée situé au centre de l'appartement, le Studio IDÀ décide de s'en servir comme base de réflexion dans l'agencement des volumes. C'est ainsi que les architectes Lola et Alexandre sont venus travailler autour de cette cheminée en imaginant un bloc blanc. Un bloc « minimal qui vient complètement en contraste avec le sol et le restant des menuiseries et c'est dans ce fameux bloc que se trouve la cuisine », nous raconte Lola Guicheteau. Le coeur du projet réside donc dans ce cube qui abrite plusieurs fonctionnalités. Une cuisine dissimulée lorsqu'elle est fermée, un coin nuit imaginé comme un cocon et sa salle d'eau.

Dans sa boîte immaculée, lorsque la cuisine est fermée, on ne peut que la deviner par la présence de l'îlot central pour un minimalisme assumé. © Denys Vinson
Minimaliste certes, mais qui ne perd rien en praticité. Une fois ouverte, grâce à l'ajout de charnières à ouverture 180°, la cuisine retrouve ses fonctionnalités en donnant accès à la zone de plan de travail, four, plaques et rangements. © Denys Vinson

Une chambre cocon optimisée dans les moindres détails

La chambre avant rénovation était d'une configuration classique d'immeuble du XIXe siècle.
Aussi minimal que fonctionnel, le coin nuit aménagé à l'intérieur de son cube blanc possède son lot de rangements optimisés. La création du lit sur-mesure permet d'intégrer sous le coffrage de grands tiroirs. « On est toujours dans cette démarche d'exploiter chaque recoin de mètre carré dans la surface », comme l'explique Lola. Dans ce sens, des rangements hauts en fleur de plafond ont été conçus ainsi qu'une niche en guise de table de chevet.

Autour de la cheminée viendra s'implanter le fameux bloc blanc que l'on retrouve dans la partie séjour, pour y implanter le coin nuit ainsi qu'une pièce d'eau. Un espace y sera laissé pour permettre la circulation entre les différentes pièces de vie. © Studio IDÀ
Dans son cocon de nuit, la chambre laisse filtrer la lumière grâce à une ouverture créée, donnant directement sur le couloir pour récupérer la lumière naturelle de la fenêtre sur cour. On aperçoit l'enfilade de rangements et sa bibliothèque qui court le long du mur.
© Denys Vinson

Faire entrer la lumière dans une salle d'eau sans fenêtres

Comment apporter de la lumière naturelle dans une pièce qui ne possède aucune vue sur l'extérieur ? La salle d'eau, zone la plus sombre de cet appartement parisien, ne possède de luminosité, que celle distillée subtilement par l'ouverture créée dans le bloc nuit. Afin de faire filtrer le plus de rayons possible, l'ajout de matériaux réflecteurs de lumière devient alors essentiel. 

La salle de bains qui se trouvait initialement tout à gauche de l'appartement, soit à l'opposé de sa position actuelle, était sombre et manquait clairement de modernité. Une fois déposée, une penderie-miroir est venue occuper l'espace pour intégrer un maximum de rangements. © Studio IDÀ

Dressings et pan de mur revêtent ainsi un revêtement en miroir qui vient réfléchir le sol dans un jeu d'optique donnant la sensation d'avoir une pièce plus spacieuse. Toujours dans cette harmonie minimaliste, on retrouve sur le meuble vasque la crédence de l'îlot ainsi que le chêne blond de la bibliothèque filaire. Ce bloc miroir en plus d'accueillir encore plus de rangements, dissimule la technique, à savoir le chauffe-eau et la VMC, derrière la fine ligne à peine visible qui surplombe le placard.

Intégrée au fond de la chambre du plan d'origine, la salle d'eau a été travaillée dans un choix de matériaux lumineux et nobles. © Denys Vinson