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LOGEMENT - Ces étudiants habitent une colocation à projets solidaires. Contre 5h de bénévolat hebdomadaire, l'AFEV les loge pour moins de 200 euros.

Quand on passe la porte de la colocation d'Alice, Edith, Gabrielle, Louis et Simone, on a très envie de chantonner la chanson du générique de la série mythique Friends, qui suit la vie en colocation de jeunes new-yorkais.

Alors, certes, la référence est peut-être un peu dépassée, mais le groupe de jeunes étudiants parisiens donne terriblement envie de visionner les 10 saisons.

Pourtant, cette colocation n'est pas comme les autres ! En échange d'un loyer à moins de 200 euros, ces 5 étudiants ont pour mission de créer du lien social au sein d'un HLM de leur quartier et de prendre en charge un adolescent, pour lui fournir, entre autres, du soutien scolaire. Ils résident dans un immeuble prêté par le CROUS que se partagent 6 autres Kaps.

Cette Kolocation à Projets Solidaires, ou KAPS, est un concept innovant porté par l'AFEV, l'Association de la Fondation Etudiante pour la Ville.

Un logement en échange d'une aide aux devoirs

C'est dans ce cadre que Louis, étudiant en sociologie, s'occupe de Mario, adolescent dont il a la charge deux heures par semaine. En plus du soutien scolaire, Louis a pour mission de lui proposer des activités culturelles à l'image de leur récente visite de la Tour Eiffel.

Budget oblige, ils ne montent pas plus haut que le deuxième étage, Mario est un peu déçu mais ravi de pouvoir quitter le 13ème arrondissement de Paris, qu'il habite. “Il est très demandeur de sortir un peu de son quartier, son quotidien se limite souvent à la ligne de tramway en bas de chez lui”, nous raconte Louis.

Le “Kapseur” évoque la difficulté de convaincre les parents des adolescents de l'utilité de ces initiatives. Sa colocataire Alice confirme : “Les parents perçoivent cela comme des loisirs, ça ne leurs plait pas trop”, explique-t-elle.

L'idée de proposer un logement à un loyer raisonnable en échange d'une aide aux devoirs n'est pas nouveau : la mairie de Paris a d'ailleurs mis en place en septembre 2017 un dispositif similaire en logeant des colocations d'étudiants dans des résidences sociales en échange de soutien scolaire.

© Matthieu Maurer

Créer du lien social dans une résidence de quartier prioritaire

Ce qui fait l'originalité d'une Kaps de l'AFEV c'est surtout le projet collectif que porte la colocation. “Chaque colocation a un projet et un territoir défini”, souligne Maxime, délégué territorial de l'AFEV Paris-Sud.

Les 5 étudiants se sont vus attribuer une résidence HLM d'un quartier prioritaire située à proximité de leur lieu d'habitation, dans laquelle ils se rendent chaque semaine. Le but ? Créer du lien social.

Pour se faire, les colocataires ont carte blanche. “On a organisé un chocolat pour Noël au pied de l'immeuble, des jeux de société, des crêpes pour la chandeleur”, nous raconte Gabrielle.

Proposer des projets sans jamais s'imposer

En revanche les Kapseurs rencontrent une difficulté principale et sur ce point ils sont unanimes : il n'est pas évident d'arriver dans une résidence dans laquelle on ne vit pas et proposer des activités à des personnes qui n'en ont pas exprimé directement le besoin, ni l'envie.

À force de multiplier le porte-à-porte et de faire passer des questionnaires pour cibler aux mieux les attentes des habitant-es, la colocation solidaire tente de s'intégrer, tant bien que mal, dans l'immeuble.

L'idée étant de travailler en concertation avec les résident-es, et de ne jamais rien leurs imposer. Louis confirme : “On ne peut pas arriver en dictateurs et imposer un composteur par exemple.

Bien que cette action de long terme mette un peu de temps à s'installer, l'opération porte ses fruits comme l'explique Alice : “Au dernier événement que nous avons organisé, il y a des gens qui vivaient dans l'immeuble depuis plus de 10 ans qui ont fait connaissance pour la première fois.

Cette problématique n'est pas propre aux logements sociaux, mais comme le souligne Maxime, responsable à l'AFEV : “Si on peut insuffler un peu de solidarité au sein d'un quotidien qui n'est pas toujours facile, c'est déjà ça de gagné.

© Matthieu Maurer

Se sentir utile et payer moins cher

Car c'est avant tout l'envie de s'engager et venir en aide qui anime ces cinq jeunes étudiant-es. “Je me sentais un peu inutile entre la fac, les copains et rester chez moi. La Kaps c'est un bon moyen pour se sentir engagée”, nous raconte Gabrielle.

Sans oublier que la Kaps représente un avantage financier non négligeable, puisque chaque jeune paie environ 190 euros de loyer mensuel, en comptant les APL. Néanmoins, tout le monde ne peut pas prétendre à ces appartements.

Il y a trois critères à respecter absolument : avoir moins de 30 ans, être étudiant-e et vivre dans Paris intra-muros (pour habiter une des résidences parisiennes). Les jeunes postulent ensuite sur internet et présentent un dossier. “Sur 300 candidatures, nous n'en retenons qu'une trentaine”, explique Maxime.

La suite ressemble à un recrutement pour un emploi : à travers des jeux de groupe, on teste la capacité des jeunes à partager et écouter les autres. Le processus de candidature se termine par un entretien individuel.

Visiblement la sélection a porté ses fruits puisque la cohésion semble régner dans cet appartement joliment décoré. “On essaie de privilégier le dialogue au sein de la colocation”, précise Alice.

Comme dans de nombreuses colocations, les cinq Kapseurs échangent sur une conversation Messenger ou Whatsapp, font des tours de ménage, ont un tableau de répartition des tâches.

Dernièrement entre les partiels et les fêtes, on a moins fait le ménage”, nous confie-t-elle. On est presque rassuré d'entendre ça, tant on commençait à trouver ces étudiants irréprochables !