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REPORTAGE - Pendant deux jours, des makers venus du monde entier ont présenté leurs inventions. Utiles ou amusantes, toutes sont spectaculaires.

Avec sa salopette en jean et ses deux longues nattes, Fanette a une tenue parfaite de bricoleuse et un petit air de Fifi Brindacier. Elle a aussi toute l'ingéniosité de l'héroïne des livres pour enfants.

À 13 ans, elle est membre à part entière de la communauté des makers, ces bidouilleurs qui fréquentent volontiers les fab labs, ces ateliers collaboratifs, et partagent leurs savoirs.

Fanette, elle, a mis au point son invention dans le garage familial : une boîte qui joue de la musique pile le temps de se brosser les dents. "À l'intérieur de la boîte, il y a un lecteur MP3, qui ne joue que des chansons de trois minutes, et se déclenche quand on enlève la brosse à dents de son support", explique-t-elle.

Mais, dans le brouhaha du grand hall, impossible d'entendre les notes de Quenote. Car il y a foule à la Maker Faire Paris, le rassemblement des makers organisé le 30 avril et 1er mai 2016, pendant la Foire de Paris. Plus de 64 000 visiteurs, presque deux fois plus que l'an dernier !

Là, un attroupement se forme autour d'un robot géant qui prend la pause pour une photo (à l'intérieur, monté sur échasses, celui qui a fabriqué ce costume doit savourer son succès). Un peu plus loin, une jeune femme, suspendue dans les airs et casque de réalité virtuelle sur la tête, teste un simulateur de saut en parachute. Ce grand rassemblement est un joyeux bazar.

À côté de quelques professionnels venus faire connaître leurs innovations, nombre des exposants sont des amateurs. Point commun à tous : l'envie de faire participer le public, pour les inciter à faire, à leur tour. Rencontre avec ces bricoleurs, pour qui s'amuser est le premier critère.

Bricoler en famille et entre amis

Au fond du salon, le stand du très médiatisé Eliott Sarrey occupe un vaste carré. Son robot jardinier, le Bot2karot, récompensé l'an dernier par Google, est en arrêt devant un potager reconstitué, pendant que son jeune inventeur programme son successeur avec l'aide de son père.

Il y a aussi Fanette sa s?ur, l'inventrice de la boîte à musique, et des amis de cette famille de bricoleurs de génie, invités à partager le stand.

Fanette et son invention, Quenote.

Fanette et son invention, Quenote. © Lisa Hör

Parmi eux, Virgile Frentzel, jeune papa, qui présente la voiture électrique en bois confectionné pour son fils. Le bolide d'intérieur fonce à 30 cm par secondes. Avec ses capteurs, il évite les obstacles et tourne tout seul pour ne pas heurter les murs.

À six mois, le garçon de Virgile est encore un peu petit pour arpenter le salon sur son nouveau jouet. Tant mieux, cela laisse le temps à son père de le finaliser. "Il manque encore des plaques sur les côtés pour éviter qu'il ne se coince les doigts", détaille-t-il.

Virgile Frentzel et son bolide électrique.

Virgile Frentzel et son bolide électrique. © Lisa Hör

Imprimante 3D et box domotique

En face, Grégoire Aubret, 22 ans, est tout aussi inventif. Sur sa table, s'étalent un drone, une imprimante 3D faits maison et quantité de circuits imprimés.

Avec ses frères, il a monté la plateforme de tutoriels Simple-Duino autour de la carte Arduino, un circuit imprimé facile à programmer.

Grégoire Aubret, cofondateur de la plateforme Simple-Duino.

Grégoire Aubret, cofondateur de la plateforme Simple-Duino. © Lisa Hör

Ils travaillent actuellement sur une box domotique, qui, à l'instar de celles vendues sur le marché par les grandes marques, permettrait de piloter sa maison. Premier défi : mettre au point une prise connectée, que l'on pourrait mettre en veille à distance depuis son téléphone portable.

La future box domotique, mise au point par Grégoire Aubret et ses frères.

La future box domotique, mise au point par Grégoire Aubret et ses frères. © Lisa Hör

Plus "classique", les amateurs d'imprimantes 3D sont assurés de trouver leur bonheur. Deux sites, Partage 3D et Freelabster, proposent à des particuliers de louer leurs machines à leurs voisins.

Bientôt, il n'y aura même plus besoin d'acheter de matière première, grâce au petit extrudeur-broyeur Ecoset 2.0, qui transforme les bouteilles de lait en bobines de fil plastique pour alimenter les imprimantes 3D. Son inventeur, Jean-Marc Vachot, le destine aux Fab Labs, dans lesquels l'esprit récup' est très présent.

Entre artisanat, jeux et robots

Un peu plus loin, Christophe Roussel propose à chacun de tester le confort de ses fauteuils en bois : une chaise de jardin en lattes de sommier recyclées, ou encore une chaise, qui une fois repliée ressemble à une statue africaine.

"Son assise suit le mouvement du corps, explique-t-il. Si on s'adosse, elle bascule légèrement vers l'arrière, et si on se penche, elle s'incline vers l'avant."

La chaise pliante fabriquée par Christophe Roussel.

La chaise pliante fabriquée par Christophe Roussel. © Lisa Hör

C'est la première fois qu'il présente ses créations, et la réaction des passants l'encourage à trouver une solution pour les commercialiser.

"Encore faudrait-il trouver des gens prêts à payer plusieurs milliers d'euros, car ça représente beaucoup d'heures de travail", se questionne Christophe. Ce qui ne l'empêche pas de réfléchir à perfectionner encore et encore ses sièges.

Dans l'allée voisine, des enfants font de la musique avec des clés à molette, en frappant sur des câbles tendus et reliés à des amplificateurs.

Ces instruments expérimentaux ont été fabriqués par l'association Brut Pop, d'abord à destination des enfants handicapés. Mais l'équipe s'est vite rendu compte qu'ils plaisaient à tous !

Les instruments simplifiés de Brut Pop.

Les instruments simplifiés de Brut Pop. © Lisa Hör

Permettre aux jeunes visiteurs de s'amuser avec les trouvailles de la Maker Faire : sans doute la meilleure stratégie pour leur donner envie de bricoler à leur tour.

Peut-être dans quelques années mettront-ils sur pied l'un de ces robots imprimés en 3D à taille humaine, dont les plans sont mis en libre accès par InMoov.

Eux aussi font beaucoup de bruit, puisqu'ils s'expriment dans un anglais légèrement métallique, pour répondre aux consignes qu'on leur donne oralement.

Les robots imprimés en 3D Inmoov.

Les robots imprimés en 3D Inmoov. © Lisa Hör

Mieux encore, ces robots s'améliorent grâce aux échanges sur internet de ses constructeurs. L'union fait la force des makers.