Lisa Hör - Publié le 21 septembre 2015
POLLUTION - L'air intérieur de nos maisons n'est pas toujours aussi sain qu'on le pense. Heureusement, une fois le diagnostic posé, chacun peut agir.
La maison est perçue comme un refuge. Un cocon à l'abri du monde extérieur et de ses pics de pollution. Très peu de Français (9%) estiment que la qualité de l'air dans leur logement est mauvaise, selon une enquête présentée au colloque Défis Bâtiment et Santé.
Pourtant, une trentaine de polluants a été détectée dans plus de la moitié des habitations expertisées par l'Observatoire de la Qualité de l'Air Intérieur, comme l'oganisme scientifique l'explique dans ce bulletin.
Cette contamination insoupçonnée n'est pas sans conséquences pour la santé. Heureusement, pour limiter les crises d'asthme, les rhinites, les conjonctivites, et les risques de cancer, des solutions existent.
La plus simple est aussi très efficace : aérer. Mais quand les problèmes de santé sont là, quand l'humidité et les moisissures s'installent, il ne faut pas hésiter à faire appel à un expert de l'air intérieur. Que ce soit pour les gestes du quotidien ou de plus gros travaux, il saura vous conseiller.
Bien aérer sa maison
Premier réflexe à adopter : ouvrir grand les fenêtres. Dix minutes par jour, même en hiver, c'est le minimum pour le renouvellement de l'air intérieur.
Souad Bouallala, experte auprès de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (l'Ademe), se veut rassurante : "une bonne part de la qualité de l'air intérieur peut être améliorée par notre comportement". Par exemple, en limitant l'apport de nouveaux polluants chimiques. "Pour le ménage, il ne faut surtout pas choisir le produit qui sent le plus fort, mais au contraire, éviter les parfums de synthèse", explique-t-elle.
Pour les produits et les matériaux de bricolage, l'étiquette renseigne sur les émissions de composés organiques volatils (COV). Un produit étiquetté A+ émet très peu ou pas du tout de polluants : en le choisissant, on préserve l'air intérieur. Une telle indication n'existe pas encore pour les produits d'entretien. En attendant, mieux vaut privilégier les écolabels.
Pour se convaincre de changer nos habitudes, et surtout pour connaître précisément les sources de pollution, on peut faire le diagnostic de l'air de sa maison.
Faire venir un conseiller médical en environnement intérieur
La première option est de recourrir à un conseiller médical en environnement intérieur (CMEI). Ces spécialistes, encore peu connus du grand public, se déplacent gratuitement à domicile, sur prescription médicale.
La visite se déroule en deux temps : d'abord un entretien avec les occupants du logement.
"On demande s'il y a eu des travaux récemment, ou encore si les habitants utilisent des parfums d'ambiance, qui dégagent des polluants", détaille Martine Ott, CMEI à Strasbourg.
Ensuite, des prélèvements d'air et de poussière sont réalisés pour identifier les différents polluants. Le CMEI donnera des conseils pour les neutraliser.
Ce qui pose le plus souvent problème, ce sont les acariens. "Nous recommandons d'opter pour des sols stratifiés plutôt que de la moquette, continue Martine Ott, et de commander des housses de protection pour les matelas, chez des spécialistes comme Immunoctem ou Dyn'r par exemple."
Utiliser un kit d'analyse de l'air intérieur
Certains se laissent tenter par le "home-testing" : des kits d'analyse vendus autour de 130 euros sur internet, et que l'on peut utiliser soi-même. Les capteurs, livrés par la poste, doivent rester plusieurs jours dans le logement, avant d'être envoyés à un laboratoire privé.
Le risque est de ne pas savoir interpréter les chiffres du laboratoire. Martine Ott cite le cas d'un particulier chez qui un kit de home-testing a révélé une présence anormale de benzène. "Ce monsieur s'est retrouvé désemparé et très inquiet devant ce résultat, qui n'identifiait pas la source de pollution, et ne lui donnait aucune solution", se souvient-elle.
Mieux vaut donc s'adresser à un professionnel. Mais la France compte seulement 35 CMEI en activité. Tous les départements ne sont pas couverts (la liste est consultable ici).
Appeler un expert du bâtiment à la rescousse
Une autre possibilité est de se tourner vers l'Association Française Interprofessionnelle de l'Air et de l'environnement (AFIA). Son secrétaire général, Yvan Marzolf, reçoit tous les jours des mails de particuliers désespérés qui ne savent plus quoi faire pour lutter contre l'humidité qui fait proliférer moisissures et acariens. Il se rend alors sur place, où dépêche un technicien du bâtiment pour une expertise.
Compter 100 euros pour mesurer le taux de formaldéhyde ou de benzène et 450 euros pour un audit complet des COV.
En cas d'erreur de conception sur le bâtiment, l'AFIA peut assurer la médiation avec l'artisan responsable, pour éviter d'aller jusqu'au procès. C'est son assurance décennale qui prendra en charge les travaux qui s'imposent.
"Le nombre de malfaçons est ahurissant", constate Suzanne Déoux, gérante de Medieco, une société de conseil en ingénierie de la santé dans le bâti et l'urbain. Mauvaise isolation et ventilation insuffisante sont monnaie courante. Résultat : des murs humides et donc malsains.
L'experte pointe un manque de spécialisation : "Une myriade de professionnels peuvent s'occuper de l'installation de la ventilation : les plombiers, les plaquistes, les menuisiers... Et ils n'ont pas forcément de formation spécifique."
Quelle ventilation choisir ?
La ventilation est l'outil le plus efficace pour lutter contre la pollution de l'air intérieur. Elle est obligatoire depuis 1982 seulement.
Pour la plupart des bâtiments construits avant cette date, le renouvellement de l'air se fait par les fuites d'étanchéité (fissures dans le mur, ouvertures sous les fenêtres...). En cas de travaux d'isolation, il faudra donc prévoir un nouveau système de ventilation.
En revanche, tous les logements construits après 1982 doivent prévoir des entrées d'air dans les pièces principales et des sorties d'air dans la cuisine, les toilettes et la salle de bain. La ventilation naturelle, faite par de simples grilles d'aération, est toujours possible.
Premier réflexe d'Yvan Marzolf, de l'AFIA, lorsqu'il inspecte les logements des particuliers : vérifier que ces grilles ne sont pas obstruées. "Pour extraire l'air vicié, il faut aussi des entrées d'air", explique-t-il. Le tirage naturel se fait grâce à la différence de température entre l'air intérieur et l'air extérieur (du chaud vers le froid).
Mais ce système est souvent trop efficace en hiver et pas assez en été. C'est pourquoi on privilégie la ventilation mécanique, qui assure une circulation de l'air permanente, quelques soient les conditions climatiques extérieures.
Consulter les différents types de ventilation (VMC simple-flux autoréglable ou hygroréglables et VMC double-flux).
Zoom sur les maisons basse consommation
Il faut être particulièrement vigilant sur la ventilation des bâtiments basse consommation (BBC), isolés pour consommer moins d'énergie. Cette année, le colloque Défis Bâtiments et Santé, s'est penché sur la question.
"Plus le bâtiment est performant sur le plan énergétique, moins il est perméable à l'air. On peut se permettre d'avoir cette enveloppe étanche, seulement si on a une ventilation qui marche bien", explique Suzanne Déoux.
Dans les faits, c'est encore trop rarement le cas. Une première étude, financée par l'Ademe, le Ministère du logement et la région Rhônes-Alpes, a livré ses premiers résultats. Les 21 maisons BBC observées présentent des défauts de ventilation.
Pour son installation, il est donc recommandé de recourir à un professionnel porteur de la mention RGE (Reconnu Garant de l'Environnement), qualifié pour prendre en compte l'efficacité énergétique. Un annuaire en ligne répertorie les professionnels agréés.
Les règles à respecter pour l'entretien des VMC :
- Laver la partie amovible des bouches d'extraction et des bouches de soufflage au moins 1 fois par an.
- Changer les filtres des systèmes double-flux une à deux fois par an.
- Faire réaliser un entretien complet tous les trois ans par un spécialiste.
Tous ces conseils, même appliqués à la lettre, ne dispensent pas d'aérer un peu chaque jour, en ouvrant les fenêtres. C'est à cette condition que vous pourrez, enfin, respirer à plein poumons.