Lisa Hör - Publié le 11 septembre 2018
NATURE - Tristan Guyon passe tous ses étés depuis 35 ans au refuge de la Croix du Bonhomme, dans les Alpes. Un quotidien intense, au rythme des arrivées des randonneurs, mais surtout... loin de tout !
Le moment préféré de la journée pour Tristan Guyon, c'est à 5h30. À cette heure, le soleil n'est pas encore levé, les randonneurs et les randonneuses non plus. Le calme est absolu et la voûte étoilée semble toute proche.
Alpiniste passionné de courses en montagnes, Tristan travaille tous les étés depuis 35 ans, de juin à septembre, au refuge de la Croix du Bonhomme, perché à 2443 mètres d'altitude. Une vie en pleine nature et loin de tout.
Un ravitaillement quotidien, à dos d'homme
Le ravitaillement se fait à pied. Pour rejoindre le refuge où sont livrées les denrées, en contrebas, il faut compter une heure de marche en descente et deux heures en montée avec 30 kilos sur le dos. “De temps en temps, on fait appel à l'hélico”, concède Tristan. Et aussi aux ânes du “père Michel”, le berger, devenu un ami.
Le tout pour nourrir les 7000 personnes qui défilent ici chaque été, arpentant les sentiers du tour du Mont Blanc ou de la grande traversée des Alpes.
Tristan et ses 6 collègues accueillent chaleureusement les randonneur-euses dans ce refuge réputé pour son ambiance familiale. “C'est parce qu'on bosse entre amis, il n'y a pas de chef ici”, explique-t-il.
Ce n'est donc pas la solitude qu'est venu chercher Tristan en altitude. “Je vois énormément de gens, bien plus que le reste de l'année”, affirme-t-il. Ni même la quiétude ! “On fait de grosses journées, on termine à 22h tous les jours et on a qu'une envie, c'est d'aller se coucher”, nous raconte Tristan par téléphone, avec un joyeux brouhaha en bruit de fond.
Des pièces envahies par la neige
Tristan a choisi cette vie un peu par hasard. Tout a commencé avec une petite annonce du Touring-Club de France, qui cherchait des gardiens pour ré-ouvrir ce refuge construit en 1922. Puisqu'il aime arpenter la montagne, il saute sur l'occasion.
Il découvre alors, avec trois complices qui se joignent à lui, une bâtisse presque en ruine “dans un piteux état et une misère extrême, avec ses vitres cassées et ses pièces envahies par la neige”, comme il détaille sur le site du refuge.
Les nouveaux gardiens remontent leurs manches pour le remettre en état, mais cela prend du temps. Pendant 7 ans, ils doivent faire avec des conditions de vie “rustiques”. Ils s'éclairent à la bougie et n'ont pas d'eau chaude. Mais ce côté débrouille, loin du quotidien, n'est pas pour lui déplaire.
“Ce sont d'excellents souvenirs”, raconte-t-il à l'autre bout du fil. La liaison n'est pas très bonne - les aléas de la montagne. Aujourd'hui encore, le confort reste relatif.
Des rencontres au sommet
Même si le refuge, racheté par le Club alpin français d'Albertville, dispose désormais de panneaux solaires photovoltaïques pour l'éclairage et de panneaux solaires thermiques pour chauffer l'eau des douches, il reste soumis aux caprices de la météo.
“Cette semaine, on n'a pas eu de soleil et donc on a des pannes de courant tous les soirs”, raconte Tristan. Mais il a été tellement habitué à se contenter de ce qu'il y avait sur place depuis son installation ici, surtout pendant les premières durant lesquelles il n'y avait pas du tout d'électricité, que ce n'est pas un problème pour lui.
Ce n'est pas toujours le cas des voyageurs et voyageuses de passage en quête de Wi-Fi (que le refuge n'a pas évidemment pas).
Au final, la vie dans le refuge est assez répétitive, et laisse peu de place aux loisirs. Mais les journées sont parfois ponctuées de rencontres marquantes, “souvent des gens qui marchent seuls”, comme cette femme qui parcourait le monde depuis 3 ans et dont se rappelle Tristan.
En fin de saison, quand il sera “assoiffé de repos”, il rejoindra sa famille en Bretagne, au bord de la mer. Car Tristan est aussi un marin. L'horizon de l'océan ou les cimes des montagnes, après tout, pourquoi choisir ?