Emmanuel Chirache - Publié le 15 novembre 2022
HABITAT LÉGER - Après avoir élu domicile dans la petite commune de Maché, cette famille originaire du Var est visée par une mise en demeure.
Depuis le 8 novembre, Adrien Cano et Marine Dunand sont contraints de payer une amende de 50 euros par jour s'ils ne libèrent pas leurs mobil-homes dans lesquels loge la famille depuis quatre ans. Installé sur leur parcelle agricole, cet habitat léger a provoqué la colère du maire de la commune de Maché, qui ordonne leur expulsion.
Pourtant, tout souriait jusque-là à ce couple de maraîchers originaire du Var. Souhaitant se lancer dans le maraîchage bio, c'est dans une petite ville de Vendée qu'il se décide à acheter en 2018 un joli terrain de 3,5 hectares, parfait pour développer leur activité. Après l'accord oral du maire de l'époque, Adrien et Marine installent deux mobil-homes à l'intérieur d'un bâtiment agricole présent sur leur terre, le temps de réunir les fonds pour solliciter un prêt et d'y construire éventuellement une maison. Aujourd'hui, ces deux "habitats légers" hébergent le couple mais aussi leurs deux enfants.
“Nous pourrions être un exemple de la fameuse sobriété énergétique”
Dès lors, tout va très vite pour le couple, qui s'est constitué depuis le début de l'année une jolie clientèle pour les ventes à la ferme. Des livraisons hebdomadaires sont également mises en place avec 4 magasins Biocoop à proximité de la commune. “Ça marche bien, en tout cas pour une première année”, se félicite Adrien. Seulement voilà, la ferme est aujourd'hui dans le viseur du nouveau maire de Maché, fraîchement élu en 2020, qui n'a pas tardé à lancer des procédures contre l'habitat de la famille.
Un procès-verbal est dressé en février dernier pour infraction au code de l'urbanisme suite à l'installation de résidences mobiles de loisirs et assainissement non contrôlé, dans le cadre du PLUiH local (le Plan Local d'Urbanisme intercommunal et Habitat). Si Adrien reconnaît que l'assainissement n'avait pas fait l'objet de contrôle à l'époque, il refuse d'être assimilé aux pollueurs, ce que sous-entend le maire dans la presse.
Au téléphone, il nous explique en effet que l'assainissement du terrain est géré par une phytoépuration qui permet aux eaux grises d'être évacuées dans une mare, laquelle a fait l'objet d'une analyse par un laboratoire. Bilan : aucune pollution n'est à déplorer. “Nos toilettes sont sèches, nos produits d'entretien sont écologiques et nos dépenses en énergie limitées. Nous pourrions être un exemple de la fameuse sobriété énergétique prônée par nos élus”, s'indigne le couple dans une pétition.
Aujourd'hui, le procès-verbal dressé à leur encontre empêche toute possibilité pour eux de contrecarrer les démarches du maire, le Service Public d'assainissement non collectif (SPANC) refusant d'opérer le contrôle d'un terrain faisant l'objet d'une infraction et la communauté de commune étant frileuse à l'idée d'aller à l'encontre de la décision du maire. Le 8 août dernier, le couperet tombe donc : suite à un arrêté de mise en demeure, la famille a trois mois pour quitter les mobil-homes et trouver un autre hébergement, sous peine de payer 1500 euros par mois.
Une décision qui menace l'équilibre de toute la famille
Loger dans un camping de la commune, s'inscrire sur une liste d'attente pour obtenir un logement social, comme nous le précise Adrien, ces brèves propositions suggérées sur le bout des lèvres par le maire ne tiennent pas compte des impératifs de leur activité professionnelle, laquelle dépend de leur habitat sur place. Si le couple a fini par engager des démarches pour la création d'un logement de fonction sur un bout de leur parcelle agricole, dérogation que l'on permet dans certains cas aux agriculteurs, il envisage cette hypothèse avec réticence, celle-ci ne respectant absolument pas leurs valeurs.
“Si l'on doit construire une maison, évidemment qu'elle sera hyper écologique, mais elle sera quand même plus polluante que notre habitat actuel, note avec amertume notre agriculteur. Notre habitat actuel coche tous les objectifs vers lesquels on essaie de tendre : pas d'artificialisation des sols, réutilisation de l'existant, gestion économe de l'espace, développement de l'agriculture bio, installation des jeunes agriculteurs”.
Une législation sur l'habitat léger qui évolue lentement
Après avoir fait appel à un avocat pour casser l'arrêté du maire, le couple espère compter sur la forte médiatisation de son histoire mais aussi le soutien de la communauté de commune pour convaincre le maire de “ne pas mettre une famille et une activité en danger. Ce qu'on espère, c'est de trouver une solution pour qu'on puisse rester dans nos deux mobil-homes qui sont suffisants pour nous et déjà installés, et où l'on peut vivre de notre profession tout de suite”, explique Adrien.
A travers son exemple, il aimerait également aider celles et ceux “qui ont envie de vivre en accord avec leurs valeurs” mais qui n'y parviennent pas à cause du flou juridique entourant les habitats légers. “Nous souhaitons que la loi évolue pour faciliter l'habitat léger pour les agriculteurs, tant qu'ils respectent la nature et les voisins. Une charte, ou bien des contrôles des installations, seraient faciles à mettre en place pour éviter la zizanie tant redoutée de nos élus”, martèle le couple de maraîchers.
Si vous souhaitez soutenir Adrien, Marine et leurs deux enfants, n'hésitez pas à signer cette pétition.