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ÉCOLOGIE - L'édition 2017 du festival Bellastock démontre que la terre n'est pas un déchet, mais un matériau de construction écologique.

Tee-shirt sur la tête et marques de boues sur les joues, 500 étudiants en architecture s'activent sous le soleil de plomb, en cette après-midi de juillet. Certains mettent la dernière poignée de paille sur leur mur en torchis, d'autres, masse à la main, aplanissent une terrasse.

Nous sommes au deuxième jour de chantier et ils ont déjà réussi leur défi : construire une ville éphémère en terre, sur la ZAC du futur Ecoquartier Fluvial de L'Île-Saint-Denis, en Ile-de-France.

© Lisa Hör

Chaque année depuis 11 ans, Bellastock, association d'architecture expérimentale, organise un festival d'architecture autour d'un matériau. Cette fois, elle a mis à disposition des participants des tas de terre récupérée sur des chantiers de construction et des briques en terre crue. De quoi bâtir les petites maisons qui leur servent d'abris pendant la nuit.

© Lisa Hör

"Le gros du travail a été de déblayer pour libérer de la place", raconte Sarah, 21 ans. "C'était la panique hier, on a fini le toit juste avant qu'il pleuve !", complète Jeanne, sa coéquipière du même âge.

Pour que la terre ne soit plus considérée un déchet

Au-delà de la performance, ils sont là pour apprendre à utiliser un matériau qu'ils ont peu l'occasion de rencontrer pendant leurs études. Mais aussi pour le faire découvrir au public, accueilli dans la "Ville des Terres" le samedi 15 juillet 2017.

"La terre est un matériau très intéressant, très écologique : si on détruit la maison, la terre redevient de la terre", déclare Jeanne, convaincue.

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C'est aussi un matériau disponible en grande quantité, mais souvent considérée, à tort selon Bellastock, comme un déchet. "40 millions de tonnes de terre par an qui vont être générées par les chantiers du Grand Paris", explique Antoine Aubinais, co-fondateur de l'association.

"L'objectif c'est qu'ils ne servent pas qu'à remplir des carrières ou à créer des paysages artificiels, mais bel et bien qu'on en face des matériaux de construction et qu'enfin la terre revienne sur le devant de la scène", complète-t-il.

© Lisa Hör

Pisé, bauge, torchis : des techniques de construction traditionnelles

Ici, les constructeurs ont élevé des murs en pisé (de la terre tassée dans des coffrages en bois), en bauge (des boules de terre mélangée à de la fibre), l'enduit à la terre (que l'on peut même réaliser avec la terre de son jardin). Autant de techniques utilisées traditionnellement dans de nombreuses régions en France, mais oubliées avec l'apparition du béton.

Les maisons de la Ville des Terres ressemblent plus à des petites baraques poétiques, avec leurs murs arrondis et leurs noms bien trouvés (Place de l'Aduleterre, Nuits de Boues...) qu'à des habitations tout confort.

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Mais le Pavillon Terre et Paille de 30 m2, inauguré à l'occasion du festival, est là pour montrer que ces méthodes de construction écologiques sont valables pour de vraies maisons habitables.

Une usine mobile pour réutiliser la terre de déblai des chantiers

À côté, les visiteurs peuvent également découvrir l'usine mobile, mise au point par Bellastock avec CRAterre, association grenobloise et laboratoire de recherche sur l'architecture en terre crue.

Le pavillon Terre et Paille, inauguré pendant le festival.

Le pavillon Terre et Paille, inauguré pendant le festival. © Lisa Hör

Cette machine peut être tractée jusqu'à un chantier et doit permettre de transformer la terre de déblais directement sur place.

La terre passe dans un tamis, avant d'être malaxée avec de l'eau, et éventuellement du ciment ou de la chaux. Le mélange est ensuite compressé pour obtenir des briques de terre crue. Trois ouvriers ont ainsi produit 20 000 briques en un mois et demi pour le festival.

Pour l'heure, les étudiants qui participent au festival se préparent à un week-end chargé : danse toute la nuit du samedi sous la bretelle d'autoroute qui enjambe l'île et démontage de La Ville des Terres le dimanche. Sans oublier de reconditionner les palettes de briques, qui devront resservir pour de futurs projets.

Heureusement, tout est prévu pour reprendre des forces : bains chauds, bains froids et bains de boue à volonté !