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MINIMALISME - Le minimalisme est super tendance. Vous l'êtes ? Si vous tremblez à chaque fois que vous sortez votre carte bancaire vous êtes peut-être plus radin que minimaliste !

À moins que vous ne viviez coupé du monde depuis plusieurs années, vous n'avez pas pu échapper au phénomène minimaliste.

Il fut un temps où exposer sur les réseaux sociaux l'opulence était tendance. Aujourd'hui il est devenu cool de vivre chez soi avec l'équivalent d'un kit de survie. À tel point que l'on parle de minimalisme partout : sur Youtube, dans les livres, sur les blogs.

Le crédo de ses adeptes : vivre avec moins pour vivre mieux. Pour Fumio Sasaki, l'un des chefs de file de ce mouvement, être minimaliste consiste à réduire au maximum ce dont vous avez besoin pour vivre. Ce Japonais en a fait lui-même l'expérience puisque cet ancien acheteur compulsif vit désormais avec 200 objets.

Mais est-ce que cette belle philosophie de vie, souvent écolo et parfois décroissante, ne serait pas aussi (ou surtout !) une belle excuse pour les radin-es ? Les minimalistes utilisent-ils ce mouvement pour justifier leur avarice ?

“Faire des économies est l'une des motivations les plus importantes”

Lucile Bourdet est une minimaliste convaincue. Autrice du blog positivessence.fr, elle s'est séparée de 80% de ses objets pour pouvoir vivre une vie plus simple à travers le monde. Toute sa vie tient aujourd'hui dans une valise de 10kg.

Pour elle, le minimalisme est un moyen de se libérer du superflu et de s'entourer de choses utiles et essentielles : “on évite de passer samedi après-midi à faire du shopping et acheter des choses dont on n'a pas vraiment besoin.” Une stratégie qu'elle a mise en place dès la fin de ses études pour pouvoir mettre de l'argent de côté dans le but de partir travailler en Australie.

J'ai commencé à me séparer de vêtements, de produits Hi-fi que j'ai revendus. J'ai arrêté de fumer, de faire la fête. J'ai mis mon projet au centre de mes préoccupations.

La jeune femme de 31 ans, l'affirme : “faire des économies est l'une des motivations les plus importantes” pour celles et ceux qui adoptent cette “philosophie de vie”.

Une réaction sereine face aux injonctions de la consommation

Une motivation économique qui pousse certain-es minimalistes à revoir leur manière de consommer. Dominique Loreau, essayiste française et autrice de L'Art de la simplicité (Ed. Robert Laffont, 2005) nous le confirme : “beaucoup recherchent une forme de sérénité, d'éloignement de la société de consommation qui les stresse, les angoisse.

Adepte de la culture zen, la spécialiste de la simplicité invite celles et ceux qui souhaiteraient se lancer “à se remettre en question, se demander pourquoi elles consomment tel ou tel bien, telle ou telle chose, tel ou tel loisir.

L'important est de reprendre contact avec le monde réel et de lâcher prise avec les injonctions de la société de consommation : “avoir une promotion au travail, un nez plus parfait, un plus grand nombre de likes…”, énumère Dominique Loreau.

Ce n'est pas dans la course à la performance que les minimalistes parviennent à être heureux. La clé selon elle ? Passer plus de temps à la maison et ne pas chercher à être plus que ce que vous êtes.

Une réponse des classes moyennes à la crise

Et si le minimalisme était finalement une réaction à la crise économique ? Dominique Desjeux, anthropologue et spécialiste de la consommation rappelle qu'après la crise de 2008, “les gens qui étaient en faveur d'une consommation raisonnée étaient ceux qui avaient un pouvoir d'achat qui avait baissé.

Pour “la classe moyenne basse” dont le niveau de revenu stagne voire diminue, le minimalisme pourrait être un outil. Un outil pour amortir l'importance croissante des dépenses contraintes comme le logement.

Pour Maéva, 32 ans, à la tête du blog La cabane de Moe, la sécurité financière que lui a offert le minimalisme lui a permis de se sentir “plus libre” en réalisant des investissements sur le long terme : “au lieu de m'acheter beaucoup d'habits dans les magasins, j'ai acheté une maison assez rapidement”, raconte-t-elle.

Ce fut aussi un moyen de gagner du temps, de mieux s'organiser pour profiter de ce qu'elle aime vraiment. Maéva se souvient : “Quand je suis devenue maman, je me suis rendu compte qu'avec toutes les tâches à faire je n'avais plus de temps libre. Je me suis dit, ce n'est pas ça ma vie, je ne veux pas avoir à jongler entre toutes ces corvées. Il a fallu tout simplifier au maximum.

En attendant un vrai partage des tâches à la maison, le minimalisme pourrait contribuer à diminuer la charge de travail domestique des femmes. On ne peut que valider !

Une simplicité tout en menant une vie normale

Tout cela fait-il des minimalistes de bonnes petites fourmis, raisonnables quand la bise fut venue ? Dominique Loreau ne parle pas de “radin”, elle préfère l'expression “personne économe”, ce qui n'est évidemment pas la même chose. Cette spécialiste du minimaliste, qui ne se reconnaît pas dans le phénomène de mode actuel, prône la simplicité.

Je ne possède pas de choses « au cas où ». Je ne garde pas les livres que j'ai déjà lus, par exemple, ou toute une série de vaisselles pour invités. Mais j'ai du bon thé, un canapé et un lit confortables, le chauffage, des ustensiles pour cuisiner, de la vaisselle pour manger, bref, de quoi mener une vie normale.”

Ce mode de vie simple, presque ascétique n'a rien de nouveau. Dominique Desjeux rappelle qu'au 4ème siècle déjà, certains moines qui refusaient la consommation excessive et le gaspillage “se retiraient dans le désert pour y créer des monastères et se couper du monde.

L'histoire se répète, les Grecs ne nous avaient pas menti ! Reste à savoir si le minimalisme survivra à une hausse du pouvoir d'achat. Si tant est que cela arrive un jour...

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