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UPCYCLING - Pendant tout un week-end, 171 artistes et designers ont puisé dans 2 000 m3 de déchets pour créer oeuvres d'arts et meubles délirants.

La veille, leur stand a été dévalisé par les visiteurs, alors ils ont passé toute la nuit à reconstruire de nouveaux objets improbables. "On a fait une sieste de 20 minutes", s'amuse le designer Tim Defleur, pendant que son acolyte, Benjamin Helle, renseigne les curieux et les acheteurs.

En ce dimanche après-midi, ils sont nombreux à se presser dans les vastes hangars qui accueillent la Braderie de l'Art, le rendez-vous incontournable de création tendance récup', qui a lieu chaque année à Roubaix depuis 1991. En tout, 20 000 personnes seront venues tout au long du week-end pour découvrir le travail de 171 artistes, designers et bidouilleurs.

Dans les allées de la Braderie de l'Art de Roubaix.

Dans les allées de la Braderie de l'Art de Roubaix. © Lisa Hör

Le principe : puiser dans un stock de 2 000 m3 de déchets industriels (plastique, bois, carton...), donnés par les entreprises du réseau Re-collecte, et de meubles abimés, achetés auprès d'Emmaüs, pour façonner des oeuvres (sculptures, tableaux peints sur des palettes, mais aussi meubles fonctionnels).

Elles sont vendues entre 1 et 300 euros, dans un brouhaha de perceuses et de coups de marteaux. “Un joyeux bordel”, résume Sabine Duthoit, porte-parole de l'association Art Point M à l'origine de l'événement. Ces deux jours tiennent de la performance, puisque pendant deux jours les créateurs travaillent en public.

L'Atelier des Chauds au travail.

L'Atelier des Chauds au travail. © Lisa Hör

Redonner vie aux objets, littéralement

Dans ce bric à brac, les jeunes designers Tim Defleur et Benjamin Helle ont choisi de s'amuser avec des tubes en PVC transformés en pots de fleurs. Ils les ont collés partout : à la place du pied manquant de ce vieux tabouret de bar, derrière ce cadre un peu ringard...$

"Tout ce qu'on fait ici, c'est redonner vie aux objets. On a voulu le prendre au premier degré", explique Tim Defleur. La vie au sens propre, en accolant une plante, vivante, à un meuble mort.

Tim Defleur et Benjamin Helle, qui forment le duo Accent.

Tim Defleur et Benjamin Helle, qui forment le duo Accent. © Lisa Hör

La Braderie de l'Art est un concentré de poésie, d'humour (comme avec ce tabouret-balance par le collectif belge Kalbut) mais aussi d'engagement écologique.

Le tabouret-balance de Kalbut, pour s'asseoir et se peser en même temps.

Le tabouret-balance de Kalbut, pour s'asseoir et se peser en même temps. © Lisa Hör

Inciter à stopper le gaspillage 

"Fabriquer différemment suppose aussi de consommer différemment, on est dans la logique du circuit court et de l'économie circulaire", estime Sabine Duthoit, en nous guidant vers les invités spéciaux de cette édition, un groupe de designers et architectes de Beyrouth, au Liban.

Venus en résidence dans le Nord pendant une semaine, ils ont bricolé une machine à broyer et fondre le plastique, pour fabriquer de nouveaux objets. Le but ? Faire prendre conscience de la grave crise de gestion des déchets et du manque d'eau potable à Beyrouth, où les habitants consomment beaucoup de bouteilles en plastique.

"En étant plus en contact avec ce matériau, on comprend qu'il ne faut pas le gaspiller", estime Ahmad Kouja, en suspendant, les yeux cernés par ce week-end intense, l'un des abat-jour design fabriqués avec un épais fil de plastique enroulé.

Les abat-jour fabriqués à partir d'un stock de bouteilles en plastique par Ahamd Khouja.

Les abat-jour fabriqués à partir d'un stock de bouteilles en plastique par Ahamd Khouja. © Lisa Hör

Juste derrière lui, les assises de Farid Harb, réparées avec du plastique fondu, n'ont pas encore trouvé preneur. "Peut-être que les gens les trouvent étranges, se questionne-t-il. On est habitué au plastique sous forme de bouteilles, mais pas sur un meuble..."

© Lisa Hör

L'imprimante 3D au service de la récup'

Pourtant le plastique a toute sa place dans l'upcycling, cet art qui consiste à valoriser des déchets, à les transformer pour les réutiliser, sans les envoyer en usine de recyclage.

La preuve un peu plus loin, avec les tables fabriquées à partir de tourillons et de panneaux de contreplaqué récupérés par Jean-Baptiste Ricatte et Johan Paquelier. Au centre de chaque plateau, la pièce maîtresse est bien le joint de plastique, imprimé en 3D. C'est lui qui maintient les différents éléments ensemble.

Une table par Objets Imprimés.

Une table par Objets Imprimés. © Lisa Hör

Les deux designers, créateurs de la marque Objets Imprimés tiennent d'ailleurs les plans de leurs produits à disposition en open-source sur internet.

Une façon d'inciter chacun, bricoleur ou non, à se lancer et à fabriquer ses propres meubles récup', avec les outils et les matières premières que l'on trouve à portée de main.

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