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LA PETITE MAISON DANS L'ÉCOLE - Depuis qu'il est né, Jarod vit dans l'école où il a étudié quand il était enfant. Il nous raconte cette expérience peu banale.

Cela fait maintenant un peu plus de 22 ans que je vis avec mes parents. Une vie tout à fait normale à l'exception d'une chose convoitée par beaucoup d'enfants durant mon enfance : je vis dans une école depuis ma naissance. 

Non, je ne dors pas dans une salle de classe comme certains petits s'amusaient à me dire quand j'étais enfant, je réside dans un appartement rattaché à l'école en question. Un mode de vie étonnant, il faut bien l'avouer, qui m'a toujours donné l'impression d'être un peu à part.

Ressenti personnel, idées reçues, témoignages : je vous invite à partager des petits bouts de mon quotidien de vie et de celui de mes proches dans une école élémentaire. 

Les retards à l'école ? Jamais connu

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, vivre dans une école ne m'a pas traumatisé quand j'étais enfant. À l'inverse, la situation m'a fortement favorisé ! Les retards à l'école ? Jamais connu, je pouvais me permettre d'arriver pile à l'heure pour l'appel sans courir. Un sentiment partagé par ma sœur Lya qui a fait sa CM2 dans cette école. “Le fait de vivre dans l'établissement m'a aidé en terme de proximité entre ma maison et mon lieu d'études. J'ai vu une différence flagrante entre mes anciennes années de primaire et celle-ci”, dit-elle. Les problèmes de transports pour aller à l'école n'étaient plus qu'un lointain souvenir pour elle. 

Mieux encore, ma mère détient toutes les clés donnant accès aux classes, au gymnase et plein d'autres salles, ce qui représente un avantage considérable dans certaines situations. “C'est un avantage d'avoir une mère gardienne quand on oublie ses affaires en classe, c'est toujours moins pénalisant”, témoigne encore ma sœur.

La cour de récré constituait aussi un atout de taille pour nous quand nous étions petits, le week-end et les périodes de vacances scolaires. Sport, fêtes de famille, rendez-vous avec les amis, cet espace nous permettait de nombreuses possibilités. ”Durant les vacances scolaires, j'avais la cour, je pouvais en profiter pour faire des batailles de boules-de-neige avec mon petit frère en hiver ou organiser des goûters d'anniversaire avec mes proches”, explique Lya.

J'étais dans un cadre privilégié pour élever mes enfants

Pour ma mère, ce cadre de vie a représenté une opportunité d'élever ses enfants dans la sécurité et la sérénité. Vivre à l'école lui a simplifié la vie quotidienne, dans un contexte monoparentale. ”Je me suis retrouvé dans un cadre privilégié pour élever mes enfants”, dit-elle. Gardienne de l'école, elle s'est davantage impliquée dans la scolarité de ses enfants. “J'étais confronté plus rapidement à leurs problèmes scolaires, ce qui m'a donné la possibilité de les régler plus facilement”.

De son point de vue, ma mère voit son expérience de gardienne comme quelque chose qui l'a aidé à enrichir ses relations humaines. “Je me retrouve au jour le jour face à tout corps de métier, ce qui m'a changé socialement et m'a permis d'améliorer ma rhétorique, ma culture, mais également mon sang-froid dans les moments de conflit”. Ce lieu lui est tellement cher, qu'elle a tenu à organiser une partie de son mariage dans l'école en guise de symbole. 

Toujours confronté à la vie scolaire

Attention, vivre dans une école amène aussi son lot de petits inconvénients auxquels il faut s'habituer avec le temps. Pour ma part, durant ma primaire, mon collège, voire mes années lycée, je n'avais aucun mal à cohabiter à côté d'une cour d'école. À la fac, en revanche, les horaires et les périodes de vacances divergent fortement de celui des enfants de mon école, il a fallu se faire à de nouvelles contraintes.

Tous les matins, tu te sens agressé par la sonnerie et les cris d'enfants alors que tu souhaites juste faire une bonne grasse matinée” se souvient ma sœur en ricanant. Adieu les grasses matinées et bonjour les réveils du mauvais pied. Cette situation n'est pas permanente et on finit par s'habituer à reprendre un sommeil lourd, mais c'est une transition difficile. Au final, c'est sans doute ce qui explique ma capacité à alterner sommeil léger et sommeil lourd sans forcer.

Pour mon beau-père, qui vit dans cette école depuis un peu plus de 5 ans maintenant, la question de l'intimité peut aussi se poser dans certains cas du quotidien. “Quand on est en vacances ou en maladie, on est toujours confronté à la vie scolaire, les enfants, la sonnerie, le personnel, on les entend et ils nous entendent aussi”, dit-il.

Autre souci, la sécurité. Ma mère voit l'école un peu comme une extension de notre maison. Ce qui signifie qu'il faut “faire deux fois plus attention en terme de sécurité quand tu rentres chez toi ou que tu pars de chez toi, étant donné que tu n'es pas seul”, remarque-t-elle. 

Tout le monde me disait que j'avais de la chance de vivre dans une école” 

Mais une chose qui m'a toujours étonné, ce sont les idées reçues de mon entourage, qui me disait tout le temps que j'avais de la chance de vivre dans une école. Durant mon adolescence, j'avais le droit à des phrases comme “Ça veut dire que tu peux faire des soirées dans la cour avec plus de 100 personnes ?” ou “vas-y, la prochaine fois, on fait une soirée projet X et tu seras le plus populaire du lycée !” Des fantasmes bien loin de la réalité.

Certes, le cadre est parfait pour faire d'énormes soirées dans les règles de l'art en amenant une rivière de personnes prêtes à s'amuser jusqu'au bout de la nuit. Mais il aurait fallu que je sois totalement irresponsable pour agir de cette manière, puisque le moindre accident aurait eu des répercussions dramatiques sur le travail et la situation de ma mère.

Vous l'aurez compris, dans cette cour d'école, j'y ai vécu mes meilleurs anniversaires d'enfant et des rassemblements familiaux mémorables en hiver comme en été. Fêtes, fiançailles, mariages, beaucoup d'événements s'y sont produits.  Une chose est sûre cependant, c'est que je ne regrette toujours pas le fait d'avoir été élevé au sein de cette école.