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INITIATIVE - L'association Vert le Jardin propose à un collectif de se retrouver au cimetière Kerfautras pour jardiner et profiter d'un moment d'échange et de calme.

Planter des choux ou semer des radis à côté de la tombe de son grand-père peut paraître incongru, et pourtant, c'est le projet de ces jardiniers en herbe ! À Brest, l'association Vert le Jardin a créé un jardin partagé au cimetière Kerfautras, avec l'accord et le soutien de la municipalité. Dans le quartier, c'est le seul endroit assez vaste pour accueillir l'aménagement d'un espace vert collectif.

D'une superficie de 200 m², le terrain a été divisé en deux, une partie collective pour une vingtaine d'adhérents d'un côté, et 7 parcelles individuelles d'environ 5 m² de l'autre. Si l'installation d'un potager participatif dans un tel lieu peut paraître surprenante, elle permet en réalité de renouer avec l'ancienne atmosphère des cimetières d'antan, conviviaux et animés. Pas question pour autant de faire n'importe quoi, le recueillement doit rester la règle.

“Faire de ce cimetière un lieu de vie” 

Créé quelques jours avant le premier confinement de mars 2020, ce jardin partagé offrait une occasion aux gens du quartier, habitant autour d'un kilomètre, de se retrouver durant une heure pour le plaisir de cultiver. On pourrait croire que les membres de ce collectif, armés de leurs pelles et autres brouettes, auraient dérangé bruyamment riverains et visiteurs du cimetière.

Au contraire, le collectif respecte scrupuleusement la décence et la tranquillité du cimetière auxquelles sont attachés visiteurs et riverains : “Ça pourrait les gêner si on n'était pas aussi attentifs ”, explique Claire Maisonneuve, la doyenne du collectif, en parlant des personnes qui viennent se recueillir, “alors on tient compte de ça, des gens en souffrance et on reste très respectueux”. C'est pourquoi nos jardiniers amateurs attirent plutôt les rencontres avec les promeneurs, qui n'hésitent pas à s'arrêter un instant  : “Une femme promène souvent son chien ici et me donne des conseils. Ça amène de la vie”, témoigne Claire.

Pour la retraitée, ce silence bienveillant, c'est tout l'intérêt de venir cultiver ici : “C'est méditatif, on est dans la nature, il y a les oiseaux,, et des gens qui reposent là”. Traverser l'allée des tombes lui offre chaque fois un instant de réflexion philosophique : “La vie et la mort se côtoient, c'est un bon rappel. Je trouve que c'est une bonne idée de faire de ce cimetière un lieu de vie”.

Jardiner dans le cimetière Kerfautras offre une occasion à Claire d'en apprendre plus sur l'histoire de Brest : “J'ai découvert plein de noms, en lisant les tombes et les stèles commémoratives”, se souvient-elle. Ici reposent notamment les soldats et civils morts lors de l'explosion de l'abri Sadi-Carnot, un tunnel créé pour se protéger des bombardements. C'est l'épisode le plus meurtrier de la seconde guerre mondiale à Brest.

 100 €, une cabane, deux conteneurs de pluie et du matériel de jardinage

Les adhérents sont presque tous des jardiniers en herbe. Claire est la seule retraitée, les autres adhérents sont surtout des parents d'une quarantaine d'années qui viennent dès qu'ils le peuvent, le mercredi après-midi et le samedi, accompagnés de leurs enfants, qui en profitent ainsi pour apprendre à jardiner : “Ils sèment, plantent, découvrent. Les parents sont très pédagogues et aménagent un coin de parcelle pour eux”, explique Claire Maisonneuve. 

Il faut dire que l'espace collectif de jardinage se prête bien à ce type de cours naturaliste, puisqu'on y cultive toutes sortes de légumes : “L'année dernière, on a réussi à cultiver des poireaux, de la laitue, des betteraves, des potimarrons, des cucurbitacées, des haricots blancs, quelques choux fleurs, radis ou encore des tomates dont on avait quelques graines”, énumère Claire. Le collectif bénéficie de l'aide de la mairie, qui a offert 100 € pour le démarrage, une cabane, deux conteneurs de pluie et autres matériaux de jardinage.

Hélas, les récoltes ne sont pas très bonnes en ces périodes sans pluie, Claire et l'équipe d'adhérents s'attèlent donc à se débarrasser de la Renouée du Japon, une plante vivace qui envahit le terrain. Si le projet se poursuit bien, toujours dans le respect des lieux et des riverains, Claire espère une prochaine extension du jardin partagé. Un point sera fait par le service du cimetière et l'association Vert le Jardin, en fin d'année, qui déterminera si cela est envisageable. 

© Claire Maisonneu