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JARDINRAMA - Eric, jardinier et bricoleur passionné, a fabriqué son propre potager aquaponique. Retour d'expérience et explications techniques !

Les abeilles qui produisent du miel, tout le monde sait ça. Les fourmis qui élèvent des pucerons, aussi. Mais les poissons qui font pousser des légumes ?

"L'aquaponie, c'est une technique que l'on voit surtout aux Etats-Unis, pour cultiver hors-sol. En France, c'est très peu connu", explique Eric Lafarge, 37 ans. Ce jardinier et bricoleur passionné a répondu à un appel à témoignages de Castorama et nous raconte son projet, en direct de son jardin, dans la petite ville de Villefontaine, en Isère

"Vous avez un bac avec des poissons et un bac de culture. Tout fonctionne en circuit fermé. Les poissons émettent des déjections pleines d'azote et de phosphore. Des bactéries transforment ces déchets en engrais pour les plantes et l'eau retourne aux poissons", complète-t-il.

Trois niveaux de croissance dans le bac de culture. © Eric Lafarge

Ce système, il l'a mis en pratique chez lui, à petit échelle, et la symbiose fonctionne bien. Très bien même. "Dans un bac de 2 m² de culture, j'ai ramassé jusqu'à une trentaine de kilos de tomates. J'ai fais des sauces, congelé des tomates, distribué une partie à mes voisins... Ça poussait tellement que je ne savais plus quoi en faire", s'étonne-t-il encore aujourd'hui.

Alors comment s'y est-il pris pour parvenir à un tel résultat, et comment faire pour reproduire la même chose chez vous ?

Comprendre le fonctionnement de l'aquaponie
© Schéma par la start-up Risebox, qui voulait commercialiser des potagers aquaponiques en kit.  

Un potager aquaponique fait-maison et pas cher

D'abord, pourquoi se lancer dans l'aquaponie ? Par curiosité, goût du bricolage et de l'expérimentation. C'est aussi une solution lorsqu'on ne peut pas cultiver en pleine terre. Eric a commencé à s'y intéresser alors qu'il vivait en appartement. Il envisageait alors de cultiver en aquaponie à partir d'un aquarium d'intérieur. Finalement, lorsqu'il a pu emménager dans une maison avec jardin, il s'est lancé dans un projet plus ambitieux, à partir d'une cuve en plastique de 2000 L, abandonnée sur son terrain.

S'il existe dans le commerce des kits prêts à installer, il a préféré fabriquer son système aquaponique seul, pour que cela lui coûte le moins cher possible.

Le fait qu'il travaille dans le traitement des eaux et ait fait des études de biologie l'a sûrement aidé, mais toutes les informations sont sur Internet nous indique-t-il : "J'ai regardé des vidéos sur YouTube et discuté avec une personne à la Réunion, qui cultive en aquaponie de façon professionnelle. J'ai dû passer à peu près 2 mois dessus."

Le potager en aquaponie au repos. © Eric Lafarge

Il a donc coupé la grande cuve en deux, pour faire le bac à poissons et le bac avec le substrat. "Le mieux, ce sont les billes d'argile, mais ça coûte cher, j'ai donc acheté des sacs de pouzzolane", détaille-t-il. Une petite pompe amène l'eau du bac à poissons dans le substrat, où des bactéries se développent et transforment les déjections en nutriment. La pompe achemine ensuite l'eau vers le bac de culture (ici, un bidon en plastique coupé en deux).

© Eric Lafarge

"J'ai dû mettre 200 euros dans mon système, et je paye 10 euros d'électricité par an pour la pompe et le bulleur pour apporter de l'oxygène aux poissons", estime Eric.

Le plus délicat pour lui, c'est le démarrage du système, pour que les bactéries se développent : "Il existe des kits de bactéries que l'on peut acheter aux Etats-Unis, mais avec le transport, ça monte vite à 200 euros. Mais il y a aussi une méthode gratuite. On peut récolter des bouteilles de son urine et d'en mettre dans l'eau, avant d'y installer des poissons."

Lui a choisi des poissons rouges. Moins chers à l'achat, ils s'adaptent bien aux différences de températures en extérieur. Mais vous pouvez aussi préférer des tilapias, des truites ou mêmes des écrevisses.

Jeunes pousses. © Eric Lafarge

Le grand avantage de ce potager, c'est qu'il nécessite très peu d'entretien :  "J'ai un système totalement cyclique, je n'apporte plus de nourriture, les poissons se nourrissent des algues."

Quels fruits et légumes récolter dans un potager aquaponique ?

L'aquaponie est surtout indiquée pour les légumes à feuilles, les légumes racines nécessitant beaucoup de place. Salades, menthe, ciboulette, melons, poivrons, et même une plante carnivore pour éliminer les insectes... Cela laisse beaucoup de possibilités. "Il y a 2 ans, j'avais des fraises jusqu'au mois de décembre, c'était assez rigolo de faire une tarte aux fraises à Noël pour ma famille", se souvient Eric.

Le système aquaponique sous la serre, avant qu'elle ne soit arrachée par le vent. © Eric Lafarge

Les tomates ont été un grand succès, mais elles ont pris beaucoup de place, c'est pourquoi il envisage plutôt avec un potager aquaponique en forme de tour.

Si vous vous posez la question, oui, l'aquaponie est compatible avec le bien-être des poissons, comme nous l'expliquions dans cet article. C'est même très bon pour eux, dans la mesure où cela évite d'avoir à changer leur eau. Bien sûr à condition de respecter leurs besoins d'espace : 10 L d'eau en moyenne par poisson de 10 cm.

Verdict, après plusieurs années d'expérimentations ? "C'est un système très ludique, très sympa à faire, vous voyez la vie et les poissons", apprécie Eric, qui a réussi à convaincre ses parents, jardiniers assidus et plutôt sceptiques au début.

"J'ai aussi un collègue qui est venu voir et en a fait un aussi avec un aquarium en intérieur. Il s'est limité à des plantes aromatiques, avec un aquarium de 50 L et un bac de culture d'1 m sur 20 cm, et ça marche très bien."

Quant à lui, il projette d'agrandir encore son potager avec un nouveau bac à poissons. Plus de récolte, pour plus d'autonomie !