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PORTRAIT - Ce biohacker suédois s'est fait implanter une puce électronique. Très utile pour ouvrir les portes ou s'identifier auprès de son réfrigérateur...

Ce jour-là, alors qu'il nous accorde un entretien depuis la Suède, Hannes Sjöblad fête un anniversaire un peu particulier. Voilà un an, tout juste, qu'il s'est fait implanter une puce NFC dans la main. Le même type de puces que celles utilisées dans les passeports électroniques ou les cartes de crédit sans contact.

Elle lui a permis, ce matin même, de se rendre à sa salle de gym, les mains dans les poches. Pas besoin d'emporter sa carte de membre, il lui a suffi de passer sa puce devant le lecteur, pour être identifié et avoir le droit d'entrer.

Est-ce que cela fait de lui un cyborg ? "Non, parce que mon implant ne communique pas directement avec mon corps, il n'est pas connecté à mon système nerveux, répond-il en riant. J'aimerais bien un jour, mais ce n'est pas encore le cas."

Parler le langage des machines

Hannes Sjöblad, 39 ans, est le fondateur de l'association BioNyfiken, qui signifie "curieux de biologie" en suédois. Les biohackers explorent toutes les façons d'améliorer le corps humain grâce à la technologie.

Difficile de faire carrière dans ce domaine, alors Hannes a aussi "un vrai métier" à la ville. Il travaille comme "chief disruption officer". Mot-clé dans le monde du business de l'innovation, la "disruption" désigne un changement radical et inattendu lié à une nouvelle technologie. Hannes aide donc les entreprises à identifier les innovations qui pourraient bouleverser leur marché.

En décembre 2013, il découvre une campagne sur internet, pour financer les premières puces NFC à destination des humains. Il y voit un moyen formidable de "parler le langage des machines". Avec son collectif, il achète des kits et lance les Implant Parties, où chacun peut se faire injecter une de ces puces sous la peau.

Un peu plus d'un an plus tard, il était à Paris, pour l'une de ces conférences. La première Implant Party française a été largement relayée par la presse. Huit personnes se sont laissées tenter par l'implant. La présentation de Hannes est à revoir, en anglais, dans la vidéo ci-dessous.

Après son discours, il s'est prêté à une petite démonstration pour les journalistes. Plutôt que de leur distribuer sa carte de visite, il les invitait à scanner sa main avec son téléphone portable pour y lire ses coordonnées.

Laisser ses peurs de côté

Sympathisant du parti Pirate suédois, qui veut notamment renforcer les droits relatifs à la vie privée, Hannes se dit concerné par la protection des données. Mais selon lui, nous laissons déjà une myriade d'information nous concernant sur le net. Alors ces puces électroniques, que l'on ne peut lire qu'en s'approchant à quelques centimètres, ne sont pas un véritable danger.

"Ce n'est pas dangereux non plus pour la santé, on utilise ce genre de puces sur les animaux depuis des années", répète-t-il inlassablement. En parfait ambassadeur du transhumanisme, ce mouvement culturel qui prône l'amélioration de l'homme par la machine, Hannes se veut rassurant. Même s'il comprend les peurs liées à cette nouvelle technologie : "C'est naturel d'avoir peur de ce qu'on ne connaît pas."

La révolution est déjà en marche, à nous de savoir ce que nous voulons en faire : voilà son message. "C'est évident que l'homo sapiens n'est pas le point final de l'évolution, argumente-t-il. La technologie est déjà en train de transformer notre condition. Pour moi le véritable débat est le suivant : comment allons-nous l'utiliser pour réduire les souffrances et améliorer notre vie."

Hannes Sjöblad à Paris, en juin 2015.

Hannes Sjöblad à Paris, en juin 2015. © Hugo Passarello Luna

Améliorer sa vie quotidienne

Une simple puce, de la taille d'un grain de riz, pourrait-elle transformer notre quotidien ? Les applications actuelles semblent plutôt réduites. Mais Hannes entrevoit de grandes possibilités. D'après lui, les objets de la maison pourraient tous être dotés de lecteurs.

À commencer par la porte d'entrée : plus besoin de clés, il suffirait de saisir la poignée pour être identifié et pour pouvoir rentrer. Autre exemple avec des toilettes intelligentes qui analyseraient les données corporelles des utilisateurs. Encore faudrait-il savoir qui s'est assis sur le siège.

"Personne ne veut taper un code ou utiliser un badge chez soi. Avec un implant, la communication pourrait se faire automatiquement", s'enthousiasme Hannes. "Nous aurons des millions d'objets connectés autour de nous, et nous aurons besoin d'interagir facilement avec eux". Que ce soient des toilettes ou un réfrigérateur intelligent.

D'après lui, 500 personnes se sont faites implanter au cours de ses conférences. Le nombre d'adeptes est encore faible, mais pour Hannes, la tendance est bien là. Il fait le parallèle avec les téléphones portables, dont on pensait pouvoir se passer. Après tout, on avait déjà un téléphone à la maison...

Mais ce qui a enrichi sa vie, depuis un an, ce sont toutes les rencontres faites au fil des conférences. Finalement, derrière la technologie, Hannes s'intéresse surtout aux idées. "Les puces sont utiles pour ouvrir des portes, mais elles le sont surtout pour ouvrir de nouvelles conversations", conclut-il.