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RECONVERSION - Denis Berger, auteur du site Loessence Permaculture, vit dans une maison hors réseaux depuis 8 ans et se nourrit grâce à son jardin. 

“Une vie un peu comme tout le monde, métro, boulot, dodo”. Voilà comment Denis Berger résume en quelques mots sa vie d'avant. Son métier aurait pu cadrer avec ses convictions écologistes : il était coordinateur pédagogique d'un service environnement à Paris. Mais son cadre de vie, dans la petite couronne parisienne, ne lui correspondait pas du tout. 

C'est pourquoi il y a 8 ans, un jour d'octobre, il s'adresse à la personne qu'il croise tous les matins dans le RER pour Châtelet-les-Halles. Il ne lui a jamais parlé auparavant : "Monsieur", je lui dis, je m'apprête à prendre aujourd'hui, la plus grande décision de toute ma vie. Je me tire de ce monde de fou et je vais monter un projet qui me tient à cœur.” Le jour même, il dépose sa démission. 

“Mon responsable ne savait même pas comment il fallait faire, j'étais la première personne qui démissionnait de la fonction publique, il n'avait jamais vu cela”, se souvient-il. 

Ce récit, qu'il nous a adressé par mail alors que nous le contactions pour savoir comment débuter au potager, nous a intrigué. Car Denis, 48 ans aujourd'hui, n'a pas seulement changé de métier pour devenir formateur en permaculture, il a opté pour un mode de vie radicalement différent, en totale autonomie. Nous avons voulu en savoir plus ce choix et ce qu'il implique au quotidien. 

La “cabane de Hagrid” avec des panneaux solaires

En quittant son travail, Denis n'a pas encore de plan pour la suite. Plusieurs tentatives de lancement de micro-entreprise, un divorce, des doutes… Il passe d'abord par quelques mois difficiles. Un après-midi de décembre, il tombe sur une annonce sur le site du Bon Coin : "Cabane en bois avec 800 m2 de terrain, sans raccordement, disponible de suite, travaux importants à faire." La plupart des gens seraient passés à une annonce plus alléchante, lui y voit une opportunité. Il achète le terrain, qui se trouve en région parisienne. 

La cabane en bois, d'une soixantaine de mètres carrés, est un ancien abri de chasseur. Rien de bien luxueux : des murs en bois et en OSB, des tôles pour le toit… Mais l'ensemble est simple à aménager et plaît à ses enfants. Ils viennent y passer une semaine sur deux, et trouvent qu'elle ressemble à la cabane de Hagrid dans Harry Potter. 

Denis a un objectif, être autonome au maximum. Pour que cela lui coûte le moins cher possible, il veille d'abord à réduire ses besoins. Avant d'installer des panneaux solaires, il renonce à un certain nombre d'équipements électriques. Pas de fer à repasser, pas de four à micro-ondes, ni de machine à laver. Résultat, il en a pour moins de 500 euros de panneaux photovoltaïques.

Il utilise l'eau de pluie dans la maison, pour l'eau sanitaire mais aussi pour sa consommation personnelle. En respectant certaines précautions, c'est possible en installant des filtres (même si la loi n'autorise pas formellement à potabiliser l'eau de pluie chez soi). Au départ, Denis veut faire tellement simple qu'il ne prévoit qu'un seul point d'eau dans la cuisine. Il en a depuis finalement ajouté un dans la salle de bains pour (un peu) plus de confort. 

Côté chauffage, il utilise un poêle à bois et dépense 150 euros par an pour faire débiter son bois. Il a donc réussi son pari de vivre totalement hors réseaux. Exception faite bien sûr du réseau téléphonique et de la 3G, qui lui permet de partager son expérience notamment sur sa chaîne YouTube

La permaculture pour les paresseux

Mais là où où ses efforts pour être autonome sont encore plus visibles, c'est dans son jardin. Il cultive le moindre recoin de son terrain. Pas question de laisser de la pelouse, pour lui le jardin est d'abord fait pour être nourricier. Sans venir d'une famille d'agriculteurs, il a baigné dans le milieu dans son enfance, dans la Vienne. 

Il a d'ailleurs développé sa propre méthode de culture, l'holisticulture, qui s'appuie sur la permaculture. “L'objectif est de ramener la culture potagère à seulement deux actions, semer et récolter”, explique-t-il. 

Pour cela, il a aménagé des parcelles de culture qui associent légumes, fruits, aromates et fleurs. Le sol n'est pas travaillé mais couvert, avec du foin notamment, pour qu'il reste vivant. Bien sûr, aucun produit chimique, mais pas non plus besoin d'arroser, ni d'ajouter de l'engrais ou des purins. 

“C'est fait pour des personnes qui ont de très grandes surfaces à cultiver, mais qui ne veulent pas y passer leur vie, ou au contraire des personnes en milieu urbain, avec peu d'espace et de temps”, explique Denis, qui propose des formations personnalisées sur son site.   

“On ne dit jamais aux gens qu'on peut devenir dépressif à la campagne” 

Cette recherche de simplicité au jardin ne veut pas dire se tourner les pouces par ailleurs. “Mes enfants deviennent ados, le côté flemme prend le dessus quand il faut aller chercher les bûches pour se chauffer”, plaisante Denis. Il reconnaît bien volontiers que cette autonomie “extrême” n'est pas faite pour tout le monde. Pas plus que la vie à la campagne.

“Souvent les gens qui vont vers ça sont en saturation, ils bossent en milieu urbain et sont massacrés par le boulot. Ils n'en peuvent plus, alors ils partent au vert. Mais ils vont prendre une claque. À la campagne, on est souvent seuls, surtout en hiver, il faut aimer être seul”, estime-t-il. Lui ne veut surtout pas romancer son expérience : “En matière d'autonomie, on explique souvent comment avoir des panneaux solaires par exemple, mais on ne dit jamais aux gens qu'on peut devenir dépressif à la campagne.” 

Lui a trouvé son équilibre dans cette nouvelle vie. Ce qu'il a perdu en confort, il l'a gagné en liberté et se sent privilégié : “Je ne vais qu'une fois par mois au magasin pour l'épicerie. Je n'ai pas à me lever à 6 heures du matin. Je pars en vacances quand je veux, dans le Sud ou dans les Pyrénées.”

Mais à ceux qui commentent sous ses vidéos qu'il vit comme dans la petite maison dans la prairie ou au Moyen-Âge, il répète : “En aucun cas je ne cherche à convaincre que la vie que je mène aujourd'hui est celle que tout le monde devrait vivre comme ça. Ma chaîne a uniquement pour vocation de montrer à ceux qui se poseraient la question qu'éventuellement oui c'est possible.”