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PSYCHO - Distanciation sociale avec leurs copains, confinement, menace d'un virus invisible, puis retour à l'école... l'épidémie a bousculé le quotidien des enfants.

On se souvient de cette vidéo devenue virale en début de confinement : une petite fille pleure toutes les larmes de son corps quand sa mère lui annonce que KFC, McDo et les restos chinois qu'elle adore sont fermés. Bref, elle devra se contenter des plats préparés par sa mère durant tout le confinement !

Au-delà du sourire provoqué par cette vidéo, pas bien méchante, on devine malgré tout le bouleversement qu'a pu représenter cette période pour des enfants, quel que soit leur âge. Les psychologues le répètent à l'envi : les enfants sont des "éponges", ils absorbent le stress des parents même s'ils paraissent trop jeunes pour comprendre. Alors quel impact la pandémie a-t-elle eu sur les enfants ? Comment repérer un symptôme de stress anormal ? Le déconfinement met-il un terme aux risques d'angoisse ?

Dès le 26 février, une étude relayée par la très sérieuse revue scientifique The Lancet analysait les conséquences psychologiques de la quarantaine lors d'épidémies comme Ebola et le SRAS. L'article évoque notamment une étude constatant un niveau de stress post-traumatique quatre fois plus élevé chez les enfants confinés que chez les autres, et 28% des parents rapportaient un signe de trouble mental lié à un possible trauma.

Ces résultats sont toutefois à prendre avec des pincettes car le Covid-19 ne présente pas les mêmes dangers qu'Ebola et d'autres études sont en cours. En attendant, voici quelques pistes pour comprendre les enjeux du déconfinement et tenter d'y répondre.

Le confinement a des effets différents selon les enfants

Le changement de rythme pour les enfants peut être très perturbant. Nouveau mode de vie en famille, école à la maison, règles très strictes… Le confinement a créé une rupture dans leur quotidien. Pourtant, il est encore trop tôt pour définir quels sont les réels effets du confinement sur la psychologie des enfants. C'est en tout cas ce que pense David Soffer, secrétaire général du syndicat des psychiatres français : “Le confinement a un retentissement, mais on ne sait pas encore de quelle nature. Il n'y a pas que du négatif, il y a eu des choses positives qui ont renforcé des traits de personnalité, notamment chez les enfants anxieux. L'effet du confinement va différer d'un sujet à l'autre.”

Finalement, l'effet confinement aura rassuré beaucoup d'enfants stressés qui se sont sentis plus rassurés d'être avec leur famille : “Être regroupés dans un petit espace, c'était difficile pour tous, mais c'était supportable au niveau psychique parce que justement, on est en famille. C'est rassurant de savoir que tout le monde va bien” affirme David Soffer. 

Cependant, il faut détecter certains signes de détresse chez les enfants face à une situation angoissante. “Les signes qui peuvent être marquants sont souvent l'énurésie [pipi au lit, ndlr], le changement de comportement alimentaire/nocturne ou le comportement par opposition. Lorsque le quotidien est chamboulé et que l'enfant est perturbé, c'est par ces biais qu'il va s'exprimer, car il n'arrive pas toujours à mettre des mots sur ses ressentis” explique à ce sujet la pédopsychiatre Anne Senequier. 

Le déconfinement, une possible source d'angoisse

Même si la reprise de la vie sociale était parfois attendue avec impatience, elle peut aussi devenir une source d'anxiété. Entre la peur de se retrouver en contact avec d'autres gens ou l'adoption des nouvelles règles de vie, les enfants vont devoir se réadapter à la vie extérieure : “Le déconfinement va imposer de se familiariser avec une nouvelle normalité. Il y a plus de règles à respecter et beaucoup de questions qui restent sans réponses. Il y a une incertitude du parent qui peut être perturbante et une angoisse de ne pas pouvoir se projeter” explique Anne Senequier. 

Pour les plus jeunes, l'interdiction de sortir a très vite été comprise et intégrée comme étant une normalité. “Le déconfinement est une rupture vers une vie qui n'est plus ordinaire : peur du virus pour les anxieux, école triste, beaucoup de lieux fermés. C'est un retour à la vie changé et différent de ce qu'on a pu connaître auparavant et ça devient une source de complication supplémentaire” ajoute David Soffer. 

Pire, les règles de distanciation sociale à l'école ont donné lieu à des situations que certains jugent dérangeantes et anxiogènes pour les enfants. Beaucoup d'observateurs ont été choqués par les photos de marquage au sol dans les cours de récréation, de rectangles tracés à la craie pour délimiter l'espace de distanciation ou de croix assignant chacun à sa place.

C'est donc un travail supplémentaire à faire pour les parents qui, après avoir expliqué longuement les règles du confinement, doivent expliquer les règles qu'imposent le déconfinement : “Les règles d'aujourd'hui ne seront plus les mêmes demain. Pour les jeunes enfants, il faudra répéter les règles encore et encore pour qu'elles soient comprises. Chez les adolescents, c'est le côté santé publique qui est plus difficile à faire intégrer, comprendre le côté santé du groupe plutôt que l'individuel”, ajoute Anne Senequier.

Faire confiance à la capacité de résilience des enfants

Même si cette période de confinement n'a pas été vécue de la même manière par tous les enfants, les deux professionnels sont optimistes pour le futur. Anne Senequier pense qu'il faut avant tout leur faire confiance. “Ils peuvent aussi nous aider en temps qu'adultes, et parfois ce sont eux qui sont le plus en capacité de rassurer les parents. Je suis assez optimiste sur leur capacités d'adaptation. Si l'accompagnement est bien fait au niveau familial, il n'y aura pas de problème.”

Une idée que David Soffer rejoint : “Ce qu'on peut recommander c'est de suivre des conseils de bien-être, faire de l'exercice, suivre une alimentation équilibrée, faire de la méditation à travers des activités qui vont aider les enfants à se défouler, à garder la forme et surtout à développer les formes de résilience pour s'adapter à cette situation inédite”

Il semble difficile pour le moment de savoir quels sont les réels effets du confinement et s'il existe un risque sérieux de traumatisme chez les enfants. Le tout est de rester vigilant et d'observer les différents signes, parfois anodins, qui pourraient annoncer un trouble mental naissant. À ce sujet, le CHU de Toulouse lance une étude pour analyser les symptômes de stress chez les enfants, ce qui devrait permettre d'en savoir un peu plus dans les mois qui viennent.