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STYLE DE VIE - Grâce à cette expérience, sa vision du confort a complètement changé. Aujourd'hui, elle vit dans une petite maison certes, mais avec un toit ouvrant !

Dormir dans un hamac en pleine forêt, avec pour seule compagnie les animaux et les étoiles, n'est pas réservé à Mike Horn. Pour s'encourager dans les moments de doute, c'est à ce célèbre aventurier que Sylvie Pérennes s'adresse dans sa tête. S'il peut survivre dans une tente sur la banquise, elle doit pouvoir passer l'hiver dans son camion aménagé garé en plein milieu des montagnes vosgiennes, non ? 

Sylvie a apprivoisé le froid, et la nature en général. A tel point qu'elle a même troqué son camion contre un simple hamac, dans lequel elle a dormi 6 mois. Chaque matin, elle descendait au village où se trouve son cabinet d'ostéopathe, comme si de rien n'était. 

Quand on lui fait part de notre admiration pour son audace, par téléphone, elle rigole : “Plein de trucs sont possibles, beaucoup plus qu'on ne le croit, sans prendre l'avion, sans avoir une personnalité de ouf !”

Sylvie a quitté sa grande et belle maison suite à une séparation. Après son expérience en camion aménagé puis en hamac, à 36 ans, elle vit aujourd'hui dans la tiny house qu'elle a dessinée elle-même, avec un toit ouvrant pour continuer à dormir à la belle étoile. 

© Stephane Kempf - Photoval
© Stephane Kempf - Photoval

Comme elle le raconte dans son livre Mes nuits sauvages, paru fin mars 2021, Sylvie a envoyé valser le quotidien et nous donne à réfléchir sur l'environnement dans lequel nous souhaitons vraiment vivre.

18h39 : Auriez-vous imaginé dormir seule en pleine montagne, il y a quelques années ? 

Sylvie Pérennes : Pas une seule seconde ! Pour moi le camping, c'était un feu de camp, des potes et une guitare. Je n'ai pas réfléchi avant à ce que j'allais faire. Quand j'ai acheté le camion, il n' y avait pas d'appart disponible à la location et ça me permettait de rester en mouvement, de ne pas déprimer. Mais je ne pouvais pas prévoir que ça me plairait autant ! J'allais me balader et je me disais que j'allais de ma cuisine (le camion), à mon salon (la forêt). 

Au moment où j'ai dû revendre le camion, je n'étais pas prête à reprendre un appartement. J'aurais eu l'impression de réduire mon confort et mon espace. Je savais que si j'allais dans un appartement dans la vallée, je ne ferais pas la demi-heure nécessaire pour aller me promener. Je cherchais une idée et j'avais déjà tellement été dehors avec mon camion que la crainte de dormir en hamac n'était pas là. En même temps, j'avais toujours la sécurité de pouvoir aller dormir à mon cabinet si besoin. C'est en cours de route, après la première nuit, que j'ai remarqué à quel point ça me détendait de dormir dehors. 

Rapidement, vous avez décidé de couper le chauffage dans votre camion pour ne pas trop polluer. Vous n'avez pas eu froid ? 

J'avais la vague impression que ça pouvait être la galère de ma vie. Je me rassurais en me disant qu'au pire, je marcherais jusqu'au cabinet. J'ai eu de la chance, les températures sont descendues progressivement, j'ai ajouté régulièrement une couche de vêtements en plus, jusqu'à -15 °C.

J'avais toujours été impressionnée de lire Sylvain Tesson, quand il raconte le givre sur les vitres à l'intérieur de sa cabane au bord du lac Baïkal (Dans les forêts de Sibérie, 2011, éditions Gallimard, ndlr.). J'avais des images d'apocalypse et finalement c'est tout à fait faisable.

J'ai dormi en hamac de début avril à fin octobre, la première fois à côté de plaques de neige. Mais avec un sous hamac et un bon sac de couchage, je n'ai pas eu froid non plus. 

Comment votre lien à la nature a-t-il changé ? 

Je pensais être quelqu'un qui avait déjà un bon lien avec la nature, j'achetais du bio et je me promenais le dimanche. Mais en vivant dans la nature, en camion, j'ai commencé à avoir des réactions que j'aurais qualifiées d'extrêmes auparavant, à être agacée viscéralement quand je voyais quelqu'un marcher hors des sentiers et piétiner des myrtilliers. De quel droit font-ils ça ? Ils poussent super lentement en plus ! Quand je me suis rendu compte que j'avais ces réactions, je me suis modérée et cachée dans des endroits plus reculés pour ne pas devenir quelqu'un d'insupportable.

"Ça m'a permis de réfléchir au lien avec la nature : les hommes préhistoriques devaient avoir un lien très émotionnel, comme si la nature devenait un prolongement du corps. Je l'ai vécu en atténué, mais ça m'a frappé."

Plus tard, alors que j'étais revenue vivre un temps en appartement, au cours d'une promenade avec un ami, je me suis vue de nouveau marcher sur les myrtilliers pour rester à sa hauteur. Je faisais ce que je détestais ! Ce lien fluctue en fonction de la vie qu'on a, selon que l'on s'éloigne ou qu'on se rapproche de la nature. 

Quelle est votre définition du confort aujourd'hui ? Comment a-t-elle évolué depuis que vous avez quitté votre maison ? 

Avant, ma définition du confort ne venait pas de ce que je ressentais, mais d'idées reçues que je m'étais appropriées : plus on a d'espace chez soi, plus on peut faire de choses, inviter des copains à dormir, poser 10 casseroles sans les laver immédiatement, bricoler sans avoir à ranger entre deux chantiers. Pouvoir monter le chauffage quand on a froid, avoir toujours de la lumière aussi, je pensais que c'était indispensable. 

© Stephane Kempf - Photoval

Tous ces éléments ont bougé en cours d'expérience. Avoir 200 m² n'était pas aussi agréable que ce je croyais. J'étais oppressée par l'espace et le ménage à faire, et je n'ai rien fait de plus que dans mon ancien petit appartement. Ça m'a amenée à me demander ce qui me faisait vraiment plaisir, quelles étaient les zones que j'habitais vraiment, peut-être 50 m² seulement. 

Quand j'ai commencé à vivre en camion, j'avais peur de me sentir enfermée et en réalité je me sentais super légère d'avoir toutes mes affaires à portée de main, que des affaires auxquelles je tenais et parfaitement fonctionnelles. Cette toute petite surface était pour moi une source de confort incroyable, je pouvais m'autoriser à n'avoir que des choses auxquelles je tenais et pour moi luxueuses, comme la couette en plume dont je rêvais. Cette simplification m'a apporté le plaisir et le confort que je cherchais depuis longtemps. 

En passant au hamac, je me suis rendue compte que là où je pensais qu'il y avait de l'inconfort, je gagnais un confort inhérent à moi même. J'avais le plaisir de voir mon corps devenir plus résistant. Je ne me disais plus “mince je ne peux pas allumer la lumière”, mais j'avais plaisir à me laisser endormir au rythme de la nuit. 

"Le luxe, c'est de se laisser endormir naturellement en éteignant les écrans et les lumières, ne pas se sentir obligé de continuer comme en plein jour, s'offrir une soirée où l'on a pas besoin de faire 12 000 trucs."

Après ça, j'ai dessiné ma tiny house sur-mesure, en fonction de ce qui me convient à moi. Je peux monter le chauffage, mais je peux aussi ne pas le faire. C'est un tout petit espace mais avec beaucoup de fenêtres et une vue incroyable sur la nature. Je sors tous les jours plusieurs heures et je dors “dehors” 8 mois par an avec mon toit ouvrant. L'avantage, c'est que je ne suis plus dérangée par les chevreuils ! Je ne vois pas ce que je pourrais améliorer si ce n'est la méga terrasse que je suis en train de faire.

© Stephane Kempf - Photoval

Mais je ne suis pas sûre que ça m'aurait autant plu si j'étais arrivée directement de ma grande maison, il y a fort à parier que je regretterais de ne pas pouvoir faire ceci ou cela.

Ce qui a été déterminant c'est de vraiment expérimenter que mes besoins et mes plaisirs étaient différents de ce que je pensais.