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ÉCOLOGIE - Scandalisée par le laisser-faire des responsables politiques, Stella Bowles a remué ciel et terre pour bannir la pollution du fleuve La Hève, au Canada.

Il n'y a pas d'âge pour s'engager pour les causes qui nous tiennent à cœur. Stella Bowles, une jeune Canadienne, en est la preuve vivante.

À 14 ans, cette passionnée de nature et de sciences est parvenue à convaincre le gouvernement de son pays de débloquer plus de 15 millions de dollars pour nettoyer de fond en comble le fleuve La Hève à côté de laquelle vit sa famille.

Pourtant, la pollution de ce cours d'eau n'est pas nouvelle : depuis sa naissance Stella n'a jamais été autorisée à nager dans le fleuve. “C'est pourquoi nous avons une piscine hors-sol”, lui répondait sa mère quand la tentation de piquer une tête lors des fortes chaleurs estivales était trop forte.

Cette jeune militante, devenue une référence de la défense de l'environnement dans son pays, raconte son histoire hors du commun dans le livre My river : cleaning up the LaHave River (Ed. Formac), dont la sortie est prévue le 25 septembre 2018. Nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle par téléphone.  

© Béatrice Schuler-Mojon

Des toilettes qui polluent le fleuve

Avant ses 11 ans, la jeune Stella ne pose pas davantage de questions à ses parents, jusqu'au jour où ces derniers font venir un ingénieur chez eux car leur fosse septique est endommagée. Ce dernier leur apprend que leur système est très ancien et qu'ils sont dans l'obligation de le changer dans les trois mois.

Andrea, la mère de Stella, s'offusque : pourquoi devraient-ils changer leur fosse sceptique, alors que leurs voisins n'en sont même pas équipés ? “Toutes les maisons autour de nous ont des tuyaux droits. Ont-ils trois mois pour régler ce problème ?”, interroge Andréa.

La jeune fille n'avait jamais entendu parler de ces tuyaux. Ce sont des “tuyaux qui rejettent ce qu'il y a dans tes toilettes directement dans un lac, océan ou une rivière”, lui répond sa mère.

L'utilisation de ces conduits est illégale, pourtant les responsables politiques ferment les yeux. Stella est scandalisée. “Nos voisins font caca dans La Hève ?” s'inquiète-t-elle. Alors âgée de 11 ans, la jeune Canadienne comprend mieux la privation de baignade.

 

© Stella Bowles

Stella s'interroge : quelles conséquences sur la santé pour celles et ceux qui côtoient l'eau du fleuve en permanence ? Quelques mots tapés sur Internet lui suffisent pour avoir sa réponse. “Des infections en tout genre, la pneumonie et même le choléra”, nous raconte-t-elle.

Pourquoi est-ce que les habitants qui vivent au bord du fleuve ne se débarrassent-ils pas de ces tuyaux ? “Installer une fosse septique est coûteux, certaines personnes ne peuvent pas se le payer”, lui explique son père.

Convaincre les adultes que l'eau est toxique

Qu'à cela ne tienne ! Stella passionnée de science et d'expérimentation décide de prouver aux adultes que l'eau de La Hève est toxique et représente un danger pour les riverains. Elle se rapproche d'un médecin, le docteur Maxwell, qui milite pour la dépollution du cours d' eau depuis plusieurs années.

La motivation de Stella convainc le docteur de lui venir en aide. Il l'encourage à réaliser ses propres tests pour prouver la présence de matière fécale dans le fleuve. “Il est devenu mon mentor, c'est lui qui valide l'ensemble de mes résultats”, souligne-t-elle.

La maison de la famille Bowles se transforme en laboratoire géant. “Au sous-sol, je faisais se développer des bactéries puis j'analysais les résultats dans la cuisine”, se souvient Stella.

Bien qu'un comité local, dont fait partie le docteur Maxwell, alerte depuis 9 ans le gouvernement sur les dangers que représentent les tuyaux droits, la situation ne bouge pas. Mais, Stella à force d'obstination et de plusieurs années de recherche parvient à faire bouger les choses.

Des résultats édifiants qui font bouger les choses

Car les résultats de son enquête sont édifiants : la concentration de matière fécale due aux rejets des tuyaux droits sont très élevés et rendent la baignade dangereuse. La page Facebook, qu'elle alimente avec sa mère, lui permet de communiquer.

Rapidement ses découvertes intéressent les médias, jusqu'au jour où sa mère reçoit un appel du maire.

Quelques jours plus tard, Stella participe à une conférence de presse au cours de laquelle les responsables politiques présents s'engagent à éliminer tous les tuyaux droits le long du fleuve et à débloquer pour cela plus de 15 millions de dollars.

Du haut de son jeune âge, Stella est parvenue à “embarrasser” trois niveaux d'autorités : municipale, provinciale et fédérale.

Lucide, elle est parfaitement consciente que son âge a joué dans cette victoire. Toutefois, elle ne souhaite pas insister là-dessus. “Mon âge n'est qu'un numéro, ce n'est pas ce qui me définit”, souligne-t-elle.

La bataille n'est pas terminée puisqu'il reste plus de 600 tuyaux à remplacer le long du fleuve. “La Hève devrait être propre d'ici 2023”, nous précise-t-elle. Mais l'adolescente ne compte pas en rester là : “il y a encore d'autres cours d'eau à nettoyer au Canada”, rappelle-t-elle.

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