Lisa Hör - Publié le 11 mars 2020
URBANISME - Les mairies ont toutes les clés en main pour sauvegarder les arbres, localement ou même de l'autre côté de la planète !
170 000 nouveaux arbres à Paris, 500 000 à Lyon et même 1 million à Arras. Pendant la campagne pour les élections municipales, les candidats surenchérissent et promettent de planter toujours plus d'arbres en ville.
Les bienfaits qu'apportent les arbres, pour le bien-être et la santé des habitant-es, pour la biodiversité et pour adapter les villes au changement climatique, sont unanimement reconnus.
“Sur le principe je trouve ça très bien, estime Georges Feterman, président de l'association A.R.B.R.E.S. (Arbres Remarquables: Bilan, Recherche, Études et Sauvegarde) et auteur de l'Arbre dans tous ses états (Delachaux et Niestle, 2019). Après, ça appelle deux remarques. La première : bravo de toutes ces annonces, à vous de jouer si vous êtes élus. Et la deuxième : il y aurait déjà, quelques soient les villes, à protéger les arbres de belles dimensions et non malades des projets multiples qui font qu'ils sont abattus assez facilement. Garder le patrimoine existant, c'est la priorité.”
Alors comment protéger les arbres déjà présents en ville ?
Ne plus abattre les arbres sans raison valable
“Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures.” Voilà ce qu'indique l'article L350-3 du Code de l'environnement. Des dérogations peuvent être accordées seulement “pour les besoins de projets de construction”.
Mais en pratique, cette loi n'est pas toujours respectée. L'association A.R.B.R.E.S se mobilise ainsi pour la protection des arbres du cimetière de Boulogne-Billancourt. Ceux-ci pourraient être en partie abattus, à cause d'une maladie, d'après la mairie. Mais des riverain-es, qui ont lancé une pétition, estiment que cette décision aurait été prise à cause des pigeons dont les déjections salissent les tombes. Un non-sens pour Georges Feterman.
L'association A.R.B.R.E.S appelle à la publication d'un décret pour préciser les termes d'application de la loi. “Il y a des pressions et des lobbies qui disent que le texte de loi est mal ficelé”, explique-t-il. “Il y a des problèmes avec les arbres en bord de route, par exemple des chauffeurs de camions avancent qu'ils ne peuvent pas garder la même vitesse à cause des platanes.”
Georges Feterman espère cependant une évolution prochaine sur ce point, ainsi qu'une reconnaissance administrative du label Arbre remarquable de France attribué par son association. Il se montre malgré tout optimiste : “Partout où je vais, je vois des efforts faits. Le cas de Boulogne-Billancourt, ça arrive, mais la tendance est à travailler autrement. Il y a une prise de conscience du public, des élus et des professionnels, qui savent comment mieux respecter les arbres.”
Densifier les villes et sauver les arbres remarquables, dilemme impossible ?
Mais parfois, des arbres anciens sont menacés par des chantiers. C'est le cas par exemple au Mans, où plusieurs projets immobiliers sont contestés par des associations écologistes. Comme la construction de deux immeubles, de plusieurs habitations, d'un hôtel et d'une résidence senior à la place de 158 arbres.
“Pour nous, ça fait beaucoup plus sens de contenir la ville sur la ville, même s'il faut sacrifier quelques arbres, plutôt que d'aller s'étendre à l'extérieur”, justifie Catherine Gouhier, vice-présidente chargée de l'urbanisme Le Mans Métropole, dans le journal de France 2 du 2 mars 2020.
Sacrifier des arbres pour créer de nouveaux logements, ou bétoniser des terres agricoles, faut-il vraiment choisir ?
Pour Jonathan Guyot, co-fondateur de l'association All 4 Trees, il est possible de construire autour des arbres. “La nature existante ou l'espace vert à recréer devraient être des leviers. Ça demande une réflexion à différents niveaux de métiers. Les arbres ne sont pas un agrément que l'on vient saupoudrer à la fin d'un projet parce que c'est joli”, considère-t-il, en précisant qu'il vaut mieux préserver plutôt que replanter.
Georges Feterman abonde : “Construire des logements pour tous évidemment c'est un enjeu. Mais on doit pouvoir gérer ça en ménageant une place pour les êtres humains et pour la nature. C'est aussi l'enjeu de notre survie à nous, sinon on aura construit pour rien.”
Il cite en exemple le collège Rosa Parks à Roubaix, reconstruit autour d'un hêtre pourpre planté dans la deuxième moitié du 19e siècle, et qui se trouve désormais au milieu de la cour :
Protéger les arbres dans le monde grâce aux politiques locales
Pour aller plus loin, l'association All 4 trees propose aux candidats aux municipales de signer le Pacte “Zéro Empreinte Forêt”. On y trouve deux mesures qui visent directement à protéger les arbres en ville : classer les forêts, haies, arbres existants ou créer des espaces boisés classés dans le plan local d'urbanisme, et couper le moins possible les arbres en ville existants.
Mais d'autres concernent les transports (interdire l'usage d'agrocarburants dans les transports en commun), les fournitures (favoriser le bois de construction local) ou même l'alimentation.
La première mesure demande ainsi de réduire, dans la restauration collective, la consommation de protéines animales issues d'élevages nourris de soja d'importation, l'une des causes de la déforestation massive, notamment en Amazonie. Une façon de montrer que les politiques locales “peuvent permettre de protéger les arbres localement mais aussi de l'autre côté du monde”.
Pour le moment, seuls une vingtaine de candidats ont signé ce pacte, très exigeant, à Lille, Marseille, Toulouse, ou encore Angers.