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PROSPECTIVE - L'autrice de science-fiction nous livre sa vision de l'habitat en 2050, entre société de contrôle et imaginaire infini.

Il y a des personnes qui ont le don de sentir l'avenir, sans perdre de vue la réalité présente. Catherine Dufour est de celles-là. Autrice de science-fiction reconnue, notamment pour son livre Le goût de l'immortalité, tendance cyberpunk, elle écrit aussi de la fantasy, du fantastique et même un très bon Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses.

À quoi pourrait ressembler notre maison en 2050 ? Les réponses s'enchaînent très vite. Catherine Dufour a son point de vue sur tout un tas de secteurs : la communication, l'architecture, l'organisation des pièces et la hiérarchie sociale. Le futur ne sera pas le même pour tous.

Elle ne projette pas de fantasmes ou de peurs, pas d'idéaux non plus. Elle tire les fils qu'elle voit se nouer aujourd'hui, pour imaginer de quoi demain sera tricoté. "Nous, en Occident, vivrons dans des tours, entame-t-elle, dans des mégalopoles".

Une maison modulable

Les appartements seront modulables. "Les parois se déplaceront toutes seules et la taille de l'appartement évoluera en fonction de la vie : elle pourra passer de 100 m2 à 25 m2 si on perd son travail, ou inversement augmenter si on décide d'accueillir nos parents..."

Dans la même logique, le mobilier sera lui aussi modulable. Des meubles descendront du plafond ou remonteront du sol, nous auront des lits escamotables, comme cela existe déjà pour économiser l'espace.

À cela s'ajoute la robotique, qui rendra nos cuisines autonettoyantes, nos frigos capables de commander nos courses. Elle engendrera une automatisation de plus en plus poussée des tâches ménagères. Comme Bruno Bonnell, elle n'envisage pas la présence de robots multitâches, qui ressembleraient aux Daleks de Docteur Who, mais celle "d'une multitude de petits appareillages pour se passer de l'intervention humaine".

© Arthur Poitevin

Une déco virtuelle

La décoration, telle que nous la connaissons, aura disparu. Nos murs seront blancs, l'ambiance épurée. Pourquoi ? Car la décoration sera devenue virtuelle. "Nous lanceront des projection 3D sur les murs, détaille l'écrivaine, nous vivrons beaucoup en réalité augmentée."

Finis aussi les écrans. "Nous écrirons sur de l'atmosphère polarisée, car on sera alors capable de rendre visible l'air à certains endroits." Nous pourrons faire se former écrans et clavier dans l'air ambiant de notre intérieur.

Catherine Dufour hésite : peut-être que nous utiliserons des films très fins, voire notre peau, comme clavier. Ou alors un écran multitâche, tout petit, qu'on pourra déployer. En tout cas, rien de très encombrant ou peu esthétique, comme l'ont longtemps étés et le sont encore parfois, les appareils électroniques et autres ordinateurs.

Finalement, nous serons de plus en plus détachés de la réalité telle que nous la connaissons. Entre elle et nous, "il y aura une couche de réalité augmentée". "Nous serons en immersion permanente", imagine l'écrivain. Cette couche nous permettra de régler la lumière, ou même de voir la vie en rose.

Les personnes les plus fortunées auront un intérieur "très Feng shui", avec variation automatique de luminosité et de couleur. Au mur, des tableaux 3D animés représenteront un volcan le matin et le soir une rivière coulant doucement.

© Arthur Poitevin

Intelligence et surveillance

En plein émergence aujourd'hui, la domotique gouvernera le monde de demain. Avec elle viendra le règne de la sécurité. "Il y aura des reconnaissance d'iris pour entrer dans les immeubles." Les habitations deviendront agents de contrôle.

Catherine Dufour prolonge l'adage, très à la mode, qui dit que "quand c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit". Ainsi, le prix du loyer variera en fonction des données personnelles que vous serez prêt à divulguer à votre bailleur (les principaux bailleurs seront des assurances maladies et des multinationales affiliées, prédit l'écrivain). Plus vous voudrez être tranquille, plus le loyer sera cher.

"Les appartements pourront enregistrer mon poids, voir si je fume, si je bois, analyser mes urines, et même m'empêcher de sortir si j'ai trop bu." Une sorte de "flicage biologique".

Pour faire face à la pollution, les immeubles seront dotés de filtres. Là encore, le coût des loyers variera en fonction des capacités de protection des appartements. On l'aura compris, en 2050, il y aura toujours des privilégiés, plus libres et en meilleure santé que les autres.

Les plus riches pourront même se payer des nuits d'hôtel dans l'espace, là où les plantes pousseront en tous sens, du fait de l'absence de gravité. Le sous-sol sera réservé aux plus démunis. Enfin, rien ne dit que d'ici là le monde n'aura pas choisi une autre direction...