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TRIANGLE D'OR- Écolos, autonomistes ou amoureux de la nature, ils veulent tous leur maison en A, mais pourquoi ? On vous explique les avantages (et petits inconvénients) de cet habitat.

Sur le papier, la maison en A remplit tous les critères de l'habitat idéal : fabriquée en bois, donc écolo, elle paraît simple à construire, à la portée de tous pour un coût accessible. Loin du look tristoune et monotone des pavillons de zone périurbaine, son design triangulaire insolite joue aussi en sa faveur, il rappelle les maisons scandinaves ou les cabanes de notre enfance, bref il joue sur l'émotionnel autant que sur l'efficacité pratique.

Pourtant, la réalité est souvent plus compliquée. Déjà parce que la demande a précédé l'offre, le marché ne s'attendait pas forcément à cette soudaine tendance. Ensuite, les habituelles difficultés inhérentes à l'autoconstruction et à la construction écologique s'appliquent avec la même acuité à la maison en A. Sans oublier le prix des matières premières qui flambe et qui vient impacter durablement le modèle de la construction bois.

Le plan dessiné à la main d'une maison en A et de son système d'assainissement © Olivier Piot

Pourquoi construire une maison en A ?

Un habitat écologique et durable

Sur le groupe Facebook de la maison en A, qui compte 34 200 membres, nous avons trouvé des porteurs de projets qui ont répondu à nos questions sur le sujet. Olivier Piot, par exemple, était déjà très sensible aux sujets environnementaux et à l'habitat écologique. Adepte de la permaculture, contributeur pour la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), ce Lorrain rêvait avec sa femme d'une maison en bois économique et écolo. "Je n'avais pas de forme particulière en tête, nous confie-t-il, mais j'aime beaucoup les pays scandinaves, cette ambiance un peu magique, féerique, les maisons en triangle évoquent pour moi les légendes nordiques."

Le documentaire sur la construction d'Elizabeth le convainc donc de construire une maison en A : "La forme triangulaire, ça ne bouge pas dans le temps, c'est une structure simple de conception. C'est moins long qu'un bâti en dur à construire et ça tient mieux." Surtout, la maison en A n'est pas une maison de ville avec des murs mitoyens, elle garantit une plus grande autonomie vis-à-vis du voisinage, un avantage non négligeable pour Olivier, qui n'apprécie guère de côtoyer actuellement un chasseur tous les jours. "Ce n'est plus tenable pour nous. Ils ont un jardin avec du béton, alors que nous, si on a le malheur de laisser pousser les orties, ils veulent qu'on les coupe."

Un mode de vie alternatif et un héritage à léguer

Même son de cloche pour Nicolas Naully, quadragénaire qui vit à Genève. "J'ai presque vécu toute ma vie en ville, mais suite à un burn out, j'ai eu envie de me recentrer sur l'essentiel et de vivre autrement. C'est une démarche progressive, je suis tombé sur un podcast qui parlait des maisons autonomes et j'ai découvert le concept des maisons en A."

Comme Olivier, cet ingénieur en informatique y voit aussi une manière d'accéder à la propriété sans passer par la case pavillon. "Je voulais quelque chose qui me ressemble, confirme-t-il, avec l'envie de donner un héritage aux enfants, de construire sur la durée." Même s'il est actuellement célibataire, Nicolas se projette beaucoup dans sa future maison, qu'il a conçue comme un vrai cocon familial.

Sur la simulation 3D qu'il a réalisée lui-même, on découvre en effet un étage, avec deux chambres. "Au rez-de-chaussée, j'ai imaginé un espace convivial pour accueillir du monde et une petite salle d'entraînement pour garder la forme, ajoute-t-il, prévoyant. Il y a un espace bureau pour télétravailler et une grande façade lumineuse même l'hiver. Je connais un couple d'amis qui a construit sa maison, on dirait un bunker de l'extérieur, alors je voulais l'inverse !"

Simulation 3D réalisée par Nicolas, avec une grande façade lumineuse. © Nicolas Naully
© Nicolas Naully

Comment construire une maison en A ?

Se lancer dans l'autoconstruction ou faire appel à une entreprise

Si beaucoup de volontaires se lancent eux-mêmes dans la construction de leur maison en A (et on vous conseille la chaîne de tutos d'Elizabeth Faure si c'est votre cas), d'autres préfèrent faire appel à un spécialiste, pour gagner du temps ou simplifier certaines étapes. C'est le cas d'Olivier Piot, même s'il a réalisé lui-même les plans de la maison et qu'il prévoit de réaliser une bonne partie des travaux : la cuisine, la salle de bains, la pédo-épuration, les toilettes sèches. Mais pour le bâti, il fait appel au Tipi français, un spécialiste du bois en circuit court depuis plus de 40 ans.

L'entreprise propose des modèles à la carte, avec la possibilité de faire soi-même l'aménagement intérieur. "Dans leur entrepôt, ils font deux modules en bois de 3 x 6 m accouplés - ce qui donne une surface de 49 m², qu'ils assemblent et viennent installer sur place en deux jours, détaille Olivier. La toiture est en panneaux sandwich. Nous, avec l'étage, on aura 81,60 m2 pour 89 000 euros". À peine plus de 1000 euros le mètre carré, une bonne affaire mais à la condition de réaliser l'intérieur soi-même comme Olivier.

Nicolas Naully veut lui aussi faire construire. "Je cherche un constructeur, c'est pour ça que je suis sur le groupe Facebook, ça permet de rentrer en contact avec des gens. Grâce à eux, j'ai revu mes plans, j'avais quelque chose de plus grand à l'origine. Il y a des entreprises suisses qui font des maisons en triangle, maintenant il faut trouver où je peux la construire, un endroit isolé mais pas trop non plus."

© Le Tipi français

Urbanisme et PLU : un cadre encore compliqué aujourd'hui

Comme pour tous les habitats écolos ou réversibles, les règlementations d'urbanisme mettent des bâtons dans les roues des porteurs de projets. Bien entendu, il faut se renseigner auprès des mairies et des communautés de communes, demander le certificat d'urbanisme au propriétaire du terrain qui vous intéresse, puis faire attention aux détails contraignants du PLU en question, notamment s'il existe des règles concernant la pente du toit.

Olivier, lui, est bien tombé : "J'ai envoyé un message au maire en présentant le projet, le type d'habitat, la référence du constructeur. Il est emballé ! Il m'a mis en relation avec le CAUE (Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement), qui m'a mis en garde : c'est un vieux PLU typique de la Lorraine, avec beaucoup de monuments historiques. A l'origine, on ne pouvait pas installer notre maison car la pente devait être parallèle à la route, pas plus de 40°."

Mais le facteur humain s'est finalement révélé décisif : "Une personne du CAUE ouverte sur nature et le logement en bois a passé une soirée à éplucher le PLU et elle est tombée sur la notion de logement contemporain, qui permet de faire ce qu'on veut sur le terrain sans respecter certaines contraintes, sauf la couleur du toit, qui doit être terre de Sienne." Résultat, Olivier a acheté un terrain pour 18 000 euros, plus 1000 euros pour l'assainir. La livraison de la maison est prévue pour octobre 2022.

La maison en A : des projets d'autonomie écologiques coûteux mais attractifs

Généralement, les projets de maison en A s'accompagnent d'une volonté d'autonomie la plus grande possible. "On ne peut pas être autonomes à 100% en France, regrette Olivier Piot, à cause de la paperasse, mais on va faire le maximum." Au total, sa maison bénéficiera de huit panneaux solaires avec des batteries de stockage, un système qu'il compte mettre en place à l'aide d'un ami pour 6000 euros. A cela, il ajoutera entre autres un récupérateur d'eau pour alimenter la douche et récupérer même la rosée du matin.

De son côté, Nicolas Naully rêve d'une maison de 200 m2 et d'une autonomie énergétique, avec panneaux solaires sur le toit, ainsi qu'une éolienne et une voiture électrique, pour être indépendant. Un projet qu'il aimerait mener à son terme d'ici 5 ans maximum et qu'il estime compliqué à chiffrer à l'heure actuelle.

Mais on le constate ailleurs, les matériaux écologiques et l'investissement pour devenir autonome réclament des ressources financières non négligeables. Difficile d'évaluer des prix moyens, tout dépendra du projet, du constructeur, de la qualité des matériaux, de l'aménagement intérieur, des finitions et de la capacité à faire les choses soi-même ou à l'aide de professionnels. Malgré ces difficultés, l'engouement pour la maison en A ne faiblit pas.

"On a fait un sondage l'an dernier sur le groupe Facebook, nous raconte Morgane Launay, réalisatrice du documentaire sur la maison en A et fondatrice de la chaîne YouTube, et on a constaté que 270 personnes sur 1000 désiraient faire leur maison en A, c'est énorme et ce serait sans doute bien plus aujourd'hui".