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ACCESSIBILITÉ - Aujourd'hui, élever à la maison un enfant en situation de handicap se révèle un parcours du combattant pour beaucoup de familles. Témoignages.

“Il se cogne beaucoup”, prévient d'emblée Olivier, le père de Joachim et Léon. Deux adorables jumeaux de 4 ans identiques à quelques détails près : Joachim, lui, est atteint du syndrome de Morsier, une maladie orpheline rare qui conduit notamment à un déficit visuel.

Pour le père de Joachim, l'annonce de la maladie est tombée comme un couperet. Il confesse avoir mis du temps à surmonter cette épreuve, durant laquelle il ne s'est pas senti accompagné. “On a l'impression de mendier sans cesse auprès de l'administration, regrette-t-il, et on découvre parfois tardivement qu'on a le droit à certaines choses, comme un vélo adapté et remboursé, par exemple”. Démarches administratives sans fin, absence d'information sur le syndrome, violence de l'annonce médicale… Les débuts sont compliqués. 

A ces difficultés s'ajoute l'obligation de déménager dans une maison avec un jardin. “C'est un espace idéal et sécurisé pour lui, décrit Olivier. Mais il y a des marches pour accéder à l'extérieur,alors je suis obligé de l'aider à descendre, sinon il n'y arrive pas trop. A terme, j'aimerais aussi créer un jardin des cinq sens qui développerait ses aptitudes sensibles.”

A la maison, la musique rythme le quotidien.

La musique pour communiquer dans l'espace

Comme tous les enfants atteints du syndrome de Morsier, Joachim fait preuve d'une très grande sensibilité. Créateur de la seule fondation dédiée à cette maladie et père de Lou, un garçon atteint du syndrome devenu pianiste et chanteur, le cinéaste belge Luc Boland confirme : “Ces enfants sont très sensibles à la musique, donc à la musicalité de ce que vous dites. Il faut être attentif au timbre de la voix et aux mots qu'on utilise ! Ils ne voient pas l'expression de notre visage quand on leur parle, alors il faut insister par le son et l'intonation.”

Ancien musicien, Olivier ne se fait pas prier : “On utilise la musique pour communiquer avec Joachim, il adore ça ! Il fait du didgeridoo, il chante, apprend les chansons facilement, gratte la guitare…” Luc Boland conseille même de mettre des petites clochettes tibétaines à divers endroits de la maison pour délimiter certains espaces ou pour prévenir s'ils sont dangereux, comme avant un escalier.

C'est surtout l'enfant qui s'adapte à la maison

Joachim, lui, descend l'escalier sur les fesses, faute de mieux. Car il ne faut pas se mentir : la maison s'adapte souvent moins à l'enfant que l'enfant ne s'adapte à la maison. C'est à force d'habitude qu'il finit par prendre ses repères, ici un meuble, là une table, et se déplacer seul. Le rôle du parent se cantonne alors à lui simplifier la vie. “Adapter la maison, c'est ranger, ranger et encore ranger, constate Luc Boland. Pour un aveugle, les choses doivent être toujours à la même place. Mon fils met son iPhone ou sa brosse à dents toujours au même endroit.”

Attention à ne pas déplacer les objets et les meubles inopinément ! “Il faut toujours remettre les choses à leur place pour qu'il n'ait pas d'obstacle, conseille encore Luc. Si des invités mettent leur sac dans le chemin de déplacement de Lou, on leur dit de le poser ailleurs.” Dans ces conditions, mieux vaut privilégier la continuité dans l'aménagement de la maison. “Chaque modification nécessite un nouvel apprentissage pour l'enfant”, précise le père de Lou.

Joachim et son frère jumeau Léon ont voulu rester dans la même chambre.

“Je suis en location, du coup je ne peux pas faire beaucoup d'aménagements, confie de son côté Olivier. Heureusement, son frère Léon aide Joachim, notamment pour le rangement, qui peut vite devenir le chaos. Les jumeaux ont voulu rester dans la même chambre, ils font beaucoup d'activités ensemble.” Une complicité formidable, mais aussi une grande responsabilité pour Léon, qui pourrait peser un peu trop lourd pour lui. C'est pourquoi les deux frères n'ont pas été mis dans la même classe à l'école, où Joachim bénéficie d'une aide à la vie scolaire (AVS). 

“Mon fils jongle avec son iPhone à la vitesse de l'éclair !”

Même pour un simple locataire, il existe en réalité plein d'astuces pour aménager sa maison. Fort d'une longue expérience - Lou a aujourd'hui 21 ans, Luc Boland prodigue des conseils bien utiles à tous les parents d'enfants non ou malvoyants. “On utilise un vieil appareil, le dymo, qui permet de découper des étiquettes autocollantes sur lesquelles on écrit en braille le nom des objets. On en a mis sur le synthé de Lou, sur l'ampli de la sono, sur l'armoire, sur la boîtes à chaussettes, ça lui permet de savoir face à quoi il se trouve.” 

Mais la révolution qui change tout d'après Luc Boland, c'est l'iPhone. “Mon fils jongle avec ça à la vitesse de l'éclair ! Pour les aveugles, il existe des raccourcis qui permettent de naviguer et des logiciels pour tout faire ou presque. Lou utilise la fonction Voice Over qui décrit ce que votre doigt touche sur le téléphone, et avec la caméra il peut pointer un objet, et la voix dit si c'est un verre, un couteau, une étagère... Il y a même un système de scannage qui permet de lire le journal ! On a laissé Lou de plus en plus tout seul grâce à ça.” 

En écoutant parler avec enthousiasme Luc Boland, on comprend vite pourquoi les parents de Joachim, comme beaucoup d'autres, se sont tournés vers la Fondation Lou pour être conseillés. Tous ont trouvé dans ce cinéaste belge une oreille attentive, dévouée et intelligente.

De l'inspiration aussi, puisque Olivier a fondé de son côté UniversJo, une association qui souhaite également sensibiliser à la maladie et améliorer la vie quotidienne de Joachim, via l'achat d'instruments de musique par exemple. En attendant, le petit garçon apprend avec succès à jouer d'un autre instrument, la canne. On parie qu'il ne se cognera bientôt plus.