|

CARRÉ VIPÈRE - Il arrive parfois de croiser un serpent dans son jardin. Si les espèces présentes en France sont en réalité majoritairement inoffensives, encore faut-il bien les différencier les unes des autres.

Victime d'une mauvaise réputation, le serpent continue d'effrayer celles et ceux qui croisent sa route. Pourtant, leur présence dans notre pays ne représente aucun danger pour l'homme. “Souvent, la peur vient du fait que l'on ne connaît pas, rappelle Mickaël Nicolas, éducateur nature au sein de l'association Nature en Occitanie. Quand on connaît un petit peu mieux, on s'aperçoit qu'il n'y a rien de dangereux et qu'on peut tout à fait cohabiter
avec”.


En France métropolitaine, il existe deux familles de serpents : les couleuvres et les vipères. La première compte 11 espèces différentes (la couleuvre jaune et verte, la coronelle lisse, la couleuvre d'esculape…), tandis que 4 espèces appartiennent à la famille des vipères (aspic, d'Orsini, péliade et de Séoane). “Il s'agit de deux grandes familles assez connues du grand public dans leur appellation mais peu dans leur reconnaissance”, indique notre expert. Alors, justement, comment les différencier ?

La couleuvre est un serpent très commun en France, notamment en forêt, au bord des cours d'eau © Getty Images

Trois critères fiables pour différencier les serpents

Pour reconnaître à quel type de serpent on a affaire, il faut se référer à trois critères :

  • La forme de leurs yeux. Les couleuvres possèdent une pupille ronde alors que les vipères ont une pupille fendue verticalement.
  • La taille des écailles sur la tête, que l'on appelle les plaques céphaliques. Celles des couleuvres sont plus grosses que celles présentes sur leurs corps, tandis que la tête et le corps des vipères sont recouvertes uniformément d'écailles de petite taille.
  • Les dents, que les couleuvres possèdent sur le long de leurs mâchoires, contrairement aux vipères qui, en plus de ces petites dents, ont deux crochets qui leur permettent d'injecter du venin à leurs proies.

“Tous les autres critères sont totalement subjectifs ou difficiles à appréhender sur le terrain car souvent il faut comparer avec une autre espèce pour constater la différence”, résume Mickaël qui précise aussi que la couleur, la forme de la tête ou la taille ne sont pas des indicateurs fiables. Il existe en effet plusieurs serpents polymorphes, c'est-à-dire qui changent de couleur selon l'endroit où ils se trouvent, mais aussi certaines couleuvres (comme la vipérine) qui peuvent imiter la robe exacte d'une vipère pour tromper leur prédateurs.

ATTENTION, LES ORVETS NE SONT PAS DES SERPENTS !

S'ils ne font pas du tout partie de la famille des serpents, les orvets sont parfois pris pour tel. Il s'agit pourtant de lézards qui ont perdu leurs pattes, devenues encombrantes, au fil de leur évolution, dans leur milieu de vie (rochers, tas de bois, végétation dense). Le meilleur moyen de les différencier des serpents est d'observer leurs paupières. Contrairement à ces derniers qui n'en possèdent pas et dont le regard est fixe, les orvets peuvent cligner des yeux.
Les orvets ne sont PAS des serpents, mais bien des lézards. © Getty Images

Les serpents qu'on trouve en France sont-ils dangereux ?

En dehors de parfaire ses connaissances, si l'on souhaite absolument savoir quelle espèce de serpent vit dans notre jardin, c'est surtout la notion de dangerosité que l'on désire évaluer. “Tout dépend de ce que l'on considère comme dangereux”, répond notre spécialiste qui ajoute cependant qu'il existe bien des espèces venimeuses. C'est le cas des vipères : celles-ci possèdent des glandes qui sécrètent du venin qu'elles peuvent injecter grâce à leurs crochets pour paralyser leurs proies. “C'est inhérent à leur mode de chasse”. Les couleuvres, quant à elles, chassent avec leur mâchoire en avalant l'animal entier et vivant.

Étant donné que l'homme n'est pas une proie chassée par le serpent, il y a donc peu de chance que celui-ci cherche à vous mordre. D'autant que, même en cas de morsure, l'inoculation du venin n'est pas systématique. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce qu'on appelle les morsures sèches, notamment le fait qu'après une morsure, la vipère met plusieurs jours à reproduire du venin. Elle va donc parfois chercher à “l'économiser” et ainsi mordre pour intimider et faire fuir son prédateur en ne se servant que d'un seul crochet voire d'aucun des deux, ce qui libère aucune ou une faible quantité de venin.

Adulte, la vipère aspic mesure entre 50 et 70 cm, sa morsure est dangereuse, mais rarement mortelle. © Getty Images

Il est important de rappeler que les cas de mortalité à la suite d'une morsure de serpent sont extrêmement rares en France. La probabilité de rencontre avec une vipère reste relativement mince, la malchance d'être mordu avec injection de venin encore plus. De plus, il faut généralement être dans une situation où l'on ne peut pas être soigné par des professionnels pour succomber à une morsure. “En France, la prise en charge est très rapide. On vous injecte un anti-venin à l'hôpital, les symptômes passent en quelques jours et vous êtes sur pied très vite”, explique Mickaël.

Pour autant, les morsures de serpent ne doivent pas être prises à la légère, même dans notre pays. Si vous êtes certains d'avoir été mordus par une couleuvre, vous pouvez vous contenter de désinfecter la piqûre, comme vous le feriez avec n'importe quelle autre plaie. En revanche, s'il s'agit d'une morsure de vipère (et ce même pour une morsure sèche), “le mieux est d'appeler les pompiers ou de consulter votre médecin pour vous assurer qu'il n'y a pas d'inoculation de venin”. Important : n'utilisez pas d'instrument pour aspirer le venin, c'est déconseillé par la direction générale de la Sécurité civile en France.

Comment éviter les morsures ?

Il est conseillé d'utiliser des gants si vous souhaitez manipuler un tas de pierres, de bois ou autres au fond de votre jardin, surtout si vous soupçonnez la présence de serpents. Vous pouvez également taper du pied si vous comptez marcher sur un pierrier ou dans un espace dans lequel des serpents pourraient avoir trouvé refuge. En effet, s'ils entendent très mal, ils sont en revanche très sensibles aux vibrations grâce à leurs écailles ventrales.

“La solution radicale pour ne pas se faire mordre reste tout de même de garder ses distances et de ne surtout pas essayer de les attraper”, rappelle Mickaël. Très craintif, le serpent attaque un homme seulement s'il se sent agressé. Que vous aimiez les serpents et désiriez les manipuler ou au contraire les chasser à coups de pierre ou encore tenter de les tuer (ce qui est formellement interdit par la loi, étant une espèce protégée), un bon mètre de distance est nécessaire pour ne pas les placer dans une situation défensive.

Georges vit en cohabitation avec un python depuis 2016 et tout se passe bien, car celui-ci fait la vaisselle. (Non, c'est faux) © Getty Images

Apprendre à cohabiter avec les serpents

La meilleure façon d'interagir avec un serpent rencontré dans votre jardin est de l'observer de loin et de ne surtout pas tenter de le déranger. Tout comme vous, il évolue dans son milieu naturel. D'ailleurs, si la peur nous pousse souvent à vouloir les chasser, la présence de serpents dans un jardin est “très profitable à l'homme”, explique Mickaël. "Étant généralement au sommet de la chaîne alimentaire, leur présence indique que vous vivez
dans un cadre où l'écosystème est équilibré”
. Il peut même vous aider à réguler la présence de “compétiteurs pour l'homme”, des nuisibles du jardin, comme les rongeurs ou certains insectes.

Si vous n'êtes décidément pas fan des serpents et les préférer de loin, on vous conseille d'entretenir les abords directs de votre maison (limiter les broussailles, les tas de pierres, de tuiles, de bois qui toucheraient vos murs) et d'installer ces potentielles zones de refuge au fond de votre jardin. “Ce qu'on encourage, c'est de ne pas éliminer l'habitat naturel du serpent parce qu'il nous rend des services et qu'il s'agit d'une espèce protégée. Si chacun reste sur son territoire, généralement, tout se passe bien”, assure Mickaël.

Les bases d'une cohabitation réussie, en somme. Avec un serpent comme avec un voisin un peu relou.