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PSYCHO - Aurélia Schneider a écrit un livre pour identifier les causes de la charge mentale mais surtout pour alléger le stress et la fatigue qu'elle entraîne.

La charge mentale ou le fait de devoir tout anticiper, est une malédiction dont héritent principalement les femmes. 8 Françaises sur 10 estiment la subir selon une étude Ipsos de 2018. Au-delà du stress qu'elle occasionne, la charge mentale épuise à tel point qu'elle peut engendrer une forme de burn-out. Comment faire pour soulager les femmes de ce poids ? 

Dans son ouvrage, La charge mentale des femmes… et celle des hommes (Ed. Larousse, 2018), la psychiatre Aurélia Schneider, spécialiste des thérapies comportementales et cognitives, s'intéresse aux moyens d'identifier cette surcharge mentale mais aussi aux moyens de la limiter. Car cette pression n'est pas une fatalité ! 

“Devoir penser à tout, tout le temps et pour tout le monde”

Premier point, comment reconnaître un excès de charge mentale ? “On commence à avoir des tensions, on contrôle moins bien son humeur, on se met en colère, on crie. On ne réussit pas à récupérer de la fatigue”, explique Aurélie Schneider. Un facteur “confusionnant” selon elle, car les parents ont tendance à confondre la fatigue liée à la charge mentale avec celle causée par le sommeil agité de leurs enfants. Puis, les manifestations de stress peuvent devenir physiques. “Des douleurs, des maux de tête, des maux de ventre, des tensions musculaires”, énumère-t-elle. 

Le problème, c'est que les tâches à l'origine de cet épuisement sont parfois difficilement identifiables. “Cela peut être des trucs ludiques et sympas, comme organiser la fête surprise des 40 ans de votre conjoint avec 20 invités. Ce n'est pas juste le fait de faire des choses, mais de devoir penser à tout, tout le temps, et pour tout le monde”, souligne la psychiatre. 

Et Aurélia Schneider d'ajouter : “On peut se sentir un peu seule dans cette obligation. Soit parce qu'on est seule, mais quelquefois on se sent seule quand le conjoint est là.” 

Demander de l'aide et apprendre à lâcher du lest 

Solliciter de l'aide est primordial pour partager cette charge mentale au sein du foyer. D'où l'importance de verbaliser ce dont on a besoin, l'autre ne réalise pas toujours que son ou sa partenaire a besoin d'aide. “La télépathie n'existe pas”, nous rappelle Aurélia Schneider. Le but étant de de laisser à l'autre la gestion d'une tâche de A à Z. 

Je préfère que l'on confie au conjoint un dîner à faire entièrement avec les courses, le menu et la vaisselle plutôt que de seulement faire les courses, car alors on peut se retrouver à faire la liste pour lui”, illustre-t-elle. 

En revanche, apprendre à déléguer n'est pas chose facile, c'est pourquoi Aurélia Schneider insiste sur un deuxième point. “Il faut lâcher sur une forme de perfectionnisme qui serait d'avoir envie que ça se passe comme on le souhaite”, précise-t-elle. Par exemple, lors du remplissage du lave-vaisselle, la psychiatre rappelle que le plus important n'est pas la manière de le remplir mais qu'à la fin, la vaisselle soit propre et bien rangée. 

Alors bien sûr, les débuts seront peut-être un peu chaotiques. “Au bout de quelques temps, l'autre prendra l'habitude, et on aura plus de problème”, rassure la psychiatre. Personne ne naît “championne du rangement” !

Prendre du temps pour soi pour souffler un peu

Ces conseils ont pour vocation de se libérer de la charge mentale, certes, mais pas pour gagner de l'avance sur d'autres tâches ménagères, non. L'objectif est de prendre du temps pour soi. “Il faut arrêter de culpabiliser parce qu'on laisse tout dans l'évier et que l'on se vautre dans le canapé pour lire le journal”, insiste Aurélia Schneider. 

Passer du temps à faire des choses qui apaisent, qui reposent, sont essentielles pour la santé mentale et physique des victimes de la charge mentale. “Si on a 5 minutes, est ce que l'on va s'asseoir pour prendre une tasse de café ou en profiter pour lancer une machine à laver à toute vitesse ? Si on n'en peut plus, il va falloir dire « non, je ne vais pas le faire » ”, recommande la psychiatre. Le tout est de parvenir à prendre du recul. “En général, il n'y a guère plus que deux urgences par jour”, indique-t-elle. 

Bien que l'implication du conjoint ou de la conjointe soit cruciale pour libérer l'autre, attention à ne pas oublier les enfants. “C'est un cheval de bataille auquel je tiens, souligne la médecin. Oui, on peut responsabiliser les enfants très tôt.” Dès le plus jeune âge, il faut les faire participer, de manière ludique. 

Appareiller les chaussettes par exemple, en leur apprenant à les classer par couleur, puis faire des tas. “Plus ça va aller, plus l'enfant va prendre ses propres chaussettes et les mettre dans son placard”, explique Aurélia Schneider. Le reste suivra avec l'âge et les enfants s'autonomiseront. “J'ai un fils de 14 ans qui étend son linge, je lui ai montré qu'il ne fallait pas mettre tout en boule, qu'il fallait trier. Il faut apprendre aux garçons à participer aux tâches ménagères !”, s'exclame-t-elle. 

Une aide extérieure : une option à la portée de toutes 

Et quand l'aide venant des autres habitant-es de la maison ne suffit pas ou plus, se tourner vers l'extérieur est une excellente option, qui n'est pas réservée aux personnes qui ont les moyens, insiste la psychiatre. “Il y a plein d'aides que l'on peut demander auprès des Caisses d'Allocations Familiales, des assistantes sociales”, indique-t-elle. Encore faut-il être capable de pouvoir donner des instructions et de verbaliser ce dont on a besoin. 

Attention, l'aide extérieure ne concerne pas seulement les femmes actives, bien au contraire. Mettre ses enfants à la cantine ou à la halte garderie permet aux mères au foyer de souffler, elles aussi. “Ça leur fait drôle mais je demande à ces mamans de mettre leurs enfants deux jours par semaine à la cantine. C'est essentiel, elles vont enfin avoir un peu de temps pour elles”, nous raconte-t-elle. 

La psychiatre insiste sur le fait que le fait de ne plus culpabiliser, ni anticiper tout, tout le temps est difficile car les femmes, dès l'enfance, sont éduquées à agir de la sorte, tandis que les garçons échappent à cette injonction. Pour amorcer ce processus de lâcher prise, Aurélia Schneider prône la décentration dans le temps : “Quelle importance dans 5 ans, de na pas avoir fait le lit ce matin ?”.