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ÉGALITÉLe congé paternité ne dure que 11 jours aujourd'hui. Son allongement permettrait aux hommes de s'impliquer davantage dans la vie de la maison et de nouer une relation plus forte avec leurs enfants.

(Mise à jour le 24 septembre 2018)

Aujourd'hui de 11 jours, la durée du congé paternité fait débat. Un allongement en faveur de l'égalité femme-homme et d'une répartition des tâches plus juste.

En mai 2017, une pétition pour l'allongement du congé paternité avait recueilli plus de 85 000 signatures. Une nouvelle pétition publiée dans le Parisien le 23 septembre 2018 réclamant un congé paternité obligatoire et plus long, a recueilli 160 signatures, de personnalités et d'anonymes. 

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié récemment préconise de passer de 11 jours à 3 voire 4 semaines de congé paternité pour les pères.

Au-delà du désir des hommes de s'impliquer davantage dès la naissance de l'enfant, l'allongement du congé paternité est une question d'égalité. Associer les deux parents à l'éducation des enfants, c'est la promesse d'une répartition des tâches plus juste au sein de la maison.

Nous avons interrogé quatre personnalités qui s'engagent pour ce changement de société. Voici leurs arguments.

Tristan Champion : suivre l'exemple norvégien pour redéfinir le rôle des hommes

Tristan Champion, père de deux enfants, a quitté la France pour vivre avec sa femme en Norvège. Un pays où le congé paternité dure 5 jours, mais où deux mois et demi du congé parental sont réservés aux pères. “Ce congé est payé à 100% et on ne peut pas le donner à sa femme”, souligne-t-il.

Là-bas, les deux parents ne peuvent prendre leur congé parental au même moment. Cette alternance est pour Tristan Champion, auteur du blog Barbe à Papa, une condition essentielle “si l'on veut faire changer les mentalités et les habitudes.”

En d'autres termes, le père n'est pas là pour aider sa femme, mais pour prendre en charge le quotidien de manière autonome. “Avant j'étais copilote, aujourd'hui je suis pilote”, résume-t-il.

Ce Français expatrié est catégorique : “le congé paternité a complètement changé mon rapport aux tâches ménagères dans le foyer.” Actuellement en congé paternité suite à la naissance de son fils, il assure aujourd'hui effectuer 75% des tâches ménagères. Une organisation nouvelle qui a changé la routine de chacun. “Ma femme a lâché prise sur le linge et le lavage de la salle de bains, la cuisine c'est toujours moi qui m'en occupe”, détaille-t-il.

Tristan Champion estime qu'en Norvège, “concernant le concept de virilité, les hommes sont beaucoup plus décomplexés.” Un “vrai homme” en Norvège s'implique dans les tâches ménagères et le quotidien de l'enfant.

Emma : mettre un terme aux stéréotypes de genre dès la naissance

La dessinatrice Emma, autrice de la BD Fallait demander (Ed. Massot, 2017), qui aborde la question de la charge mentale, évoque un problème qu'elle a observé à l'étranger. “Au Québec, beaucoup de femmes ont remarqué que les pères profitent du congé paternité pour partir faire du bateau avec des copains”, rappelle-t-elle.

D'où l'importance d'imposer un congé paternité sans la présence de la mère. “Lorsque l'on est mère, on s'investit car on a pas le choix. Pour le père cela doit être pareil, il ne doit pas l'avoir non plus”, explique-t-elle.

Pour Emma, qui sort le 20 septembre 2018 La charge émotionnelle (Ed. Massot), l'allongement du congé paternité est un message fort à destination des générations suivantes. “Nous sommes une génération de transition, nous devons être un modèle pour nos enfants”, précise-t-elle.

Les stéréotypes de genre, qui associent le ménage aux femmes et les travaux d'extérieur aux hommes, ont un impact direct sur la perception des enfants et sur la reproduction de ces inégalités. “Le congé paternité va montrer aux enfants que leur père aussi est là depuis le début.

Hugo Gaspard : être physiquement présent pour l'enfant

Hugo Gaspard, fondateur du magazine Daron est père de trois enfants. Pour lui, le congé paternité est une nécessité puisque les premiers jours du retour au domicile sont d'une importance capitale.

Il s'explique : “cela va être le premier moment où le père va être en contact avec l'enfant puisque c'est la maman qui l'a porté. À partir de là, il est physiquement présent.

Une période d'autant plus cruciale qu'elle enseigne au père les codes de cette nouvelle vie dans laquelle il “intègre l'enfant, s'adapte à son rythme.” Et Hugo Gaspard de préciser : “c'est une nécessité d'un point de vue logistique et pratique.

Hugo Gaspard, qui a pu s'occuper de ses enfants puisqu'il travaille chez lui, a pu adopter les bons gestes pour reconnaître et anticiper les besoins de ses enfants. “Les rendez-vous chez le pédiatre, faire des courses en amont pour ne pas être en rade de couches”, raconte Hugo Gaspard. “Si l'on n'est pas confronté dès le départ à ces situations, c'est la maman qui va prendre tout cela en charge.

Titiou Lecoq : dire aux hommes que leur place est aussi à la maison

Pour Titiou Lecoq, journaliste et autrice de l'ouvrage Libérées (Ed. Fayard, 2017) qu'elle nous présentait en novembre dernier, l'allongement du congé paternité est avant tout un choix de société. Selon elle, il faut envoyer  un message aux pères, “dire au hommes : votre place est aussi à la maison, auprès des enfants.” Un besoin partagé d'ailleurs par de nombreux hommes.

Toutefois, pour avoir un impact réel, elle estime nécessaire d'obtenir une obligation du congé paternité, afin de libérer les hommes de la pression exercée par le milieu professionnel. “Ils pourront dire ‘j'aurais adoré continuer à travailler jusqu'à 21h sans voir mon bébé, mais la loi m'oblige à rester avec lui à la maison pendant X semaines, désolé”, nous explique-t-elle.

Toutefois, bien que l'allongement du congé paternité favorise une répartition des tâches plus équitable à la maison, cela ne résoudra pas tout. “Le problème c'est que, quand une tâche est rebutante pour les deux membres du couple, c'est majoritairement la femme qui s'en charge”, souligne-t-elle.

Une problématique qui se pose tout au long de la vie, et pas seulement lors de la naissance !

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