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ÉCONOMIE - La très connectée capitale de Corée du Sud entend convertir ses 10 millions d'habitants à l'économie collaborative.

Installé derrière sa table de travail, Min hwan paraît imperturbable. Un tournevis dans la main, il s'affaire depuis quelques minutes déjà sur un objet récalcitrant : une voiture miniature. Une fois qu'il en aura terminé avec celui-ci, un autre petit jouet lui succédera. En effet, Min hwan est le réparateur attitré de ce magasin de jouets pas comme les autres.

Min hwan est le réparateur attitré du magasin de jouets.

Min hwan est le réparateur attitré du magasin de jouets. © Arthur Lecoeur

Situé dans les couloirs sous-terrain interminables qui perforent les entrailles de ville, qui permettent aux habitants de venir y trouver un peu de fraîcheur lors de la canicule estivale, cette boutique offre l'opportunité aux parents de venir apporter les jouets dont leurs enfants ne se servent plus, afin de les mettre à disposition d'autres familles.

Tous les jouets sont disposés sur les étagères et mis à disposition des habitants pour 10 $ par an.

Tous les jouets sont disposés sur les étagères et mis à disposition des habitants pour 10 $ par an. © Arthur Lecoeur

Avant d'être installés sur les différentes étagères qui recouvrent l'intégralité des murs, les jouets sont nettoyés par une équipe de bénévoles et subissent un examen minutieux afin de voir s'ils pourront satisfaire les envies des bambins.

Mon fils se lasse vite de ses jouets et je n'ai pas les moyens de pouvoir lui en acheter des neufs régulièrement. Ce magasin est une vraie chance pour moi”, explique Doori Kim, maman de 31 ans de deux enfants de 5 mois et 3 ans.

Doori Kim vient se fournir régulièrement en jouets pour ses deux enfants.

Doori Kim vient se fournir régulièrement en jouets pour ses deux enfants. © Arthur Lecoeur

Pour 10 dollars par an, les jouets s'empruntent pour une durée de quinze jours et le service est ouvert à tous. Signe de la réussite de ce projet, 172 magasins de ce genre ont essaimé dans la ville.

Réduire les dépenses et son impact sur la planète

Cette initiative de partage, c'est à la municipalité qu'on la doit. Depuis 2012, la mégalopole aux 10 millions d'habitants s'est lancée dans l'économie collaborative et entend bien convertir bon nombre de pays du monde à cette nouvelle façon de consommer à travers un programme au nom évocateur : “Seoul Sharing City” (Séoul, ville du partage en français).

L'ambition de ce projet ? Réduire les dépenses des ménages et prévenir le gaspillage des ressources, sans pour autant restreindre le niveau de consommation. Voiture, outils, logement, vêtements ou encore jouets, tout ici se partage. Avec, en filigrane, un autre espoir : retisser des liens communautaires entre les habitants de la ville la plus connectée du monde.

Seonae Kwon, adjointe au maire de Séoul.

Seonae Kwon, adjointe au maire de Séoul. © Arthur Lecoeur

Nous nous efforçons de trouver une solution afin de restaurer un sens de la communauté qui s'était affaibli avec le développement économique rapide de la Corée”, explique Park Won-soon, le maire de la ville. “Partager est une façon de consommer sans posséder que nous trouvons plus pérenne”, complète Seonae Kwon, son adjointe.

1 700 places de parking partagés, 180 000 vêtements pour enfants échangés, 267 jeunes personnes vivant dans 209 habitats cogénérationnels... les chiffres parlent d'eux-mêmes, Séoul Sharing City semble être une réussite.

À Séoul, les vélos aussi se partagent.

À Séoul, les vélos aussi se partagent. © Arthur Lecoeur

Notamment grâce au fait que la ville est particulièrement bien connectée aux nouvelles technologies, ce qui permet un meilleur échange entre les Séouliens. Ici, la 4G est partout, même dans les transports en commun, et la ville peut se targuer d'avoir la connexion internet la plus rapide du monde.

120 entreprises labellisées par la ville

La plupart des échanges se déroulent sur le site ShareHub, financé par la ville à hauteur de 70 millions de won par an (soit près de 57 000 euros). Sur l'interface, des projets portés par la municipalité et quelques 120 entreprises, dont la majorité sont labellisées Seoul Sharing City.

Elles peuvent être à but lucratif ou non mais doivent apporter un service au public”, détaille l'adjointe au maire.

La mairie de Séoul, bulle de verre au milieu de la ville.

La mairie de Séoul, bulle de verre au milieu de la ville. © Arthur Lecoeur

Socar fait partie de ces entreprises. Cette société propose un service d'échange de voitures et de covoiturage entre particuliers. "Chaque jour, près de 5 600 personnes utilisent ce service. Un bon moyen de se déplacer sans pour autant investir dans une nouvelle voiture, qui viendrait ajouter son quota de bouchons et de pollution dans la ville”, indique SanKu Jo, président de Socar.

Convertir le monde au partage

Les 6 et 7 novembre 2016, Séoul organisera un meeting qui ressemblera différents responsables de pays étrangers, afin de les convertir à cette nouvelle façon de consommer.

De quoi de pérenniser son image de ville collaborative et de continuer de revendiquer son titre de “Sharing city” .

 

Moins polluer, offrir aux citoyens la possibilité de consommer autrement, voici les défis des villes de demain. Et c'est aujourd'hui qu'il faut commencer”, affirme Seonae Kwon.

Dans l'esprit de l'adjointe, il ne fait aucun doute que le partage gagnera du terrain dans les années à venir. Nous ne pouvons qu'espérer que ses prédictions se révèlent exactes.