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INTERVIEW - Biceps Cultivatus est un projet de cuisine alternative développé à POC 21, un camp de l'innovation pour la transition écologique.

Mise à jour du 22 août 2016 : Les fichiers pour fabriquer soi-même sa cuisine écologique sur le modèle de Biceps Cultivatus sont disponibles en ligne.

Avant la COP 21, la conférence internationale sur le climat qui aura lieu en décembre à Paris, POC 21 prépare le terrain.

Une centaine de makers, de designers et d'ingénieurs se sont réunis pendant un mois dans un camp dédié à l'innovation, au château de Millemont (Yvelines). Ensemble, ils ont développé douze projets pour changer nos comportements et faire du bien à la planète.

Parmi toutes ces bonnes idées, nous avons choisi de vous parler de Biceps Cultivatus. Trois modules de cuisine intégrés, qui innovent là où on ne les attend pas.

Ici, pas de frigo américain, mais un système de conservation des aliments sans électricité. Pas d'électroménager high-tech, mais un mixeur qui fonctionne à la force du poignet. Pas de surconsommation, mais le cycle de la nature reproduit à domicile. Le compostage des déchets vient alimenter un système de culture hors-sol pour faire pousser ses propres plantes aromatiques.

La cuisine Biceps Cultivatus à la fin de POC 21.

La cuisine Biceps Cultivatus à la fin de POC 21. © Lisa Hör

Quatre jeunes designers travaillent ensemble à ce projet : Antoine Pateau, Audrey Bigot, Valentin Martineau et Yoann Vandendriessche. Ces deux derniers, membres du collectif de designers BAM, ont répondu à nos questions.

Pourquoi vous intéresser à la cuisine ?

Yoann : Tout le monde n'a pas un atelier, mais tout le monde a une cuisine. Et c'est l'endroit où chacun peut “fabriquer”.

Valentin : On essaie de montrer, qu'à l'échelle individuelle, il existe des alternatives pour agir en faveur du climat. Par exemple, au lieu d'acheter de la menthe dans une barquette en plastique, on peut avoir une jardinière qui donne des plantes aromatiques toute l'année.

Comment avez-vous intégré la culture de plantes hors-sol dans votre projet ?

Yoann : Dans le cadre du concours le Green dans le Gris, nous avions travaillé avec Valentin sur un module aquaponique. C'est-à-dire un bac de poissons, dans lequel on puise l'eau, riche en matière organique, pour alimenter un bac de culture hors-sol.

Mais les poissons peuvent être encombrants dans une cuisine. On a donc opté pour l‘hydroponie : c'est le même système sauf qu'à la place des poissons, on utilise un engrais naturel pour enrichir l'eau.

Au lieu d'acheter des adjuvants, on crée notre propre engrais en revalorisant les déchets de cuisine, grâce à des bacs de lombricompostage. Dans ces bacs, des vers de terre digèrent les déchets organiques (tout sauf les ?ufs, les agrumes et la viande). Cela ne sent rien.

Le jus de compost qui en ressort sert d'engrais pour enrichir l'eau, et faire pousser du basilic par exemple. C'est un cycle vertueux.

De gauche à droite, Yoann Vandendriessche, Audrey Bigot et Valentin Martineau pendant POC 21.

De gauche à droite, Yoann Vandendriessche, Audrey Bigot et Valentin Martineau pendant POC 21. © Adèle Ponticelli

Quels autres éléments y a-t-il dans votre cuisine ?

Yoann : Audrey Bigot a travaillé sur la conservation des aliments sans électricité, avec des techniques anciennes. Certains fruits et légumes par exemple ont juste besoin d'être à l'air. D'autres, comme les tubercules, les carottes, se conservent très bien dans le sable. On peut recréer l'environnement frais d'une cave, avec simplement deux pots en faïence, et du sable au milieu.

Antoine Patteau, lui, s'est intéressé au mixeur électrique. Il a dessiné un robot ménager qui fonctionne sans électricité, et sans trop gros effort physique non plus ! Il suffit d'actionner deux ou trois fois un levier pour obtenir du couple et avoir suffisamment d'énergie pour trancher, moudre, battre des ?ufs, essorer sa salade...

Notre challenge est de montrer aux gens qu'il existe des solutions alternatives à l'électroménager, et qu'ils peuvent les adopter sans diminuer leur confort de vie actuel.

POC 21 demande à ses participants de mettre les plans de leurs prototypes à la disposition de tous sur internet, cela rentre dans votre démarche ?

Yoann : Oui car on n'invente rien, on remet au goût du jour des technologies oubliées ou laissées de côté. Nous ne sommes pas propriétaires de ces idées, on veut seulement les rendre intelligibles à tous.

Valentin : Nous avons agencé ces différents éléments entre eux, avec notre regard de designers, pour que les gens se rendent compte qu'il est possible de devenir acteur de son environnement et de son système alimentaire. Nous avons donc dessiné les trois modules dans les tailles standard pour des meubles de cuisine, 40 x 90 cm, 60 x 90 cm et 120 x 60 cm.

Yoann : Notre but, c'est que les gens s'accaparent ces idées. Qu'ils nous disent, "vous n'avez pas pensé au mode de cuisson, regardez ce qui se fait dans tel pays".Cela viendra enrichir notre bibliothèque de systèmes alternatifs.

Valentin : Ensuite, on est prêts à travailler avec des collectivités, ou des industriels pour aller plus loin. La conscientisation de masse se fera quand, en magasin, il sera possible de choisir une cuisine qui intègre un système de conservation sans électricité.