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JARDIN - Didier Helmstetter, un ancien ingénieur agronome, passionné de jardinage, livre les clés de la phénoculture.

Travailler moins pour ramasser plus” : cela vous rappelle quelque chose ? Eh bien, ce slogan a trouvé un nouvel écho, plus écolo dans la bouche de Didier Helmstetter.

Cet ancien ingénieur agronome a théorisé la “tactique du transat” qui risque de donner espoir à celles et ceux qui rêvent d'avoir un potager abondant et “plus que bio” sans jamais avoir à quitter leur chaise longue !

Dans son ouvrage Le potager du paresseux (Ed. Tana, 2018), ce passionné de jardinage livre ses secrets de fabrication et tord le cou à de nombreux préjugés !

Beaucoup renoncent au jardinage par manque de temps, d'envie ou de connaissance techniques. À cause de l'un de ces facteurs, parfois même des trois, nous nous privons d'un potager à domicile.

Pourtant, selon Didier Helmstetter les gestes “habituels” du jardinier - à savoir “bêcher, biner, creuser, ameublir le sol” - seraient superflus. Vous ne connaissez pas la signification de ces termes ? Bonne nouvelle : cela ne fait rien, puisque vous n'en avez pas besoin !

Puisque l'auteur a développé une parfaite ode à la paresse, nul besoin de compétences particulières pour bénéficier d'un potager qui travaille pour vous toute l'année : “potager du paresseux” vous a-t-on dit.

Pratiquer la tactique du transat grâce à la phénoculture

Pour pratiquer à la perfection la “tactique du transat”, il suffit de se mettre à la “phénoculture”. Cela consiste à utiliser du foin “pour faire travailler tous les organismes vivants qui sont dans le sol”, nous explique-t-il.

Parce qu'en latin “faenum” veut dire “foin”. On devrait dire “fénoculture” mais pour donner l'idée de quelque chose de “phénoménale”, l'auteur de cette tactique a remplacé le “f” par “ph”.

Selon l'auteur, le foin qui serait “le meilleur matériau naturel possible”, permettrait de nourrir à merveille les organismes du sol que sont les vers de terre, les champignons et bactéries. La présence de ces organismes est essentielle à la bonne santé de votre potager puisqu'ils lui permettent de vivre en dynamisant son sol. Plus ils sont nombreux, plus votre potager produit.

Le plus étonnant c'est que l'application concrète de cette découverte est encore plus simple que l'idée. Pour cela, il suffit de répartir le foin sur toute la surface du potager. “Il faut veiller à avoir une couche suffisamment épaisse, une vingtaine de centimètres environ”, nous précise le paresseux.

En complément, l'auteur explique qu'il est nécessaire d'ajouter du BRF, comprenez “bois raméal fragmenté”. “Ce sont des chips faites à partir de branches d'arbres, attaquables par les champignons.” L'association Sikana explique d'ailleurs dans une de ses vidéos, comment en fabriquer :

 

Un mot d'ordre : ne rien faire.

Mais s'il y a bien une chose que vous devez retenir, c'est de ne toucher à rien. “Quand on travaille la terre, on massacre l'utilité des organismes vivants du sol”, ajoute-t-il.

Et d'ajouter : “Il faut arrêter de penser que l'intervention humaine est nécessaire en permanence, au potager notamment”. Le potager du paresseux vous évite donc la corvée du désherbage et de la fertilisation.

Mais peut-on se passer de l'arrosage ? “Cela dépend du climat de la région dans laquelle vous vous trouvez”, indique Didier Helmstetter. En clair, si vous vivez dans le sud de la France, il est préférable d'arroser de temps à autre, par précaution.

Le compost n'est pas nécessaire

Le compost n'est pas non plus nécessaire à la bonne santé de votre potager. “Je défends l'idée que le compost n'est pas une bonne idée”, assure-t-il. Mince alors ! Nous qui vous bassinons la tête avec le compostage…

Le compost ce n'est pas de la nourriture, c'est de la pourriture. La qualité de la nourriture sera déterminante vis-à-vis du nombre d'organismes dans le sol”, explique le jardinier. À l'image d'une vache, les habitants du sol préféreront toujours une vraie carotte à des restes de poubelle.

En revanche, le jardinier nuance : “Cela reste une solution intéressante pour traiter ses déchets organiques.” Ouf ! L'honneur est sauf.

Tous les jardins sont adaptés aux paresseux

En ce qui concerne la réalisation du potager, deuxième bonne nouvelle : tous les jardins sont éligibles au titre de potager du paresseux. “Ce que je recommande pour commencer, c'est de s'installer sur un bout de gazon ou une friche parce que ce sont des terrains sains”.

Le jardinier, dispose lui d'un potager de 500 m2, dans lequel il cultive depuis plus de 5 ans de nombreuses variétés de légumes et de petits fruits. En revanche il met en garde : “pour celles et ceux qui disposent d'un potager traditionnel matraqué par les pesticides, la récupération du système vivant peut être très longue.” Il conseille d'attendre environ 5 ans pour que les effets négatifs de ces produits chimiques disparaissent du sol.

Pour vérifier que l'action du foin sur votre potager porte ses fruits et que les organismes vivants du sol y soient réceptifs, voici quelques signes que la phénoculture fonctionne :

  • la présence de moisissure sur le foin. Le jardinier confirme “en soulevant les couches de foin, si vous remarquez un feutrage blanc cela signifie que les champignons s'installent.
  • les effets des bactéries sont indirects, si les légumes verdissent c'est un signe qu'elles transforment l'azote du sol en nitrate”, ajoute-t-il.
  • la présence de tortillons dans la terre : “c'est la preuve que votre potager dispose de beaux vers de terre”.

Pour la petite histoire, Didier Helmstetter a mis au point cette science de la phénoculture à la suite d'un infarctus qui l'a diminué physiquement. “Je n'ai plus la force de m'occuper de travailler la terre comme avant”, nous explique-t-il.

Pari tenu puisque le rendement de son potager est équivalent à celui d'un potager traditionnel. “Dans 80% des cas, mon rendement est même supérieur !”.

Une belle victoire pour cet ingénieur agronome à la retraite dont la passion et la joie de vivre sont communicatives. On s'imagine aisément discuter de ses dernières découvertes dans un transat installé dans son “beau” jardin. Beau ? L'adjectif ne lui convient pas : “Le bazar que j'ai dans mon jardin, peu de gens trouve ça beau. Mais productif oui !”. Un bazar productif, que demander de mieux ?