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TRANSITION - Dans leur livre, les journalistes Valère Corréard et Mathilde Golla guident les parents dans leur volonté de transition écologique.

L'arrivée d'un enfant bouleverse la vie, et ce, à tous points de vue. Emploi du temps, charge de travail, rapport aux autres, mais aussi, écologie ! Vous l'avez sûrement constaté autour de vous : certains néo-parents qui n'avaient jamais entendu parlé de zéro déchet deviennent à la naissance de bébé, des expert-es en couches et lingettes lavables. 

Une prise de conscience soudaine, une envie de changer ses habitudes, mais entre l'alimentation, les équipements, les produits d'entretien ou même les vêtements, les étapes vers la transition sont nombreuses. Heureusement, pour y voir plus clair et guider les futurs parents écolo, les journalistes Valère Corréard (fondateur de l'Info Durable) et Mathilde Golla (Le Figaro) viennent de publier, Un bébé pour tout changer - 9 mois pour réussir sa transition écologique (Ed. Marabout, 2020). 

Un manuel pratique qui revient mois après mois sur l'ensemble des questions relatives à l'arrivée d'un enfant et comment y répondre de façon écolo. Sans jamais se mettre la pression (oui, oui, c'est possible !). Entretien. 

18h39 : L'arrivée d'un bébé déclenche parfois une prise de conscience écologique et un besoin de changer ses habitudes. Pour quelles raisons selon vous ? 

Valère Corréard : D'une part, philosophiquement et psychologiquement on se retrouve face à une responsabilité inédite. Une responsabilité par rapport aux générations futures, c'est la première fois qu'on est intéressé par ce qui va se passer au-delà de notre propre existence. Cet être qui va être notre continuité, le monde dans lequel il vivra demain nous intéresse. 

Le deuxième pilier, qui monte en puissance avec la grossesse, qui est beaucoup plus pratique, ce sont les bonnes questions qu'on se pose en tant que parents. Qu'est-ce que l'enfant va manger ? Respirer ? Quel choix vais-je faire en tant que parent qui sont les moins pires pour lui ou elle ? Par exemple quand on tourne les flacons des produits ménagers, il y a des animaux morts avec des barres dessus, j'ai entendu que les habits il faut les laver avant de les mettre. On est sur un champ de questions immense et même sans s'en rendre compte, on commence à entrer en transition écologique.

Est-ce que cela vous est arrivé à vous deux ? Comment est né l'idée du livre ? 

Valère Corréard : J'ai deux enfants. Ma fille que j'ai eu à 19 ans, qui a aujourd'hui 24 ans et mon fils que j'ai eu à 40 ans, qui a 4 ans. La première fois, j'avais arrêté mes études et j'enchainais les petits boulots. Et 6 mois après sa naissance, j'ai entamé un cursus de droit qui m'a guidé jusqu'à la recherche. J'enchainais les petits boulots beaucoup plus dures avec humilité car il n'était pas question de rester comme ça les bras croisés. Ca a été un changement majeur, pas dans l'écologie, mais un changement majeur. Et à la naissance de mon fils également, j'étais en train d'écrire mon premier ouvrage sur la transition écologique et clairement j'ai testé plein de trucs avec lui. Mais c'était comme une évidence, c'est comme un accélérateur de particules monumentales. 

Mathilde Golla : Devenir parent a changé pas mal de choses. J'ai commencé mon travail de transition dans le cadre de la préparation d'un livre, qui m'a amené à me poser des questions. Mon fils est né quelques mois plus tard, ça a tout accéléré, ça a donné encore plus de sens à tout ça. Il y aussi cette idée de transmettre, qu'ils n'aient pas les reproches qu'on peut avoir nous, par rapport à la génération de nos parents. On les accuse beaucoup en ce moment en disant que les boomers sont responsables de la situation dans laquelle on est aujourd'hui. Eux peuvent dire qu'ils ne savaient pas, nous on ne pourra pas. Je n'ai pas envie d'être face à ces accusations. Même si je fais des erreurs, j'ai envie de me dire que j'ai fait ce que j'ai pu pour mes enfants. 

Un bébé représente une charge de travail énorme. Comment faire en sorte que cette transition écologique ne mène les parents vers un “burn out parental” dont parle Pablo Servigne (auteur de Comment tout peut s'effondrer : petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes) au début de votre livre ? 

Valère Corréard : Anne-Nelly Perret Clermont, qui est une chercheuse suisse, a travaillé sur ces questions et le dit : attention à ne pas vouloir relever le défi de trop ! Nous ne sommes pas tous égaux face à la parentalité, on n'est pas tous dans la même situation. Je pense à la monoparentalité, à la précarité extrême, qui peuvent être insupportables. Il ne faut pas idéaliser cette transition écologique. Mais le changement peut faciliter le changement. Alors qu'on y aille pas à pas ou à fond les manettes, ce qui compte c'est d'accompagner son enfant dans ses premiers mois, les premières années de sa vie.

Mathilde Golla : Quand on a eu nos jumelles, s'est posée la question de l'utilisation de la voiture, on s'est demandé s'il fallait en changer. On a acheté un vélo triporteur pour pouvoir balader tout le monde. Ça nous prend plus de temps, mais finalement on s'y retrouve : le déplacement est devenu une promenade.

Entre l'alimentation, l'équipement, les habits, la toilette : c'est une transition complète que vous proposez dans le livre. Par quoi est-ce que l'on peut commencer quand on veut s'y mettre ? 

Mathilde Golla : On peut changer son alimentation bien avant la naissance par exemple. Toutes les études convergent pour dire que c'est important pour le bébé à naître de manger bio. Je ne me rendais pas compte à quel point ça peut avoir un impact sur l'enfant : on forge ses goûts dès l'état de foetus. C'est hyper important de commencer par l'alimentation et en plus c'est un plaisir de mieux manger. On passe sur des choses plus simples avec de meilleurs produits. Il faut juste accepter de prendre le temps de cuisiner un peu plus et de revoir ses habitudes. 

Valère Corréard : Et on peut commencer par la fin, le milieu, le début. En fait il faut picorer, il faut tester. Chacun sa route ! Il faut se sentir très libre. 

Dans le livre vous recommandez de se tourner vers une mode éthique, d'utiliser des couches lavables. C'est possible d'être un parent écolo sans se ruiner ?

Valère Corréard : Il y a un préalable : l'écologie rime souvent avec sobriété et donc avec économies en réalité. C'est une caricature de dire que l'écologie est réservée aux riches. Il y a tout un tas d'actions qu'on peut mener en faisant des économies. La mode éthique par exemple c'est la seconde main. Un jean dans un vide grenier ou sur Vinted, on le paie 5 ou 6 euros. On peut carrément habiller son bébé, qui va garder un vêtement trois semaines, avec des vêtements qui ont déjà été portés, le champ des possibles est immense.

Mathilde Golla : Les couches lavables sont clairement plus économiques. Il y a des gens qui font le choix des couches lavables pour cette raison là. Ce qu'il faut accepter, c'est que cela prend plus de temps. Mais quand on regarde le temps qu'on gaspille sur des choses superficielles, autant remettre à sa place le temps dont on dispose. 

On sait que l'arrivée d'un enfant ne présage rien de bon en termes de répartition des tâches du côté des femmes. Comment faire en sorte que les mères n'héritent pas d'une forme de charge mentale écolo ? 

Valère Corréard : Il faut qu'on se bouge les fesses car il y a effectivement un déséquilibre manifeste. Avec mon épouse, on en parle régulièrement, on fait gaffe, on fait des points, c'est un partenariat. Il faut être main dans la main et se rappeler à l'ordre, dans un sens comme dans l'autre. C'est ensemble qu'on y arrive. 

Mathilde Golla : Il est important d'embarquer le plus de monde possible dans cette transition. Et cela commence au sein du foyer familial. On fait beaucoup de choses ensemble, on essaie d'avancer tous les deux sur ces thèmes. Maintenant qu'on est convaincus, c'est intéressant de se motiver ensemble, d'aller plus loin, de franchir les étapes. 

Avez-vous des conseils pour faire en sorte que ces bonnes résolutions durent et fonctionnent sur le long terme ? 

Mathilde Golla : Prendre du plaisir. Pour l'alimentation, c'est assez facile quand on découvre d'autres sources d'alimentation, finalement c'est meilleur. Il faut retrouver le plaisir de faire les choses. Dans tout ce que j'ai essayé de mettre en place, tout n'a pas réussi et quand ça n'a pas réussi, c'est qu'il n'y avait pas cette dimension plaisante qui accompagne le changement. Il ne faut pas que ça soit une corvée, sinon ça ne sera pas possible à tenir dans la durée. 

Et dans le livre, l'une des conclusions c'est de se fier aux labels reconnus. Ce sont des choses qui peuvent nous guider si l'on manque de temps. Je n'y faisais pas forcément attention, mais le livre m'a appris qu'il y a des labels fiables et s'y fier quand on fait ses achats est un bon moyen de trouver des produits sains. 

Valère Corréard : C'est une satisfaction de constater qu'on est plus submergé. Qu'est-ce qu'on nous pousse à faire ? “Acheter acheter acheter”. C'est le but du modèle économique dans lequel on est. Quand on reprend le contrôle, c'est un kif énorme ! C'est l'écologie heureuse, pas question de revenir à la lampe à huile. Je reprends le controle car je veux le meilleur pour mes enfants et donc j'utilise mes connaissances pour faire des choix éclairés, et ça c'est du bonheur.