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SOLIDARITÉ - Des collectifs de passionnés déploient des antennes sur les toits, de ferme en ferme, pour que les habitant-es des campagnes puissent accéder à internet. En attendant la fibre.

Quand Corinne Flé et son mari ont acheté leur maison il y a un an à Grandchamp, dans l'Yonne, ils savaient qu'ils s'installaient en pleine campagne, mais n'imaginaient pas qu'ils se retrouveraient sans internet.

Cette petite commune, de moins de 400 habitants, est composée de nombreux lieux-dits et de maisons isolées. Elle fait partie des zones blanches, coupées du réseau internet ou qui disposent d'une très mauvaise connexion.

Le quotidien de Corinne et de son époux s'en est trouvé très compliqué : “Nous sommes taxis et nous recevons notre emploi du temps par internet, raconte-t-elle. Alors, le soir, quand on passait devant chez les patrons, ils nous l'imprimaient, ou alors ils nous l'envoyaient par SMS.”

Heureusement, Scani, un fournisseur d'accès internet coopératif, a réussi à les raccorder au réseau, grâce à deux antennes Wifi d'une vingtaine de centimètres, installées sur la cheminée et sur le toit du garage. Aujourd'hui, même si “ça rame un peu”, le couple peut consulter ses mails et son emploi du temps.

Quand internet ne passe pas

Le cas de Corinne Flé est loin d'être isolé. En France, 7,5 millions de ménages sont inéligibles à un internet fixe de qualité d'au moins 3 mégabits par seconde, majoritairement dans les zones rurales, d'après une enquête de l'UFC Que Choisir publiée en octobre 2017.

Les fournisseurs d'accès internet classiques (SFR, Bouygues, Free…) ne proposent pas de haut débit, voire aucune connexion par câble ou 4G dans ces logements, car le raccordement ne serait pas rentable pour eux.

À Grandchamp, certains avaient opté pour un abonnement internet par satellite, avec une antenne parabolique, mais cette solution ne permet qu'une navigation assez lente.

Des collectifs de passionnés, membres de la Fédération des fournisseurs d'accès internet associatifs, se sont donc constitués pour pallier cette situation un peu partout en France. Parmi eux, Scani a raccordé 600 foyers ces trois dernières années.

Un an de travail pour repérer où poser les antennes

Pascale Doz, bénévole au sein de cette coopérative, vient justement de raccorder deux nouvelles maisons à Grandchamp. Pour y amener internet, il a fallu poser de nombreuses antennes wifi : une première en haut d'un bâtiment raccordé à la fibre optique, puis une tous les dix kilomètres environ, ici sur un silo, là en haut d'un château d'eau, pour relayer le signal.

C'est un gros travail de préparation, explique Pascale Doz. Ça nous a pris un an de repérage pour savoir où installer chaque antenne, car les antennes doivent être visibles d'un point à l'autre, le signal ne passe pas entre les arbres.”

L'installation de l'antenne à domicile coûte 80 euros et l'abonnement par mois 30 euros, soit un tarif équivalent aux fournisseurs classiques.

Au final, presque tous les habitants de Grandchamp sont à présent raccordés grâce à Scani. “Aujourd'hui, ils ont une connexion de 10 mégabits par seconde, explique Roger Tavelin, le maire délégué de la commune. Indispensable à ses yeux : “Il faut absolument qu'on desserve tout le monde, aujourd'hui tous les rapports avec l'administration sont dématérialisés.

Prochaine étape : le très haut débit, même à la campagne

Mais pour permettre à de nouvelles activités économiques de se développer à la campagne, la fibre est souvent nécessaire. Elle apporte une connexion internet fixe de très haut débit, de 30 mégabits par seconde ou plus, trois fois supérieure à ce que peut fournir Scani avec ses antennes wifi.

L'ensemble du territoire français devra être couvert par le très haut débit d'ici 2022, selon le plan du gouvernement. Mais les zones rurales ne sont pas la priorité des grands opérateurs, c'est pourquoi, là encore, les fournisseurs d'accès internet associatifs ont un rôle à jouer. Scani a justement prévu d'installer sa propre fibre optique à Grandchamp prochainement.

Parfois, la mobilisation de tout un village peut aussi accélérer les choses. C'est ce qui s'est passé à Asnière-sur-Vergue, dans la Sarthe. Isabelle Macé, consultante, y a créé le Village Factory, un espace de coworking, pour toutes les personnes qui travaillent, comme elles, à distance.

Impossible d'y travailler sans internet… Isabelle Macé s'est donc rapprochée d'un fournisseur d'accès internet associatif, pour déployer un réseau d'antennes wifi. Et finalement, face à la médiatisation du projet, le département a décidé de faire installer la fibre dès fin mai 2018 dans la commune. Conclusion : “Il faut faire du bruit”, assène Isabelle Macé. Et ne pas baisser les bras.