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RALENTIR - Que veut vraiment dire prendre le temps de vivre ? Comment l'appliquer au quotidien chez soi et dans différents domaines ? Entretien avec une sophrologue.

74 % des personnes interrogées estiment que le rythme de vie dans la société actuelle est trop rapide. Et 78 % souhaitent personnellement ralentir.

Voilà le premier enseignement d'une étude publiée par en 2016 par l'ObSoCo (l'Observatoire Société et Consommation) sur les aspirations liées aux modes de vie futurs. 12 000 personnes ont été interrogées dans 6 pays (la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Turquie, les États-Unis, le Japon).

La réponse à ce problème de société pourrait se trouver dans la slow life, vie lente en français. Nous nous sommes entretenus avec Cindy Chapelle, sophrologue, autrice du site La Slow Life et de nombreux livres sur le sujet, pour comprendre ce qui se cache derrière cette expression.

Cindy Chapelle. © La Slow Life

18h39 : Quels sont les grands principes du mouvement slow ?

Cindy Chapelle : Dans la course permanente, on oublie d'être ancré dans le présent. Au niveau personnel, il y a donc l'idée de savourer l'instant présent, d'être plus à l'écoute de soi mais aussi des autres. Par exemple, quand quelqu'un nous parle, vraiment l'écouter, ne pas être sur son téléphone en même temps. Il s'agit de développer une forme de pleine attention pour renforcer notre bien-être et notre qualité de vie.

Cela appelle à redéfinir ses priorités.

Oui, en étant plus présent à soi, on s'aperçoit que l'on a pu passer à côté de certaines de ses priorités, que l'on a pu faire passer le travail avant sa famille par exemple. On peut se demander quels sont ses essentiels, ceux pour lesquels on a envie de prendre plus de temps, pour guider son existence de façon plus cohérente envers soi-même et envers le monde.

C'est pour cela que la notion d'environnement fait largement partie de ce mouvement. Par exemple en cuisinant. Ça ne veut pas dire passer 3 heures en cuisine pour préparer des plats gastronomiques, mais choisir des produits frais et simples, cultivés de façon raisonnable et raisonnée, et partager avec ses proches des moments de convivialité.

Comment a démarré le mouvement slow dans la société ?

C'est vraiment parti de Carlo Petrini, journaliste gastronomique italien. Il fait partie des personnalités qui ont changé le monde. Il s'est rendu compte des dégâts liés au fast food, et en 1986 il a créé Slow Food, un mouvement international qui a pris une ampleur assez incroyable. Il y a eu après le slow tourism (voyager local, écotourisme), le slow management (qualité de vie au travail), ou encore la slow cosmétique (produits bio, fabrication maison).

Cela ne risque-t-il pas de devenir un simple argument marketing ?

Je comprends très bien cette question mais tout dépend de la façon dont c'est utilisé. Une agence de voyage peut très bien utiliser cette étiquette pour vendre des séjours, mais le mouvement du slow tourism est quelque chose de très ancré et authentique.

Ce sont des voies à explorer qui permettent, au niveau personnel, de changer son regard sur le monde, de changer ses habitudes, et donc, quelque part, de changer de le monde.

Par exemple, le mouvement slow city (ville lente) a un site dédié. Des villes prétendent à ce label et respectent la charte, notamment à travers la solidarité, l'accueil des nouveaux arrivants, la réduction des nuisances sonores... Ce n'est pas une mode, ce n'est pas une tendance, c'est vraiment quelque chose de profond.

Comment faire de sa maison un refuge slow ?

On peut s'offrir une méditation de dix minutes ou un temps de relaxation seul-e dans une pièce, comme une parenthèse pour bien respirer et se mettre à l'écoute de son corps.

La notion de rythme est intéressante. Quand on parle de slow life, les gens ont souvent l'impression que l'on vit au ralenti, au rythme de l'escargot, mais pas du tout. Certaines activités nécessitent un tempo soutenu, d'autres plus de tranquillité et d'apaisement, il faut savoir alterner les deux.

On n'a pas besoin de vivre à 100 à l'heure pour vivre à 100 %. Plus on se concentre sur l'essentiel, plus les expériences sont profondes. Plutôt que de cuisiner, d'appeler ma mère et d'écouter de la musique en même temps, je peux me concentrer sur les légumes que je suis en train d'éplucher.

Savoir dire aux sollicitations quotidiennes est important aussi. Quand on reçoit une invitation, cela peut être salvateur de dire non. Il ne s'agit pas d'être dans la brutalité, mais d'apprendre ce non conscient qui permet d'utiliser ce temps pour soi et pour ce qui va nous faire du bien.

Faut-il se couper du monde ?

Les personnes très sensibles ne vont pas pouvoir suivre les informations tous les jours. Il faut s'écouter avant tout, bien se connaître et se respecter.

Après, il y a la notion de partage. On peut en profiter pour prendre du temps avec ses proches et les redécouvrir. Par exemple, instaurer le rituel de s'appeler tous les deux jours.

Vous expérimentez ce mode de vie depuis quelques années. Qu'est-ce qui reste difficile pour vous ?

Pour moi, le perfectionnisme, l'envie de toujours bien faire les choses, au maximum. Ce juste équilibre, entre trop donner et pas assez, est très personnel.

Plus généralement, il est important de se dire que les changements ne se font pas en un jour, ce n'est pas une méthode miracle. On peut avancer pas à pas avec la méthode Kaizen, d'origine japonaise, en instaurant de petites choses au quotidien.

Par exemple, une personne qui veut se mettre à la course à pied peut commencer par courir 5 minutes par jour pendant un mois, puis passer à 10. Ça peut paraître dérisoire 5 minutes, mais ça fonctionne, car cela ancre des réflexes et des habitudes de vie progressivement. Elles vont se renforcer et avoir plus de chances de durer sur le long terme.